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On flâte peu ceux qu'on a célébrés,
On déplaît fort à tous ceux qu'on oublie.
Ainfi toujours le danger fuit mes pas :
Il faut livrer prefque autant de combats
Qu'en a caufé fur l'onde & fur la terre,
Cette balance utile à l'Angleterre.

Ceffez, ceffez, digne fang de BOURBON,
De ranimer mon timide Apollon,
Et laiffez-moi tout entier à l'Hiftoire.
C'est là qu'on peut, fans génie & fans art,
Suivre LOUIS de l'Escaut jufqu'au Jart.
Je dirai tout; car tout eft à sa gloire.
Il fait la mienne, & je me garde bien
De reffembler à ce grand Satyrique,
De fon Héros difcret Hiftorien,
Qui, pour écrire en stile véridique,
Fut bien payé; mais qui n'écrivit rien.

* Boileau.

કા

AUROI

DE PRUSSE. *

CEUX

Eux qui font nés fous un Monarque,
Font tous femblant de l'adorer;

Sa Majefté qui le remarque
Fait semblant de les honorer;
Et de cette fauffe-monnoye
Que le Courtifan donne au Roi
Et que le Prince lui renvoye,
Chacun vit, ne fongeant qu'à foi.
Mais lorfque la Philofophie,
La féduifante Poëfie,

Le goût, l'efprit, l'amour des Arts,
Rejoignent fous leurs Etendarts,
A trois cens milles de diftance
Votre très-Royale éloquence,
Et mon goût pour tous vos talens;
Quand fans crainte & fans espérance
Je fens en moi tous vos penchans,
Et lorfqu'un peu de confidence

Refferre encor ces noeuds charmans,
Enfin lorfque Berlin attire

• Du 1. Août 1744.

1

Tous mes fens à Cirey féduits,
Alors ne pouvez-vous pas dire,
On m'aime, tout Roi que je fuis?
Enfin l'Océan Germanique,`
Qui toujours des bons Hambourgeois
Servit fi bien la République,

Vers Embden fera fous vos Loix,
Avec garnison Batavique.
Un tel mélange me confond,
Je m'attendois peu, je vous jure,
De voir de l'or avec du plomb;
Mais votre creufet me raffure;
A votre feu, qui tout épure,
Bientôt le vil métal se fond,
Et l'or vous demeure en nature.
Par-tout que de profpéritez!
Vous conquérez, vous héritez
Des Ports de Mer & des Provinces ;
Vous mariez à de grands Princes
De très-adorables beautez;
Vous faites nôces, & vous chantez
Sur votre lyre enchantereffe,
Tantôt de Mars les cruautez,
Et tantôt la douce moleffe.
Vos fujets au fein du loisir,
Goûtent les fruits de la victoire;
Vous avez & fortune & gloire;

Vous avez fur-tout du plaifir;

Et cependant le Roi, mon Maître,

Si digne avec vous de paraître,

Dans la lifte des meilleurs Rois,
S'amufe à faire dans la Flandre
Ce que vous faifiez autrefois,
Quand trente canons à la fois
Mettoient des baftions en cendre.
C'eft lui, qui fecouru du Ciel,
Et fur-tout d'une armée entiére,
A brifé la forte barriére
Qu'à notre Nation guerriére
Mettoit le bon Greffier Fagel.
De Flandre il court en Allemagne
Défendre les rives du Rhin,

Sans quoi le Pandoure inhumain.
Viendroit s'enivrer de ce vin

Qu'on a cuvé dans la Champagne.
Grand Roi, je vous l'avois bien dit,
Que mon Souverain magnanime
Dans l'Europe auroit du crédit

Et de grands droits à votre eftirne.
Son beau feu, dont un bon Prélat
A contenu les étincelles,
Vient de fes flâmes immortelles
Tout-d'un coup répandre l'éclat.
Ainfi la brillante fufée

Eft tranquille jufqu'au moment,
Où par fon amorce embrafée

Elle éclaire le Firmament;

Et perçant dans les fombres voiles,

Semble fe mêler aux étoiles

Qu'elle efface par fon brillant.

C'est ainsi que vous enflamâtes Tout l'horifon d'un nouveau Ciel, Lorfqu'à Berlin vous commençâtes A prendre ce vol immortel, Devers la gloire où vous volâtes. Tout du plus loin que je vous vis, Je m'écriai, je vous prédis, A l'Europe toute incertaine. Vous parûtes. Vingt Potentats Se troublérent dans leurs Etats, En voyant ce grand Phénoméne. Il brille, il donne de beaux jours; J'admire, je benis leur cours; Mais c'elt de loin. Voilà ma peine.

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