Je pourrois décrire ce Temple, Que le Voyageur y contemple; Qui noie éloquemment un rien N'eft point chargé des Antiquailles: De leurs Templès groffiers comme eux.. Qui du peuple éblouit les yeux, Et dont le connaiffeur fe raille. Il eft plus aifé de dire ce que ce Temple n'est pas, que de faire connaître ce qu'il eft. J'ajoûterai seule»ment en général, pour éviter la difficulté : Simple en étoit la noble Architecture ;. Y fembloit mis par la néceffité; L'art s'y cachoir, fous l'air de la nature, Jamais furpris, & toujours enchanté.. Le Temple étoit environné d'une foule de Virtuos Les d'Artiftes, & de Juges de toute espéce, qui s'efforçoient d'entrer mais qui n'entroient point.. Tome III.. Car la Critique, à l'œil févére & jufte, Oh! que d'hommes confidérables, que de gens du bel air, qui président hi impérieusement à de peites fociétés, ne font point reçus dans ce Temple ! On ne voit point dans fon pourpris Des Corneilles & des Racines. On repoufloit auffi rudement ces ennemis obfcurs. de tout mérite éclatant, ces infectes de la fociété, qui ne font apperçus, que parce qu'ils piquent. Ils auroient envié également Rocroy au grand Condé, Denain à Villars, & Poliente à Corneille. Ils auroient exterminé le Brun, pour avoir fait le Tableau de la Famille de Darius. Ils ont forcé le cé * Scudéri étoit, comme de raifon, ennemi déclaré de Corneille. Il avoit une Cabale qui le mettoit fort au-deffus de ce Pere du Théâtre. Il y a encore un mauvais Ouvrage de Sarrafin, fair pour prouver que je ne fçai quelle Piéce de Scud ri, nommée l'Amour Tyrannique, étoit le Chefd'oeuvre de la Scéne Françaife. Ce Scudéri fe vantoit qu'il y avoit eu quatre Portiers tués à une de fes Pièces, & il difoit qu'il ne céderoit à Corneille, qu'en cas qu'on eût tué cinq Portiers au Cid & aux Horaces. A l'égard de Pradon, on fçait que fa Phédre fur d'abord beaucoup mieux reçue que celle de Racine, & qu'il fallut du tems pour faire céder la Cabale au mérite.. lébre le Moine à fe tuer, pour avoir fait l'admirable Salon d'Hercule. Ils ont toujours dans les mains la ciguë, que leurs pareils firent boire à So crate. L'orgueil les engendra dans les flancs de l'envie. 1 Verfe en fecret des pleurs que le tems feul effuye. Ces lâches perfécuteurs s'enfuirent en voyant paraître mes deux guides. Leur fuite précipitée fit place à un fpectacle plus plaifant : c'étoit une foule d'Ecrivains de tout rang, de tout état, & de tout âge, qui gratoient à la porte, & qui príoient la Critique de les laiffer entrer. L'un apportoit un Roman Mathématique, l'autre une Harangue à l'Académie : celui-ci venoit de compofer une Comédie Métaphyfique; celui-là tenoit un petit Recueil de fes Poëfies, imprimé depuis long tems incognito, avec une longue Approbation & un Privilége; cet autre venoit présenter un Mandement en ftyle précieux, & étoit tout furpris qu'on fe nuit à rire, au lieu de lui demander fa bénédiction. Je fuis le Révérend Pere. difoit l'un faite un peu place à Monseigneur, difoit l'autre. ... * Beaucoup de mauvais Livres imprimés avec des ap probations pleines d'éloges. Un raisonneur, avec un fauffer aigre, M. Bardou fe mit alors à crier : Tout le mondeeft trompé, & le fera. Il n'y a point de Dieu du Goût, & voici comme je le prouve. Alors il propofa, il divifa, il subdivisa, il distingua, il résuma; personne ne l'écouta ; & l'on s'empreffoit à la Forte plus que jamais. Parmi les flots de la foule infenfee,- Ouvrez, Meffieurs, c'cft mon Oedipe en prose ; * Contre les Vers, dire avec goût deux mots.. Le Critique le reconnut, à la douceur de fon main Houdard de la Motte fit en 1728, un Oedipe en Profe. & un Oedipe en Vers. A l'égard de fon Oedipe en Profe perfonne, que je fcache, n'a pù le lire. Son Oedipe en Vers fut joué trois fois. Il eft imprimé avec. fes autres Oeuvres Dramatiques, & l'Auteur a eu foin de mettre dans un Avertiffement, que cette Piéce a été interrompue au milieu du plus grand fuccès. Cet Auteur a fair d'autres Quvrages eftimés, quelques Odes très-belles, de jolis Opera, & des Differtations très-bien écrites.. tion & à la dureté de fes derniers Vers, & elle le laiffa quelque tems entre Perrault & Chapelain, qui affiégeoient la porte depuis cinquante ans, en criant contre Virgile. Dans le moment arriva un autre Verfificateur, fou tenu par deux petits Satyres, &.couvert de lauriers & de chardons. Je viens, dit-il, * pour rire & pour m'ébattre Et jufqu'au jour, faifant le Diable à quatre. Qu'est-ce que j'entens là, dit la. Critique. C'eft moi, reprit le rimeur. J'arrive d'Allemagne pour vous voir, & j'ai pris la saison du printems. Car les jeunes Zéphirs, de leurs chaudes haleines, Plus il parloit ce langage, moins la Quoi ! l'on me prend donc, dit-il, Pour une grenouille aquatique, Ah! bon Dieu, s'écria là Critique, quel horrible jargon Elle ne pût d'abord reconnaître celui qui s'exprimoit ainfi ; on lui dit que c'étoit Roussean Vers de Rouffeau. + Id. Ibid. Vers de Rouffean |