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RÉPONSE

DE MONSIEUR

DE FONTENELLE

A MONSIEUR

DE VOLTAIRE.

LETTRE

XIX. *

V

Ous dites donc, gens de Village,

Que le Soleil à l'horifon

Avoit affez mauvais visage.
Eh bien quelque fubtil nuage
Vous avoit fait la trahison
De défigurer son image.
Elle étoit là comme en prifon,
D'un air malade; mais je gage
Que le drôle en fon haut étage
Ne craignoit point la pamoison.

Cette réponfe de M. de Fontenelle eft la feule qui nous foit tombée entre les mains. Il en fit une autre adreffée à Madame la Maréchale de villars, qui vaut beaucoup mieux, & dans laquelle eft ce vers: Il faut des hochets pour tout dge. Mais nous n'avons pû retrouver ette pièce.

Vous n'en fçaurez pas davantage;
Et voici ma peroraison.
Adieu, votre jeune saison
A tout autre foin vous engage;
L'ignorance eft son appanage,
Avec les plaifirs à foifon;
Convenable & doux affemblage!
J'avouerai bien, & j'en enrage,
Que le fçavoir & la raifon
N'eft prefqu'auffi qu'un badinage;
Mais badinage de grifon.
Que de fon brillant équipage,
Toujours de maison en maifon
L'inquiet Phoebus déménage;
Laiffez-le en paix faire voyage,
Rabattez-vous fur le gazon;
Un gazon, canapé sauvage,
Des foucis de l'humain lignage
Eft un puiffant contrepoifon.
Pour en avoir bien fçu l'ufage,
On chante encore en vieux langage
Martin, & l'adroite Alifon.

Ce n'est pourtant pas que je doute,
Qu'un beau jour qui fera bien noir,
Le pauvre Soleil ne s'encroute,
En nous difant, Meffieurs, bon foir;
Cherchez dans la célefte voute
Quelqu'autre qui vous faffe voir;
Pour moi j'en ai fait mon devoir,
Et moi-même ne vois plus goute.

Encore un coup, Meffieurs, bon soir : -être en fon défespoir

Et peut

Ofera-t-il rimer en oute,
Si quelque Déeffe n'écoute.

Mais fur notre trifte manoir
Combien de maux fera pleuvoir
Cette célefte banqueroute !
On allumera maint bougeoir,
Mais qui n'aura pas grand pouvoir.
Tout fera pêle-mêle, & toute
Société fera diffoute,

Sans qu'on dife jufqu'au revoir.
Chacun de l'éternel dortoir
Enfilera bientôt la voute,
Sans tefter & fans laiffer d'hoir;
Et ce que le plus je redoute,
Chacun demandera l'absoute,
Et croira ne plus rien valoir.

A MONSIEUR

LE PRESIDENT

HENAULT

Auteur d'un Ouvrage excellent fur l'Hiftoire de France.

LETTRE XVII.

DÉESSE de la fanté j

Fille de la fobriété,

Et mere des plaifirs du Sage,

Qui fur le matin de notre âge
Fais briller ta vive clarté,
Et répans ta férénité

Sur le foir d'un jour plein d'orage.

O Déeffe, exauce mes vœux ;,
Que' ton étoile favorable

Conduife ce mortel aimable:
11 eft fi digne d'être heureux!

Sur Henault tous les autres Dicuz
verfent la fource inépuifable

De leurs dons les plus précieux.

Toi, qui feule tiendrois lieu d'eux,
Serois-tu feule inexorable?

*A Cirey ce 1. Septembre 1744»

Ramene à fes amis charmans, Ramene à ces belles demeures Ce bel-efprit de tous les tems, Cet homme de toutes les heures. Orne pour lui, pour lui fufpens La courfe rapide du tems: Il en fait un fi bei ufage! Les devoirs & les agrémens, En font chez lui l'heureux partage, Les femmes l'ont pris fi fouvent Pour un ignorant agréable; Les gens en us pour un Sçavant; Et le Dieu jouflu de la table, Pour un connaiffeur fi gourmand! Qu'il vive autant que fon Ouvrage ; Qu'il vive autant que tous les Rois Dont il nous décrit les exploits, Et la faibleffe & le courage, Les mœurs, les paffions, les Loix, Jans erreur & fans verbiage. Qu'un bon eftomac foit le prix De fon cœur, de fon caractère, De fes Chanfons, de fes Ecrits. Il a tout; il a l'art de plaire, L'art de nous donner du plaifir, L'art fi peu connu de joüir: Mais il n'a rien s'il ne digére.

Grand Dieu, je ne m'étonne pas j

Qu'un ennuyeux, un Des Fontaine,
Entouré dans fon galetas

De fes Livres rongés des rats,
Nous endormant, dorme fans peine,
Et que le bouc foit gros & gras.
Jamais Eglé, jamais Sylvie,
Jamais Life à foupé ne prie,

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