Pour apprendre aux humains dans leurs augustes codes, Que c'étoit un péché de croire aux Antipodes ? Combien de Souverains, Chrétiens, & Musulmans, Ont tremblé d'une éclipfe, ont craint des Talifinans? Tout Monarque indolent, dédaigneux de s'inftruire, Eft le jouet honteux de qui veut le féduire.
Un Aftrologue, un Moine, un Chymifte effronté, Se font un revenu de fa crédulité.
Il prodigue au dernier fon or par avarice; Il demande au premier, fi Saturne propice, D'un afpect fortuné regardant le Soleil, Lui permet de dîner, ou l'appelle au Confeil. Il eft aux piés de l'autre ; & d'une ame foumife, Par la crainte du Diable il enrichit l'Eglife. Un pareil Souverain reffemble à ces faux Dieux, Vils marbres adorés, ayant en vain des yeux; Et le Prince éclairé que la raifon domine, Eft un vivant portrait de l'effence divine.
Je fçai que dans un Roi, l'étude, le fçavoir N'eft pas le feul mérite & l'unique devoir; Mais qu'on me nomme enfin dans l'Hiftoire Sacrée, Le Roi dont la mémoire est la plus révérée, C'est ce Héros fçavant que Dieu même éclaira, Qu'on chérit dans Sion, que la terre admira, Qui mérita des Rois le volontaire hommage. Son peuple étoit heureux, il vivoit sous un Sage. L'abondance à fa voix paffant le fein des mers, Voloit pour l'enrichir des bouts de l'Univers, Comme à Londre, à Bordeaux, de cent voiles fuivie, Elle apporte au printems les tréfors de l'Afie.
Ce Roi que tant d'éclat ne pouvoit éblouir, Scut joindre à ses talens l'art heureux de jouir. Ce font là les leçons qu'un Roi prudent doit suivre, Le fçavoir en effet n'est rien fans l'art de vivre. Qu'un Roi n'aille donc point, épris d'un faux éclat, Pâliffant fur un Livre, oublier fon Etat.
Que plus il eft inftruit, plus il aime sa gloire.
De ce Monarque Anglais vous connaiffez l'hiftoire, Dans un fatal exil Jacques laissa périr
Son gendre infortuné * qu'il eût pû secourir. Ah! qu'il eût mieux valu, raffemblant ses armées, Délivrer des Germains les villes opprimées, Venger de tant d'Etats les défolations,
Et tenir la balance entre les Nations,
Que d'aller des Docteurs briguant les vains fuffrages, Au doux Enfant Jefus dédier fes Ouvrages. + Un Monarque éclairé n'est pas un Roi pédant, Il combat en Héros, il pense en vrai Sçavant. Tel fur ce Julien méconnu du vulgaire, Philofophe & Guerrier, terrible & populaire. Ainfi ce grand César, Soldat, Prêtre, Orateur, Fut du Peuple Romain l'oracle & le vainqueur, Il feroit aujourd'hui votre modéle Auguste, Et votre exemple en tout, s'il avoit été juste.
* Frederic V. Electeur Palatin, élû Roi de Bohême, dé. fait à la bataille de Prague en 1619. & privé de fes Etats. t Jacques I. dédia un petit Livre à l'Enfant Jefus; le Pere Talon en dédia un à la Trinité ; c'étoit la mode alors,
Il faut penfer, fans quoi l'homme-devient,
Malgré fon ame, un franc cheval de fomme. Il faut aimer, c'eft ce qui nous soutient ; Car fans l'amour, il est trifte d'être homme. Il faut avoir un ami, qu'en tout tems; Pour fon bonheur, on écoute, on confulté, Qui fçache rendre à votre ame en tumulte, Les maux moins vifs & les plaisirs plus grands.
Il faut le foir un foupé délectable,
On l'on foit libre, où l'on goûte à propos Les mets exquis, les bons vins, les bons mots; Et fans être yvre, il faut fortir de table.
Il faut la nuit dire tout ce qu'on fent, Au tendre objet que votre cœur adore, Se réveiller pour en redire autant, Se rendormir, pout y fonger encore.
Mes chers Amis avouez que voilà Ce qui feroit un affez douce vie ; Or dès le jour que j'aimai ma Sylvic, Sans plus chercher, j'ai trouvé tout cela,
A MONSIEUR
LE MARECHAL
DUC DE RICHELIEU,
A qui le Sénat de Gènes avoit érigé une Statue.*
E la verrai cette Statue "
Que Gène éleve justement
Au Héraut qui l'a défendue.
Votre Grand-Oncle, moins brillant, Vit fa gloire moins étendue ; Il feroit jaloux à la vûe De cet unique Monument. Dans l'âge frivole & charmant Où le plaifir feul eft d'usage, Où vous reçûtes en partage L'art de tromper fi tendrement. Pour modeler ce beau vifage, Qui de Vénus ornoit la Cour, On eût pris celui de l'Amour, Et fur-tout de l'amour volage; Et quelques traits moins enfantins Auroient été la vive image
Du Dieu qui préfide aux Jardins,
A Luneville le 18. Novembre 1748.
Ce double & charmant avantage Peut diminuer à la fin;
Mais la gloire augmente avec l'âge. Du Sculpteur la modeste main Vous fera l'air moins libertin; C'eft de quoi mon Héros enrage. On ne peut filer tous les jours Sur le Trône heureux des Amours. Tous les plaifirs font de paffage; Mais vous fçaurez regner toujours Par l'efprit & par le courage. Les traits du Richelieu coquet, De cette aimable créature, Se trouveront en mignature Dans mille boëtes à portrait Où Macé mit votre figure. Mais ceux du Richelieu vainqueur, Du Héros, foutien de nos armes, Ceux du Pere, du Défenfeur
D'une République en allarmes, Ceux de Richelieu fon vengeur,
Ont pour moi cent fois plus de charmes. Pardon. Je fens tout le travers De la morale où je m'engage. Pardon. Vous n'êtes pas fi fage Que je le prétens dans ces Vers. Je ne veux pas que l'Univers Vous croie un grave Personnage. Après ce jour de Fontenoi, Où couvert de fang & de poudre,
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