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D'un Diadême qu'au Parnaffe
Compofa jadis Apollon,

Du laurier du divin Maron,
Du lierre & du myrthe d'Horace,
Et des rofes d'Anacréon.

Sur fon front regne la fageffe.
Le fentiment & la fineffe
Brillent tendrement dans fes yeux;
Son air eft vif, ingénieux;
Il vous reffemble enfin, Sylvie,
A vous que je ne nomme pas,
De peur des cris & des éclats
De cent Beautés que vos appas
Font deffécher de jaloufie.

Non, loin de lui Rollin dictoit *
Quelques leçons à la jeuneffe,
Et, quoiqu'en robe, on l'écoutoit,
Chofe affez raré à fon efpéce.
Près de-là, dans un cabinet,
Que Girardon & le Puget

Charles Rollin, ancien Recteur de l'Univerfité & Profeffeur-Royal, eft le premier homme de l'Univerfité qui ait écrit purement en Français pour l'inftruction de la jeuneffe, & qui ait recommandé l'étude de notre Langue, fi néceffaire, & cependant fi négligée dans les Ecoles. Son Livre du Traité des Etudes, refpire le bon goût & la faine littérature prefque par-tour. On lui reproche feulement de defcendre dans des minuties. Il ne s'eft guéres éloigné du bon goût, que quand il a voulu plaifanter, Tome III. pag. 305. en parlant de Cyrus. Auffi-tôt, dit-il, on équipe le petit Cyrus en Echanfon il s'avance gravement la ferviette fur l'épaule, & renant la coupe délicatement entre trois doigts : J'ai apprébendé > dit le petit Cyrus ? que cette liqueur ne fut die poifon. Comment cela? Oui, mon Papa. Et en un autre endroit, en parlant des Jeux qu'on peut permettre aux enfans: Une bale, un balon, un fabot, font fort de leur goût. Depuis le toit jufqu'à la cave tout parloit Latin chez Robert Etienne. 11 feroit à fouhaiter qu'on corrigeât ces mauvaises plaifanteries dans la premiere édition qu'on fera de ce Livre, fi eftimable d'ailleurs.

↑ Girardon mettoit dans fes Statues plus de grace, &

Embellifoient de leur Sculpture,
Le Pouffin fagement peignoit,
Le Brun fiérement deffinoit, t
Le Sueur entr'eux fe plaçoit ; · ¶
On l'y regardoit fans murmure;
Et le Dieu, qui de l'oeil fuivoit
Les traits de leurs mains libre & fure,
En les admirant, fe plaignoit

De voir qu'à leur docte peinture,
Malgré leurs efforts, il manquoit
Le coloris de la nature.

Puget plus d'expreffion. Les Bains d'Apollon font de Girardon; mais il n'a pas fait les Chevaux ; ils font de Marfi, Sculpteur, digne d'avoir mêlé fes travaux avec Girardon. Le Milon & le Gladiateur font de Puget.

* Le Poulin, pé aux Andelis en 1594. n'eût de Maître que fon génie, & quelques Eftampes de Raphaël, qui Jui tombérent entre les mains. Le défir de confulter la belle Nature dans les Antiques, le fit aller à Rome, malgré les obftacles qu'une extrême pauvreté mettoit à ce voyage. Il y fit beaucoup de chefs-d'œuvre, qu'il ne vendoit que fept écus piéce. Appellé en France par le Secrétaire-d'Etat Defnoyers, il y établit le bon goùr de la Peinture; mais perfécuté par fes envieux, il s'en retourna à Rome, où il mourut avec une grande réputation, & fans fortune. Il a facrifié le coloris à toutes les autres parties de la Peinture. Ses Sacremens font trop gris; cependant il y a dans le Cabinet de M. le Duc d'Orleans un Raviffement de faint Paul du Pouffin, qui fait pendant avec la Vifion d'Ezechiel de Raphaël, & qui eft d'un coloris affez fort. Ce Tableau n'eft point déparé du tout par celui de Raphaël, & on les voit tous deux avec un égal plaifir.

Le Brun, difciple de Vouet, n'a péché que dans le coloris. Son Tableau de la Famille d'Alexandre eft beaucoup mieux coloré que fes Batailles. Ce Peintre n'a pas un fi grand goût de l'Antique, que le Pouffin & Raphael; mais il a autant d'invention que Raphaël, & plus de vivacité que le Pouffin. Les Eftampes des Batailles d'Alexandre font plus recherchées, que celles des Ba tailles de Conftantin, par Raphaël & par Jules Romain.

Euftache le Sueur étoit un excellent Peintre, quoiqu'il n'eût point été en Italie. Tout ce qu'il a fait étoit dans le grand goûr; mais il manquoit encore de

beau coloris.

Ces trois Peintres font à la tête de l'Ecole Française.

Sous fes yeux, des Amours badins
Ranimoient fes touches fçavantes,
Avec un pinceau que leurs mains
Trempoient dans les couleurs brillantes
De la palette de Rubens. *

Je fus étonné de ne pas trouver dans le Sanâuaire bien des gens qui paffoient, il y a soixante ou qua■ tre-vingts ans, pour être les plus chers favoris du Dieu du Goût. Les Pavillons, les Benferades, les Péliffons, les Ségrais, † les Saints Evremonds, les Balzacs, les Voitures, ne me parurent pas occuper les premiers rangs. Ils les avoient autrefois, me dit un de mes guides; ils brilloient avant que les beaux jour's des Belles-Lettres fuffent arrivés; mais peu-à-peu ils ont cédé aux véritablement grands hommes. Ils ne font plus ici qu'une affez médiocre figure. En effet, la plûpart n'avoient guéres que l'efprit de leur tems, & non cet efprit qui paffe à la derniére poftérité.

Déja de leurs faibles écrits

Beaucoup de graces font ternies;

Ils font comptés encor au rang des beaux efprits,
Mais exclus du rang des génies.

*Rubens égale le Titien pour le coloris; mais il eft fort au-deffous de nos Peintres Français pour la corre tion du deffein.

† Ségrais eft un Poëte très-faible; on ne lit point fes Eglogues, quoique Boileau les ait vantées. Son Enéïde eft du ftyle de Chapelain. Il y a un Opera de lui. C'eft Roland & Angélique, fous le titre de l'Amour guéri par le Tems. On voit ces vers dans le Prologue.

Pour couronner leur tête

En cette Fêtes

Ségrais voulut un jour entrer dans le Sanctuaire en récitant ce Vers de Despréaux.

Que Ségrais dans l'Eglogue en charme les Forêts.

Mais la Critique ayant lû, par malheur pour lui, quelques pages de fon Enéïde en Vers Français, le renvoya affez durement, & laiffa venir à sa place Madame de la Fayette, * qui avoit mis fous le nom de Ségrais le Roman aimable de Zaïde, & celui de la Princeffe de Cléves,

On ne pardonne pas à Péliffon d'avoir dit gravement tant de puérilités dans fon Histoire de l'Académie Française, & d'avoir rapporté comme des bons mots, des chofes affez groffiéres. † Le doux, mais

Allons dans nos Jardins

Avec les Lys de Charlemagne
Affembler les Jafmins

Qui parfument l'Espagne.

La Zaïde eft un Roman purement écrit, & entre les mains de tout le monde; mais il n'eft pas de lui.

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* Voici ce que M. Huet, Evêque d'Avranches porte, pag. 204. de fes Commentaires, édition d'Amfterdam. Me. de la Fayette négligea fort la gloire qu'elle méritoit, qu'elle laiffa fa Žaide paraître fous le nom de Ségrais, & lorfque j'eus rapporté cette anecdote, quelques amis de Ségrais, qui ne fçavoient pas la vérité, fe plaignirent de ce trait, comme d'un outrage fait à fa mémoire. Mais c'étoit un fait dont j'avois été long-tems témoin oculaire, & c'est ce que je fuis en état de prouver par plufieurs Lettres de Me. de la Fayette, & par l'original du Manufcrit de Zaïde, dont elle m'envoyoit les feuilles à mesure qu'elle les composoit.

Voici ce que Pélißon rapporte comme des bons mots. Sur ce qu'on parloit de marier Voiture, fils d'un Marchand de Vin, à la fille d'un Pourvoyeur de chez le

Roi.

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faible Pavillon, fait fa Cour humblement à Madame Deshouliéres, qui eft placée fort au-deffus de lui. L'inégal Saint-Evremond * n'ofe parler de Vers à perfonne. Balzac affomme de longues phrases hyperboliques Voiture † & Benférade, qui lui répondent

O que ce beau couple d'Amans
Va goûter de contentemens !
Que leurs delices feront grandes !
Ils feront toujours en feftin ;

Car fi la Prou fournit les viandes,
Voiture fournira le vin.

Il ajoûte, que Madame Defloge jouant au jeu des Proverbes, dit à Voiture: Celui-ci ne vaut rien, perceznous-en d'un autre. Son Hiftoire de l'Académie eft remplie de pareilles minuties, écrites languiffamment ; & ceux qui lifent ce Livre fans prévention, font bien étonnés de la réputation qu'il a eue. Mais il y avoit alors quarante perfonnes intéreffées à le louer.

* On fçait à quel point Saint Evremond étoit mauvais Poëtë. Ses Comédies font encore plus mauvaises. Cependant il avoit tant de réputation, qu'on lui offrit cinq cens louis pour imprimer fa Comédie de Sir Politick.

Voiture eft celui de tous ces Illuftres du tems passė qui eut le plus de gloire, & celui dont les Ouvrages le méritent le moins, fi vous en exceptez quatre ou cinq petites Piéces de Vers, & peut être autant de Lettres. il paffoit pour écrire des Lettres mieux que Pline, & fes Lettres ne valent guères mieux que celles de le Pays & de Bourfaut. Voici quelques-uns de fes traits: ,, Lorfque vous me déchirez le coeur, & que vous le mer

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tez en mille piéces, il n'y en a pas une qui ne foit à ,, vous, & un de vos fouris confit mes plus amères douleurs. Le regret de ne vous plus voir me coûte, fans ,, mentir, plus de cent mille larmes. Sans mentir, je vous confeille de vous faire Roi de Madére. Imaginez-vous le plaifir d'avoir un Royaume tout de fucre. A dire le ,, vrai, nous y vivrions avec beaucoup plus de douceur, " Il écrit à Chapelain :,, Et notez, quand il me vient en la penfée, que c'est au plus judicieux homme de notre fiécle, au Pere de la Lione & de la Pucelle que j'écris les cheveux me dreffent fi fort à la tête, qu'il femble d'un hériffon. “

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