Dieux! que n'ai-je eu depuis la même fermeté! Mais à de moindres allarmes
Mon cœur n'a point réfifté.
Tu fçais combien l'amour m'a fait verfer de larmes, Fripon, tu le fçais trop bien;
Toi dont l'amoureuse adreffe M'ôta mon unique bien; Toi dont la délicateffe,
Par un fentiment fort humain, Aima mieux ravir ma Maîtreffe
Que de la tenir de ma main.
Mais je t'aimai toujours, tout ingrat & vaurien; Je te pardonnai tout avec un cœur Chrétien, Et ma facilité fit grace à ta faibleffe.
Hélas! Pourquoi parler encor de mes amours! Quelquefois ils ont fait le charme de ma vie; Aujourd'hui la maladie
En éteint le flambeau peut-être pour toujours. De mes ans paffagers la trame eft racourcie, Mes organes laffés font morts pour les plaifirs; Mon cœur eft étonné de fe voir fans défirs. Dans cet état il ne me refte
Qu'un affemblage vain de fentimens confus, Un préfent douloureux, un avenir funefte, Et l'affreux fouvenir d'un bonheur qui n'eft plus. Pour comble de malheur, je fens de ma pensée Se déranger les refforts;
Mon efprit m'abandonne, & mon ame éclipfée Perd en moi de fon être & meurt avant mon corps. Eft-ce là ce raïon de l'Effence Suprême
Qu'on nous peint, fi lumineux?
Eft ce là cet efprit survivant à nous-même ! Il naît avec nos fens, croît, s'affaiblit comme eux Hélas! périroit-il de même !
Je ne fçais; mais j'ose espérer
Que de la mort, du tems & des deftins le maître, Dieu conferve pour lui le plus pur de notre être, Et n'anéantit point ce qu'il daigne éclairer.
Très-finguliére Martel!
J'ai pour vous estime profonde;
C'eft dans votre petit hôtel,
C'eft fur vos foupers que je fonde
Mon plaifir, le feul bien réel
Qu'un honnête-homme ait en ce monde. Il eft vrai qu'un peu je vous gronde ;
· Mais malgré cette liberté,
Mon cœur vous trouve, en vérité,
Femme à peu de femmes feconde ;
*La Comteffe de Fontaine-Martel, fille du Préfident Desbordeaux; elle étoit telle qu'elle eft peinte ici. Sa maifon étoit très-libre & très-ainable.
Car, fous vos cornettes de nuit Sans préjugés & fans faiblesse, Vous logez efprit qui séduit Et qui tient fort à la fageffe. Or votre fageffe n'eft pas Cette pointilleuse harpie,
Qui raisonne fur tous les cas,
Et qui, trifte fœur de l'envie, Ouvrant un gofier édenté
Contre la tendre volupté,
Toujours prêche, argumente & crie ; Mais celle, qui, fi doucement, Sans effort & fans induftrie, Se bornant toute au fentiment, Sçait jusques au dernier moment Répandre un charme fur la vie. Voyez-vous pas de tous côtés De très-décrépites Beautés, Pleurant de n'être plus aimables, Dans leur befoin de passion S'affoler de dévotion,
Et rechercher l'ambition D'être bégueules refpectables?
Bien loin de cette trifte erreur
Vous avez, au lieu des Vigiles, Des foupers longs, gais & tranquiles; Des Vers aimables & faciles,
Au lieu des fatras inutiles
De Quesnel, & de le Tourneur, Voltaire au lieu d'un Directeur ; Tome III,
Et pour mieux chasser toute angoiffe Au Curé, préférant Campra, Vous avez loge à l'Opéra,
Au lieu de banc dans la Faroiffe; Et ce qui rend mon fort plus doux, C'eft que ma Maîtreffe chez vous, La liberté, se voit logée; Cette liberté mitigée,
A l'œil couvert, au front ferein, A la démarche dégagée,
N'étant ni Prude, ni Catin, Décente, & jamais arrangée, Souriant d'un fouris badin A ces paroles chatouilleufes, Qui font baiffer un œil malin A Mefdames les Précieuses. C'eft-là qu'on trouve la gaïté, Cette fœur de la Liberté, Jamais aigre dans la fatyre, Toujours vive dans les bons mots Se moquant quelquefois des fots, Et très-Souvent, mais à propos, Permettant au fage de rire. Que le Ciel béniffe le cours
D'un fort auffi doux que le vôtre, Martel; l'automne de vos jours,
Vaut mieux que le printems d'un autre.
* Muficien qui a fait de jolis Opéra.
LETTRE *
Ecrite de Plombieres à M. PALLU, Intendant de Lyon,
Du fond de cet antre pierreux,
Entre deux montagnes cornues, Sous un ciel noir & pluvieux,
Où les tonnerres orageux
Sont portés fur d'épaiffes nues,
Près d'un bain chaud, toujours croté,
Plein d'une eau qui fume & bouillonne Où tout malade empaqueté,
Et tout hypocondre entêté,
Qui de fon mal toujours raisonne Se baigne, s'enfume & fe donne La queftion pour la fanté.
De cet antre, où je vois venir D'impotentes fempiternelles, Qui toutes pensent rajeunir ; Un petit nombre de pucelles';
Mais un beaucoup plus grand de celles
Qui voudroient le redevenir;
Où par le Coche on nous améne De vieux Citadins dé Nancy Avec l'attribut de Lorraine Que nous rapporterons d'ici.
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