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En tournant dans un cercle au nom de Mahomet, Croit de la Vertu même atteindre le fommet.

Les reins ceints d'un cordon, l'œil armé d'impudence,
Un Hermite à fandale, engraiffé d'ignorance,
Parlant du nez à Dieu, chante au dos d'un Lutrin,
Cent Cantiques. Hébreux mis en mauvais Latin.
Le Ciel puisse bénir sa piété profonde !

Mais quel en eft le fruit? Quel bien fait-il au monde?
Malgré la sainteté de son auguste emploi,
C'eft n'être bon à rien, que n'être bon qu'à soi.
Quand l'Ennemi divin des Scribes & des Prêtres,
Chez Pilate autrefois fut traîné par des traîtres;
De cet air infolent, qu'on nomme dignité,
Le Romain demanda, Qu'est-ce que Vérité?
L'Homme.Dicu, qui pouvoit l'inftruire ou le confondre,
A ce Juge orgueilleux dédaigna de répondre.
Son filence éloquent difoit affez à tous,

Que ce vrai tant cherché ne fut point fait pour nous.
Mais lorsque pénétré d'une ardeur ingénue,

Un fimple Citoyen l'aborda dans la rue

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Et que difciple fage, il prétendit fçavoir
Quel eft l'état de l'homme, & quel eft fon devoir;
Sur ce grand intérêt, fur ce point qui nous touche,
Celui qui fçavoit tout, ouvrit alors la bouche,
En dictant d'un feul mot fes Décrets folemnels:
Aimez Dieu, lui dit-il; mais aimez les mortels.
Voilà l'homme & fa Loi; c'eft affez, le Ciel même
A daigné tout nous dire en ordonnant qu'on aime;
Le monde eft médifant, vain, léger, envieux,
Le fuir est très-bien fait, le fervir encor mieux.

A sa famille, aux fiens, je veux qu'on foit utile.
Où vas-tu loin de moi, Fanatique indocile?
Pourquoi ce tein jauni, ces regards effarés,
Ces élans convulfifs & ces pas égarés? *
Contre un fiécle indévot, plein d'une fainte rage,
Tu cours chez ta Béate à son cinquième étage;
Quelques Saints poffédés dans cet honnête lieu,
Jurent, tordent les mains en l'honneur du bon Dieu
Sur leurs trétaux montés, ils rendent des Oracles,
Prédifent le paffé, font cent autres Miracles. '
L'aveugle y vient pour voir, & des deux yeux privé,
Retourne aux Quinze-Vingts marmotant son Ave.
Le boiteux faute & tombe; & fa fainte famille
Le ramène en chantant, porté sur fa béquille.
Le fourd au front ftupide, écoute & n'entend rien.
D'aise alors tout pâmés de pauvres gens de bien,
Qu'un fot voifin bénit & qu'un fourbe seconde,
Aux filles du quartier prêchent la fin du monde.
Je fçai que ce mystére a de nobles appas,
Les Saints ont des plaifirs que je ne connais pas.
Les Miracles font bons, mais foulager fon frere,
Mais tirer fon ami du fein de la mifére,
Mais à fes ennemis pardonner leurs vertus,
C'est un plus grand miracle & qui ne se fait plus,
Ce Magiftrat, dit-on, est sévére, inflexible,
Rien n'amollit jamais sa grande ame insensible.
J'entens; il fait haïr fa place & fon pouvoir,
Il fait des malheureux par zéle & par devoir.

Les Convulfionnaires,

Mais l'a-t-on jamais vû, fans qu'on le follicite,
Courir d'un air affable au-devant du mérite,
Le choifir dans la foule & donner fon appui
A l'honnête homme obscur qui se tait devant lui è
De quelques criminels il aura fait justice !

C'est peu d'être équitable, il faut rendre service.
Le Jufte eft bienfaifant. On conte qu'autrefois
Le Miniftre odieux d'un de nos meilleurs Rois,
Lui difoit en ces mots fon avis defpotique :
Timante eft en fecret bien mauvais Catholique;
On a trouvé chez lui la Bible de Calvin;

A ce funefte excès vous devez mettre un frein;
Il faut qu'on l'emprisonne, ou du moins qu'on l'exila
Comme vous, dit le Roi, Timante m'eft utile;
Vous m'apprenez affez quels font fes attentats;
Il m'a donné fon fang, & vous n'en parlez pas.
De ce Roi bienfaifant la prudence équitable,
Peint mieux que vingt Sermons la Vertu véritable.

Du nom de vertueux feriez-vous honoré,
Doux & difcret Cyrus, en vous seul concentré,
Prêchant le fentiment, vous bornant à féduire,
Trop faible pour fervir, trop pareffeux pour nuire,
Honnête-homme indolent qui dans un doux loifir,
Loin du mal & du bien, vivez pour le plaifir?
Non, je donne ce titre au cœur tendre & fublime
Qui foutient hardiment fon ami qu'on opprime.
Il t'étoit dû fans doute, éloquent Pélisson,
Qui défendis Fouquet du fond de ta prison !
Je te rens grace, ô Ciel, dont la bonté propice
M'accorda des amis dans le tems d'injuftice,

Des amis courageux dont la mâle vigueur
Repouffa les affauts du calomniateur,
Du Fanatique ardent, du ténébreux Zoile,
Du Miniftre abufé par leur troupe imbécile,
Et des petits Tyrans bouffis de vanité,
Dont mon indépendance irritoit la fierté.
Oui, pendant quarante ans poursuivi par l'envie,
Des amis vertueux ont confolé ma vie,
J'ai mérité leur zéle & leur fidélité;

J'ai fait quelques ingrats & ne l'ai point été.
Certain Législateur, dont la plume féconde
Fit tant de vains projets pour le bien de ce monde,
Et qui depuis trente ans écrit pour des ingrats,
Vient de créer un mot qui manque à Vaugelas.
Ce mot eft bienfaisance; il me plaît, il rassemble,
Si le cœur en eft cru, bien des Vertus ensemble;
Petits Grammairiens, grands Précepteurs des fots,
Qui pefez la parole & mesurez les mots;
Pareille expreffion vous femble hazardée,
Mais l'Univers entier doit en chérir l'idée.

EPITRE

A UN MINISTRE D'ETAT

SUR

L'ENCOURAGEMENT

To

DES A R T S.

O qui mêlant toujours l'agréable à l'utile, Des plaifirs aux travaux paffas d'un vol agile, Que j'aime à voir ton goût par des foins bienfaisans Encourager les Arts à ta voix renaissans!

Sans accorder jamais d'injufte préférence,

Entre tous ces rivaux tien toujours la balance.
De Melpoméne en pleurs anime les accens >
De fa riante fœur chéri les agrémens ;
Anime le pinceau, le cifeau, l'harmonie,

Et mets un compas d'or dans les mains d'Uranie.
Le véritable efprit sçait se plier à tout;

On ne vit qu'à demi, quand on n'a qu'un feul goût.
Je plains tout efprit faible, aveugle en fa manie
Qui dans un feul objet confina fon génie,
Et qui de fon idole adorateur charmé,

Veut immoler le refte au Dieu qu'il s'eft formé.
Entens-tu murmurer ce fauvage Algébriste,

A la démarche lente, au teint blême, à l'œil trifte,

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