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Redoutable Bellone & Minerve chérie,
Paffion des grands cœurs, amour de la Patrie,
Pour couronner Louis, prêtez-moi vos lauriers.
Enflâmez mon efprit du feu de nos Guerriers.
Peignez de leurs exploits une éternelle image.
Vous m'avez transporté sur ce sanglant rivage;
J'y vois ces Combattans que vous conduisez tous.
C'eft là ce fier Saxon * qu'on croit né parmi nous,
Maurice, qui touchant à l'infernale rive,
Rappelle pour fon Roi fon ame fugitive,
Et qui demande à Mars, dont il a la valeur,
De vivre encore un jour & de mourir vainqueur.
Confervez, juftes Cieux, fes hautes deftinées;
Pour Louis & pour nous prolongez ses années.

Déja de la tranchée ** Harcourt est accouru,
Tout pofte eft affigné, tout danger eft prévû;
Noailles + pour fon Roi plein d'un amour fidéle,
Voit la France en fon Maître & ne regarde qu'elle.
Ce fang de tant de Rois, ce fang du grand Condé,
D'Eu, †† par qui des Français le tonnerre eft guidé,
Pentiévre, dont le zéle avoit devancé l'âge,
Qui déja vers le Mein signala fon courage,
Bavière avec de Pons, Bouflers & Luxembourg,
Vont, chacun dans leur place, attendre ce grand jour.

Le Comte Maréchal de Saxe, dangereufement malade, étoit porté dans une gondole d'ofier, quand fes douleurs & fa faibleffe l'empêchoient de fe tenir à cheval. Il dit au Roi, qui l'embraffa, après le gain de la Bataille, les mêmes chofes qu'on lui fait penfer ici. **M. le Duc d'Harcourt avoit invefti Tournay. + Maréchal de France.

++ Grand Maître d'Artillerie.

Il s'étoit fignalé à la Bataille de Détingue.

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Chacun porte l'efpoir aux Guerriers qu'il commande.
Le fortuné Danoy, * Chabanes, Gallerande,
Le vaillant Berenger, ce défenfeur du Rhin,
Colbert, & du Chaila, tous nos Héros enfin,
Dans l'horreur de la nuit, dans celle du filence,
Demandent feulement que le péril commence.
Le jour frappe déja de fes rayons naiffans
De vingt Peuples unis les drapeaux menaçans.
Le Belge qui jadis fortuné fous nos Princes,
Vit l'abondance alors enrichir nos Provinces ;
Le Batave prudent, dans l'Inde respecté,
Puiffant par fon travail & par fa liberté,

Qui, long-tems opprimé par l'Autriche cruelle,
Ayant brifé fon joug, s'arme aujourd'hui pour elle;
L'Hanovrien constant, qui, formé pour fervir,
Sçait fouffrir & combattre, & fur-tout obéir;
L'Autrichien rempli de fa gloire paffée,
De fes derniers Céfars occupant fa pensée;
Sur-tout, ce peuple altier qui voit fur tant de mers
Son commerce & fa gloire embrafler l'Univers;
Mais qui jaloux en vain des grandeurs de la France,
Croit porter dans fes mains la foudre & la balance;
Tous marchent contre nous; la valeur les conduit,
La haine les anime, & l'espoir les féduit.
De l'Empire Français l'indomptable génie,
Brave auprès de fon Roi leur foule réunie,

* M. de Danoy fut retiré par fa Nourrice d'une foule de morts & de mourans fur le champ de Malplaquet, deux jours après la Bataille. C'eft un fait certain: cette femme vint avec un Paffeport, accompagnée d'un Sergent du Régiment du Roi, dans lequel éroit alors cet Officier. Les Lieutenans-Généraux, chacun à leur divifion.

Des montagnes, des bois, des fleuves d'alentour,
Tous les Dieux allarmés fortent de leur féjour,
Incertains pour quel Maître en ces plaines fécondes
Vont croître leurs moiffons, & vont couler leurs ondes.
La fortune auprès d'eux d'un vol prompt & léger,
Les lauriers dans les mains fend les plaines de l'air;
Elle obferve Louis, & voir avec colére,
Que fans elle aujourd'hui la valeur va tout faire.

Le brave Cumberland, fier d'attaquer Louis,
A déja difpofé les bataillons hardis;
Tels ne parurent point aux rives du Scamandre,
Sous ces murs fi vantés que Pyrrhus mit en cendre,
Ces antiques Héros, qui montés fur un char
Combattoient en défordre, & marchoient au hazard:
Mais tel fut Scipion fous les murs de Carthage;
Tels fon rival & lui prudens avec courage,
Déployant de leur art les terribles fecrets,
L'un vers l'autre avancés s'admiroient de plus près.
L'ESCAUT, les Ennemis, les remparts de la Ville,
Tout préfente la mort, & Louis eft tranquile.
Cent tonnerres de bronze ont donné le signal.
D'un pas ferme & preffé, d'un front toujours égal,
S'avance vers nos rangs la profonde colonne,
Que la terreur devance & la flâme environne,
Comme un nuage épais, qui fur l'île des vents,
Porte l'éclair, la foudre, & la mort dans fes flancs.
Les voilà ces rivaux du grand nom de mon Maître,
Plus farouches que nous, auffi vaillans peut-être,
Encor tout orgueilleux de leurs premiers exploits!
BOURBONS! Voici le tems de venger les Valois.

Dans

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Dans un ordre effrayant trois attaques formées
Sur trois terrains divers engagent les armées.
Le Français, dont Maurice a gouverné l'ardeur,
A fon pofte attaché, joint l'art à la valeur.

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La mort fur les deux camps étend fa main cruelle;
Tous les traits font lancés, le fang coule autour d'elle.
Chefs, Officiers, Soldats, l'un fur l'autre entaffés
Sous le fer expirans, par le plomb renversés
Pouffent les derniers cris en demandant vengeance.
GRAMMONT, qui signaloit sa noble impatience,
Grammont dans l'Elifée emporte la douleur
D'ignorer en mourant si son Maître eft vainqueur.
De quoi lui ferviront.ces grands titres * de gloire,
Ce Sceptre des Guerriers, honneur de fa mémoire,
Ce rang, ces dignités, vanités des Héros,
Que la mort avec eux précipite aux tombeaux ?
Tu meurs, jeune Craon; † que le Ciel moins févére
Veille fur les deftins de ton généreux frere.
Hélas! cher Longaunay, ¶ quelle main, quel fecours
Peut arrêter ton fang & ranimer tes jours ?
Ces Miniftres de Mars, ¶¶ qui d'un vol fi rapide.
S'élançoient à la voix de leur Chef intrépide,
Sont, du plomb qui les fuit, dans leur courfe arrêtés,
Tels que des champs de l'air tombent précipités

I alloit être Maréchal de France.

+ Dix-neuf Officiers du Régiment de Hainault ont été rués ou bleffés. Son frere, le Prince de Beauveau, Italie.

fert en

M. de Longaunay, Colonel de nouveaux Grenadiers mort depuis de fes bleffures.

Officiers de l'Etat-Major. Meffieurs de Puifégur, des Meziére, de Saint Sauveur, de Saint George.

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Des oifeaux tout fanglans palpitans fur la terre.
Le fer atteint d'Avray. * Le jeune Daubeterre
Voit de fa légion tous les Chefs indomptés,
Sous le glaive & le feu mourans à les côtés.
Guerriers, que Chabrillant avec Brancas rallie,
Que d'Anglais immolés vont payer votre vie !

Je te rends graces, ô Mars! Dieu de fang, Dieu cruel,
La race de Colbert, † ce Ministre immortel,
Echappe en ce carnage à ta main sanguinaire.
Guerchy ++ n'eft point frappé, la vertu peut te plaire!
Mais vous, brave ¶ Daché, quel fera votre fort?
Le Ciel fauve à fon gré, donne & fufpend la mort.
Infortuné Lutteaux! ¶¶_tout chargé de blessures,
L'art qui veille à ta vie, ajoûte à tes tortures;
Tu meurs dans les tourmens ; nos cris mal entendus
Te demandent au Ciel, & déja tu n'es plus.

O combien de vertus que la tombe dévore!
Combien de jours brillans éclipfés à l'aurore!
Que nos lauriers fanglans doivent coûter de pleurs ▸
Ils tombent ces Héros, ils tombent ces vengeurs,
Ils meurent, & nos jours font heureux & tranquilles,
La molle volupté, le luxe de nos Villes,
Filent ces jours férains, ces jours que nous devons
Au fang de nos Guerriers, aux périls des Bourbons.

Le Duc d'Avray, Colonel du Régiment de la Cou

ronne.

+ M. de Croiffy, avec fes deux enfans & fon neveu, M. Dupleffis-Chatillon, bleffés légèrement.

tt Tous les Officiers de fon Régiment Royal des Vaif feaux, hors de combat; lui feul ne fut point bleffé.

M. Daché (on l'écrit Dapchier Lieutenant-Général. M. de Lutteaux, Lieutenant-Général, mort dans les opérations du traitement de fes bleffures..

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