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AUROI

SIRE,

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Je n'avois ofé dédier à VOTRE MAJESTE' l'es premiers Effais de cet Ouvrage. Je craignois fur-tout de déplaire au plus modefte des Vainqueurs : mais SIRE, ce n'eft point ici un Panégyrique ; c'est une peinture fidéle d'une partie de la Journée la plus glorieuse depuis la Bataille de Bovines. Ce font les fentimens de la France, quoiqu'à peine exprimés ; c'est un Poëme fans exagération, & de grandes vérités, fans mélange de fiction ni de flatterie. Le nom de VOTRE MAIESTE' fera paffer cette faible efquiffe à la Postérité,

comme un Monument autentique de tant de belles Actions, faites en votre préfence, à l'exemple des

vôtres.

Daignez, SIR E, ajoûter à la bonté que VOTRE MAJESTE' a eue de permettre cet hommage, celle d'agréer les profonds refpects d'un de vos moindres Sujets, & du plus zélé de vos Admirateurs.

VOLTAIRE,

DISCOURS

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DISCOURS PRELIMINAIRE.

L

E Public fçait que cet Ouvrage, composé d'abord avec la rapidité que le zéle inspire, reçut des accroiflemens à chaque édition qu'on en faifoit. Toutes les circonstances de la Victoire de Fontenoy, qu'on apprenoit à Paris de jour en jour, méritoient d'être célébrées, & ce qui n'étoit d'abord qu'une Piéce de cent Vers, eft devenu un Poëme qui en contient plus de trois cens quarante; mais on y a gardé toujours le même ordre, qui confifte dans la Préparation, dans l'Action, & dans ce qui la termine. On n'a fait même que mettre cet ordre dans un plus grand jour, en traçant dans cette édition le portrait des Nations dont étoit composée l'armée ennemie & en spécifiant leurs trois attaques.

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On a peint avec des traits vrais, mais non injurieux, les Nations dont LOUIS XV. a triomphé: par exemple, quand on dit des Hollandais, qu'ils avoient autrefois brifé le joug de l'Autriche cruelle, il eft clair que c'est de l'Autriche, alors cruelle envers eux, que l'on parle car affurément elle ne l'eft pas aujourd'hui pour les Etats Généraux; & d'ailleurs, la Reine de Hongrie qui ajoûte tant à la Tome III. Bb

,

gloire de la Maifon d'Autriche fçait combien les Français refpectent fa Perfonne & fes vertus forcés de la combattre.

en étant

Quand on a dit des Anglais : Et la férocité le céde à la vertu, on a eu foin d'avertir en Note, dans toutes les éditions, que ce reproche de férocité ne tomboit que fur le foldat..

En effet, il eft très-véritable que lorfque la colonne Anglaise déborda Fontenoy, plufieurs foldats de cette nation criérent : No quarter, point de quartier. On fçait encore, que quand M. de Sechelles feconda les intentions du Roi, avec une prévoyance fi finguliére, & qu'il fit préparer autant de secours pour les prifonniers ennemis bleffés, que pour nos troupes, quelques fantaffins Anglais s'acharnérent encore contre nos foldats, dans les chariots même où l'on tranfportoit les vainqueurs & les vaincus bleffés. Les Offi ciers, qui ont par-tout, à-peu-près, la même éducation dans toute l'Europe, ont auffi la même générofité; mais il a des pays où le peuple, abandonné à lui-même, eft plus farouche qu'ailleurs. On n'en a pas moins loué la valeur & la conduite de cette Nation; & fur-tout, on n'a cité le nom de M. le Duc de Cumberland, qu'avec l'éloge que fa magnanimité doit attendre de tout le monde.

Quelques Etrangers ont voulu perfuader au public, que l'illuftre Addiffon, dans fon Poëme de la Campagne de Hochsted, avoit parlé plus honorablement de la Maison du Roi, que l'Auteur même du Poënie de Fontenoy. Ce reproche a été cause qu'on a cher

ché l'Ouvrage de M. Addiffon à la Bibliothèque de Sa Majesté, & on a été bien furpris d'y trouver beaucoup plus d'injures que de louanges; c'eft vers le trois centiéme Vers. On ne les répétera point, & il est bien inutile d'y répondre; la Maison du Roi leur a répondu par des victoires. On eft très-éloigné de refuser à un grand Poëte & à un Philosophe trèséclairé, tel que M. Addisson, les éloges qu'il mérite; mais il en mériteroit davantage, & il auroit plus honoré la Philofophie & la Poëfie, s'il avoit plus ménagé dans fon Poëme, des Têtes Couronnées, qu'un ennemi même doit toujours refpe&ter, & s'il avoit songé que les louanges données aux vaincus į font un laurier de plus pour les vainqueurs : il eft à croire que quand M. Addiffon fut Secrétaire d'Etat, le Ministre se repentit de ces indécences échappées à l'Auteur.

Si l'Ouvrage Anglais eft trop rempli de fiel, celui-ci respire l'humanité. On a fongé, en célébrent une Bataille, à infpirer des fentimens de bienfaifance. Malheur à celui qui ne pourroit fe plaire qu'aux peintures de la destruction, & aux images des malheurs des homines.

Les peuples de l'Europe ont des principes d'humapité qui ne fe trouvent point dans les autres parties du monde ; ils font plus liés entr'eux; ils ont des loix qui leur font communes; toutes les Mai fons des Souverains font alliées; leurs Sujets voyagent continuellement, & entretiennent une liaison réciproque. Les Européens Chrétiens font ce qu'étoient

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