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Et j'ai donné la préférence,
Sur le plus grand de nos Héros,
Au plus grand Charlatan de France.
Ce difcours vous déplaira fort,
Et je confeffe que j'ai tort

De parler du foin de ma vie,
A celui qui n'eut d'autre envie
Que de chercher par-tout la mort.
Mais fouffiez que je vous réponde,
Sans m'attirer votre couroux,
Que j'ai plus de raifon que vous
De vouloir refter dans ce monde ;
Car fi quelque coup de canon "
Dans vos beaux jours brillans de gloire,
Vous eût envoyé chez Pluton,

Voyez la confolation

Que vous auriez dans la nuit noite,
Lorfque vous fçauriez la façon

Dont vous auroit traité l'Hiftoire ?

Paris vous eût premiérement

Fait un Service fort célèbre,
En préfence du Parlement;
Et quelque Prélat ignorant
Auroit prononcé hardiment
Une longue Oraison funèbre,
Qu'il n'eût pas faite affurément.
Puis en vertueux Capitaine
On vous auroit proprement mis
Dans l'Eglife de faint Denis,
Entre du Guefelin & Turenne..

*

Mais fi quelque jour, moi chétif,
J'allois paffer le noir efquif,
Je n'aurois qu'une vile biére,
Deux Prêtres s'en iroient gaiment,
Porter ma figure légére,
Et la loger mefquinement
Dans un recoin du cimetiére.
Mes nieces, au lieu de prière,
Et mon Janfénifte de frére,
Riroient à mon enterrement;
Et j'aurois l'honneur feulement,
Que quelque Muse médifante,
M'affubleroit pour monument
D'une Epitaphe impertinente.
Vous voyez donc très-clairement
Qu'il eft bon que je me conferve,
Pour être encor témoin long-tems
De tous les exploits éclatans

Que le Seigneur Dieu vous réferve.

&

L'Auteur avoit un frére, Tréforier de la Chambre des Comptes, qui étoit en effet un Janfénifte cutré qui fe brouilloir toujours avec fon frere, toutes les fois que celui-ci difoit du bien des Jéfuites.

DE

A MADAME

GONDRIN,

Depuis Madame la Comteffe DE TOULOUSE, fur le péril qu'elle avoit couru en traverfant la Loire en 1719.

LETTRE

SCAVEZ-VOU

VII.

CAVEZ-VOUS, Gentille Douairiere,

Ce que dans Sully l'on faifoit,
Lorfqu'Eole vous conduifoit-

D'une fi terrible maniére?
Le malin Périgni rioit,
Et pour vous déja préparoit
Une Epitaphe familiére,
Difant qu'on vous repêcheroit
Inceffamment dans la riviére,
Et qu'alors il obferveroit

Ce que votre humeur un peu fiére
Sans ce hazard lui cacheroit.
Cependant l'Efpar, la Valiére,
Guiche, Sully, tout soupiroit;
Rouffi parloit peu, mais juroit;
Er l'Abbé Courtin qui pleuroit,

En voyant votre heure derniére,
Adreffoit à Dieu fa prière,
Et pour vous tout bas murmuroit
Quelque Oraifon de fon Bréviaire
Qu'alors, contre son ordinaire,
Dévotement il frédonnoit,

Dont à peine il se souvenoit,
Et que même il n'entendoit guére.
Mais quel fpectacle ! j'envisage
Les Amours qui de tous côtés
S'opposent à l'affreuse rage

Des vents contre yous irrités.

Je les vois; ils font à la

nage,

Ft plongés jufqu'au cou dans l'eau; Ils conduifent votre batteau,

Et vous voilà fur le rivage. GONDRIN, fongez à faire usage Des jours qu'Amour a confervés ; C'e pour lui qu'il les a fauvés, Il a des droits fur fon ouvrage.

A MONSIEUR

DE GENONVILLE,

SUR UNE MALADIE.

N

LETTRE VIII. *

E me foupçonne point de cette vanité
Qu'a notre ami Chanlieu de parler de lui-même;
Et laiffe-moi jouir de la douceur extrême
De t'ouvrir avec liberté

Un cœur qui te plaît & qui t'aime.
De ma Mufe en mes premiers ans

Tu vis les tendres fruits imprudemment éclore,
Tu vis la calomnie avec fes noirs ferpens,

Des plus beaux jours de mon printems
Obfcurcir la naiffante aurore.

D'une injufte prifon je fubis la rigueur ;
Mais tout au moins de mon malheur

Je fçus tirer quelque avantage;
J'appris à m'endurcir contre l'adverfité,
Et je me vis un grand courage

Que je n'attendois pas de la legéreté

Et des erreurs de mon jeune âge.

Cette Lettre eft de l'année 1719.

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