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Que la douce erreur de ton âge,
Deux tetons, que le tendre amour
De fa main t'arrondit un jour,
Un cœur tendre, un efprit volage.
Avec tant d'attraits précieux,
Hélas! qui n'eut été friponne!
Tu le fus, objet gracieux,
Et que l'amour me le pardonne,
Tu fçais que je t'en aimois mieux.
Ah! Madame, que votre vie,
D'honneurs aujourd'hui fi remplic,
Différe de ces heureux tems.

Ce rare Suiffe à cheveux blancs,
Qui ment fans ceffe à votre porte,
Philis, eft l'image du tems.
On diroit qu'il chaffe l'escorte
Des tendres amours & des ris.
Sous vos magnifiques lambris,
Ces enfans tremblent de paraître.
Hélas! Je les ai vû jadis
Entrer chez toi par la fenêtre
Et fe jouer dans ton taudis.
Non, Madame, tous vos tapis
Qu'a tiffus la Savonnerie,
Ceux que les Perfans ont ourdis,
Et toute votre orfévrerie,

Et ces plats trop chers, que Germain
A gravés de fa main divine,
Et ces cabinets, où Martin
A surpaffé l'Art de la Chine,

Vos vafes Japonois & blancs,
Toutes ces fragiles merveilles,
Ces deux luftres de diamans,
Qui pendent à vos deux oreilles,
Et ces carcans & ces coliers,
Et cette pompe enchantereffe,
Ne valent pas un des bailers
Que tu donnois dans ta jeuneffe.

A

SON ALTESSE ROYALE

MADAME

LA PRINCESSE DE***.

·SOUVENT

NT la plus belle Princeffe

Languit dans l'âge du bonheur;
L'étiquette de la grandeur,

Quand tien n'occupe & n'intéresse,
Laiffe un vuide affreux dans le cœur.

Souvent même un grand Roi s'étonne,
Entouré de Sujets foumis,

Que tout l'éclat de fa Couronne
Jamais en fecret ne lui donne

Le bonheur qu'il s'étoit promis.

On croiroit que le jeu confole;
Mais l'ennui vient à pas comptés,
A la table du Cavagnole
S'affeoir entre deux Majestés.

On fait triftement grande chére,
Sans dire & fans écouter rien,
Tandis que l'hébêté vulgaire
Vous affiége, vous confidére,
Et croit voir le fouverain bien.

Le lendemain, quand l'hémisphére
Eft brûlé des feux du Soleil,
On s'arrache au bras du fommeil,
Sans fçavoir ce que l'on va faire.

De soi-même peu satisfaït,
On veut du monde, il embarrasse;
Le plaifir fuit, le jour fe paffe,
~Sans fçavoir ce que l'on a fait.

O tems! ô perte irréparable! Quel eft l'inftant où nous vivons? Quoi! la vie eft fi peu durable, Et les jours paraissent fi longs?

Princeffe, au-deffus de votre âge,
De deux Cours, augufte ornement,
Vous employez utilement

Ce tems qui fi rapidement
Trompe la jeuneffe volage.

Vous cultivez l'efprit charmant
Que vous a donné la nature;
Les réflexions, la lecture,
En font le folide agrément,
Et fon ufage & fa parure.

S'occuper, c'eft sçavoir joüir;
L'oifiveté pefe & tourmente;

L'ame eft un feu qu'il faut nourrir,
Et qui s'éteint, s'il ne s'augmente.

LE TEMPLE

DE

L'AMITIÉ.

Du fond d'un bois à la paix confacré,

U

Séjour heureux de la Cour ignoré,

S'éléve un Temple, où l'art & fes prestiges
N'étalent point l'orgueil de leurs prodiges,
Où rien ne trompe & n'éblouit les yeux,
Où tout eft vrai, fimple & fait pour les Dieux.
De bons Gaulois de leurs mains le fondérent;
A l'amitié leurs cœurs le dédiérent.
Las! ils penfoient dans leur crédulité,
Que par leur race il feroit fréquenté.
En vieux langage on voit fur la façade
Les noms facrés d'Orefte & de Pilade,

Le médaillon du bon Piritoüs,

Du fage Achate & du tendre Nifus,

Tous grands Héros, tous amis véritables.

Ces noms font beaux; mais ils font dans les Fables.
Les doces Sœurs ne chantent qu'en ces lieux,
Car on les fiffle au fuperbe Empirée ;

On n'y voit point Mars & fa Citherée,
Car la Difcorde eft toujours avec eux:
L'Amitié vit avec très-peu de Dieux,
Pour fes plaifirs la grandeur n'est parfaite.
A fes côtés, fa fidéle interpréte,
La Vérité, charitable & difcréte,
Toujours utile à qui veut l'écouter,
Attend en vain qu'on l'ofe confulter;
Nul ne l'approche, & chacun la regrette.
Par contenance un livre est dans fes mains,
Où font écrits les bienfaits des humains,
Doux monumens d'eftime & de tendreffe,
Donnés fans fafte, acceptés fans bassesse,
Du bienfaiteur noblement oubliés,
Par fon ami fans regret publiés.

C'eft des vertus l'hiftoire la plus pure.
L'hiftoire eft courte, & le livre est réduit
A deux feuillets de gothique écriture,
Qu'on n'entend plus, & que le tems détruit.

Or des humains quelle eft donc la manie?
• Toute amitié de leurs cœurs eft bannie,
Et cependant on les entend toujours
De ce beau nom décorer leurs difcours.
Chacun fe dit à fon culte fidéle,

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