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Qu'on abolit ces travaux précieux,
Des Lyonnais ouvrage industrieux.
Du Confeiller l'abfurde prud'hommie
Eûr tout perdu par pure œconomie.
Mais le Miniftre, utile avec éclat,
Sçut par le Luxe enrichir notre Etat.
De tous nos Arts il agrandit la fource,
Et du Midy, du Levant & de l'Ourse,
Nos fiers voisins, de nos progrès jaloux,
Payoient l'efprit qu'ils admiroient en nons.
Je veux-ici vous parler d'un autre homme,
Tel que n'en vit Paris, Pekin, ni Rome;
C'est Salomon, ce Sage fortuné,

Roi Philofophe, & Platon couronné,
Qui connut tout, du cédre jusqu'à l'herbe,
Vit-on jamais un Luxe plus fuperbe!
Il faifoit naître, au gré de fes défirs,
L'argent & l'or; mais fur-tout les plaisirs.
Mille beautés fervoient à fon ufage.

Mille? On le dit, c'eft beaucoup pour un Sage.
Qu'on m'en donne une, & c'eft affez pour moi
Qui n'ait l'honneur d'être fage ni Roi.
Parlant ainsi, je vis que les Convives
Aimoient affez mes peintures naïves;
Mon doux béat très-peu me répondoit,
Rioit beaucoup, & beaucoup plus bûvoit;
Et tout chacun présent à cette fête,

Fit fon profit de mon difcours honnête.

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Tu

U m'appelles à toi, vaste & puissant génie,
Minerve de la France, immortelle Emilie,
Je m'éveille à ta voix, je marche à ta clarté,
Sur les pas des vertus & de la vérité.

Je quitte Melpomene & les jeux du Théâtre,
Ces combats, ces lauriers, dont je fus idolâtre.
De ces triomphes vains mon cœur n'eft plus touché.
Que le jaloux Rufus, à la terre attaché,
Traîne au bord du tombeau la fureur infenfée,
D'enfermer dans un vers une fauffe pensée;
Qu'il arme contre moi fes languiffantes mains
Des traits qu'il deftinoit au refte des humains;
Que quatre fois par mois un ignorant Zoële
Eléve en frémisfant une voix imbécile ;

Je n'entens point leurs cris que la haine a formés.
Je ne vois point leurs pas dans la fange imprimés.

* Cette Lettre eft imprimée au-devant des Elémens do Nevvton, donnés au Public par M. de Voltaire.en 17389 & 1742.

Le charme tout-puiflant de la Philofophie,

Eléve un efprit fage au-deffus de l'envie.
Tranquile au haut des cieux, que Newton s'eft foumis,
Il ignore en effet s'il a des ennemis.

Je ne les connais plus. Déja de la carriére
L'augufte vérité vient m'ouvrir la barriére;
Déja ces tourbillons, l'un par l'autre pressés,
Se mouvant fans espace, & fans régle entaffés,
Ces fantômes fçavans à mes yeux disparoiffent.
Un jour plus pur me luit; les mouvemens renaiffent;
L'efpace, qui de Dieu contient l'immensité,
Voit rouler dans fon fein l'Univers limité,
Cet Univers fi vafte à notre faible vûe,

Et qui n'est qu'un atôme, un point dans l'étendue.
Dieu parle, & le cahos fe diffipe à sa voix.
Vers un centre commun tout gravite à la fois.
Ce reffort fi puiffant, l'ame de la nature,
Etoit enfeveli dans une nuit obfcure;

Le compas de Newton, mefurant l'Univers,
Leve enfin ce grand voile, & les Cieux font ouverts.
Il découvre à mes yeux, par une main fçavante,
De l'aftre des faifons la robe étincelante;
L'émeraude, l'azur, le pourpre, le rubis,
Sont l'immortel tiffu dont brillent fes habits.
Chacun de fes raïons dans fa fubftance pure,
Porte en foi les couleurs dont fe peint la nature,
Et confondus enfemble ils éclairent nos yeux,
Ils animent le monde, ils empliffent les Cieux.

Confidens du Très-haut, fubftances éternelles,
Qui brûlez de Les feux, qui couvrez de vos aîles

Le Trône où votre Maître eft affis parmi vous,
Parlez; du grand Newton n'étiez-vous point jaloux ?

La mer entend fa voix. Je voix l'humide empire
S'élever, s'avancer vers le Ciel qui l'attire ;
Mais un pouvoir central arrête fes efforts;
La mer tombe, s'affaiffe, & roule vers fes bords.
Cométes que l'on craint à l'égal du tonnerre,
Ceffez d'épouvanter les peuples de la terre,
Dans une ellipfe immense achevez votre cours;
Remontez, defcendez près de l'aftre des jours;
Lancez vos feux, volez; & revenant fans cefle,
Des mondes épuisés ranimez la vieillesse.

Et toi, fœur du foleil, aftre qui dans les Cieux, Des fages éblouis trompois les faibles yeux, Newton de ta carriére a marqué les limites;

Marche, éclaire les nuits, tes bornes font prefcrites. Terre, change de forme, & que la pefanteur, En abaiffant le Pôle éléve l'Equateur.

*

Pôle, immobile aux yeux, fi lent dans votre course, Fuyez le char glacé des fept Aftres de l'Ourse; Embraffez dans le cours de vos longs mouvemens, Deux cens fiécles entiers par-de-là fix mille ans.

Que ces objets font beaux ! Que notre ame épurée. Vole à ces vérités dont elle eft éclairée ! Oui, dans le fein de Dieu, loin de ce corps mortel, L'efprit femble écouter la voix de l'Eternel.

Vous, à qui cette voix se fait si bien entendre, Comment avez-vous pû, dans un âge encor tendre,

* C'eft la Période de la preffion des Equinoxes', laquelle s'accomplit en vingt-fix mille neuf cens ans, ou environ..

Malgré les vains plaisirs, ces écueils des beaux jours;
Prendre un vol fi hardi, fuivre un fi vafte cours,
Marcher après Newton dans cette route obscure
Du labyrinte immense où se perd la nature?
Puiffai-je auprès de vous, dans ce Temple écarté,
Aux regards des Français montrer la vérité.
Tandis * qu'Algaroti, fûr d'instruire & de plaire,
Vers le Tybre étonné, conduit cette Etrangère ;

Que de nouvelles fleurs il orne fes attraits,
Le compas à la main j'en tracerai les traits;
De mes crayons groffiers je peindrai l'immortelle ;
Cherchant à l'embellir, je la rendrois moins belle.
Elle eft, ainfi que vous, noble, simple & fans fard,
Au-deffus de l'éloge, au-defus de mon art.

M. Algaroti, jeune Vénitien, faifoit imprimer alors à Venite un Traité fur la Lumiére, dans lequel il expliquoit l'Attraction. Il y a eu fept éditions de fon Livre, lequel a été fort mal traduit en Français.

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