D E Sully, falut & bon vin, Vous voyez, Monfeigneur, que l'envie de faire quelque chofe pour vous a réuni deux hommes bien différens. L'un gras, rond, gros, court, féjourné Porte un teint de Prédeftiné, Avec la croupe rebondie. Sur fon front, refpecté du tems,, Une fraicheur toujours nouvelle, Au bon Doyen de nos galans, Donne une jeuneffe éternelle.. C'eft le frere du Duc de Vendôme. 11 étoit Grand Prieur de France, L'Abbé Courtin étoit un de fes amis, fils d'un Confeiller d'Etat, & homme de Lettres. Il étoit tel qu'on le dépeint ici. L'autre dans Papefigue eft né, Moins malin qu'on ne vous le dit ; Puifqu'il aime & qu'il verfifie. Notre premier deffein étoit d'envoyer à Vorte Alteffe un Ouvrage dans les formes, moitié Vers, moitié Profe, comme en ufoient les Chapelles, les des Barreanx, les Hamiltons, contemporains de l'Abbé, & nos Maîtres. J'aurois prefque ajoûté Voiture, fi je ne craignois de fâcher mon Confrére, qui prétend, je ne fçai pourquoi, n'être pas affez vieux pour l'avoir vû. Comme il y a des choses affez hardies à dire par le tems qui court; le plus fage de nous deux, qui n'eft pas moi, ne vouloit en parler qu'à condition qu'on n'en fçauroit rien. Il alla donc vers le Dieu du mystère, Dieu des Normands, par moi très-peu fêté,. Malheureusement ce Dieu n'étoit pas à Sully ; il étoit en tiers, dit-on, entre. . . . & Madame de.... fans cela nous euffions achevé notre Ouvrage fous les yeux. Nous Nous euffions peint les Jeux voltigeans fur vos traces, Agréable dans le plaifir, Héroïque dans les difgraces. Nous vous euffions parlé de ces bienheureux jours, Nous vous euffions avec adreffe De fes brillantes fleurs ornant la voluptė Petits foupers, jolis feftins, Lorfqu'à table il tenoit fa place, Avec Auguste & Mécénas. Voilà un faible craïon du Portrait que nous vou¬ lions faire. Mais Tome III. E Il faut être infpiré pour de pareils écrits, Doit céder cet honneur charmant, C'étoit le partage ordinaire, Tout fait, ou du moins tout tenté, Il est bien doux de ne rien faire. L'Abbé de Chaulien demeuroit au Temple, qui appartient aux Grands-Prieurs de France. C'étoit autrefois la demeure des Templiers. A MONSIEUR L'ABBÉ DE CHAULIEU. LETTRE XVI. * A VOUS, l'Anacreon du Temple ; A vous le Sage fi vanté, Qui nous prêchez la volupté, Par vos Vers & par votre exemple; Quand la goute au lit vous condamne, Que quand vous chantez la Tocane Je vous écris de Sully où Chapelle a demeuré, c'est-à-dire, s'eft enyvré deux ans de fuite. Je voudrois bien qu'il eût laissé dans ce Château un peu de fon talent Poëtique, cela accommoderoit fort ceux qui veulent vous écrire. Mais comme on prétend qu'il vous l'a laiffé tout entier, j'ai été obligé d'avoir recours à la magie donc vous m'avez tant parlé. De Sully le 5. Juillet 1717. Cette Lettre mélce de profe & de vers, cft un des premiers ouvrages de notre Auteur. Chapelle, dont il eft ici question, étoit un homme d'un génie facile & libertin; il avoit beaucoup bu, ce qui fit beaucoup de tort à fa fánté, & enfin à fon cfprit. |