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ou dans tout autre établissement de même la loi du 3 septembre 1792 autorisait tous nature, comme condamné à la peine des les condamnés à réclamer la commutation travaux forcés ou à quelque autre peine, des peines prononcées contre eux en des un individu qui alléguât qu'il y a erreur peines autorisées par le Code. Ce ne fut dans le genre ou la quotité de la peine, qu'en 1810 que ces deux condamnés se ou même dans le fait prétendu de la con- mirent en devoir d'invoquer le bénéfice damnation, et que le jugement ne fût pas de cette loi. On ne put retrouver alors les représenté, il serait nécessaire, pour se jugemens en vertu desquels ils étaient le procurer, de suivre la marche prescrite détenus: mais, d'une part, ils ne niaient par le Code d'instruction, quoique le point l'existence des jugemens ; de l'autre, condamné eût déjà commencé à subir sa les écrous dont ils étaient respectivement condamnation; et si le résultat des re- l'objet, faisaient mention des condamnacherches ne faisait retrouver le jugement tions: on crut en conséquence devoir, ni en minute, ni en expédition ou copie ainsi que l'indiquait le Code des délits et authentique, il deviendrait indispensable des peines, faire entendre des témoins sur de faire extraire l'individu réclamant du l'existence des jugemens et sur l'identité lieu où il aurait été placé, et de recom- des personnes qui réclamaient, avec celles mencer contre lui l'instruction, à partir que les écrous désignaient comme ayant du point où les pièces manqueraient, si été condamnées, et l'on appliqua la loi l'on avait recouvré une portion de la pro- du 3 septembre 1792. On ne recommença cédure, ou de faire une instruction nou- point l'instruction, quoique les jugemens velle, si l'on ne représentait aucune pièce, et les pièces des deux procédures eussent et qu'il existât des présomptions de cul- disparu : mais cette marche eût en effet pabilité, ou, enfin, de mettre le détenu été sans objet, puisque les condamnés en liberté, s'il n'existait aucune trace du avaient subi, et au delà, les peines qui crime qui aurait pu donner lieu à son pouvaient être prononcées conformément arrestation, ou si le crime était prescrit: aux nouvelles lois; et les jugemens se et l'on ne pourrait pas opposer, en pareil trouvant ainsi exécutés dans la partie à celui qui réclamerait, le commen- susceptible d'exécution, on se contenta cement d'exécution qu'aurait reçu le pré- de recueillir sur leur existence et sur l'itendu jugement. dentité des personnes, des témoignages qui suffisaient pour servir de base à la commutation sollicitée, attendu que la mise en liberté des réclamans devait être le résultat nécessaire du nouveau jugement à rendre. Si leur détention eût dû au contraire se prolonger en vertu de ce nouveau jugement, il n'eût pas été possible de s'en tenir à des témoignages, et de prendre pour base de l'application d'une peine à subir, un jugement de condamnation qui devait être considéré comme n'ayant jamais existé.

cas,

Pour fixer de plus en plus l'opinion sur le véritable sens de la loi, relativement à la destruction ou à l'enlèvement des jugemens ou des pièces de procédure en matière criminelle, je crois devoir citer un fait qui est à ma connaissance. Deux individus étaient détenus dans une maison de justice en vertu d'un jugement de condamnation rendu antérieurement aux lois pénales de 1791 : ils avaient été condamnés alors à une réclusion perpétuelle. On que le Code pénal de 1791 n'admettait point les peines perpétuelles, et que

sait

CHAPITRE VII.

DE LA MISE EN JUGEMENT DES GRANDS FONCTIONNAIRES, DES AGENS ADMINISTRATIFS ET DES JUGES ET OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE, PRÉVENUS DE DÉLITS DANS L'EXERCICE OU HORS DE L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS.

SECTION I.

DES FONCTIONNAIRES ADMINISTRATIFS.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES.

La loi, qui a pris tant soin de fixer les limites entre les fonctions de l'autorité administrative et celles des tribunaux, et de prévenir ainsi la confusion des pouvoirs et l'anarchie qui en résulterait, a dû s'occuper aussi des moyens d'empêcher que les grands fonctionnaires et les agens du Gouvernement ne pussent être livrés aux tribunaux, pour des faits relatifs à leurs fonctions, sans un examen préalable, et que, sous prétexte de délits imaginaires, on n'intentât des poursuites contre des administrateurs exempts de reproches aux yeux de l'autorité, mais dont la sévérité et le zèle dans l'exécution des mesures d'ordre public auraient pu froisser quelques intérêts particuliers.

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On trouve dans la loi du 14 décembre 1779 et du 24 août 1790 le premier type de la division des pouvoirs administratif et judiciaire.

Suivant l'art. 61 de la première de ces lois, les officiers municipaux ne pouvaient être mis en jugement, pour des délits d'administration, que de l'autorité des administrateurs de leur département.

L'article 13, titre II de la loi du 24 août 1790, est ainsi conçu: « Les fonctions juUne considération non moins importante » diciaires sont distinctes et demeureront a déterminé le législateur à placer aussi » toujours séparées des fonctions adminisdans une classe distincte les membres de » tratives. Les juges ne pourront, à peine l'ordre judiciaire prévenus de délits : de» de forfaiture, troubler, de quelque malà les règles particulières établiés pour la » nière que ce soit, les opérations des corps mise en jugement des uns et des autres. >> administratifs, ni citer devant eux les

TOME 11.

18

››› administrateurs, pour raison de leurs » fonctions. »

Cette loi établissait une différence dans la manière de poursuivre les ministres «Les tribunaux (dit l'article 3, chapi- pour les faits relatifs à leurs fonctions; et » tre V de la loi des 3 et 14 septembre les articles 72 et 73 étaient ainsi con>> 1791, connue alors sous le nom de Con»stitution française) ne peuvent ni s'im

çus:

« Les ministres sont responsables: 1° de tout acte du Gouvernement signé par eux, et déclaré inconstitutionnel parle

>> miscer dans l'exercice du pouvoir exé- » cutif ou suspendre l'exécution des lois, » » ni entreprendre sur les fonctions admi- » Sénat; 2° de l'inexécution des lois et

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>> .nistratives, ou citer devant eux les admi- » »nistrateurs pour raison de leurs fonc- » >> tions. »

Cette sage disposition est répétée à peu près dans les mêmes termes dans la loi du 1er vendémiaire an IV (1) :

«Les juges ne peuvent s'immiscer dans >> l'exercice du pouvoir législatif, ni faire >> aucun réglement.

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»

»

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Ils ne peuvent arrêter ou suspendre >> l'exécution d'aucune loi, ni citer devant » » eux les administrateurs pour raison de » » leurs fonctions. »

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des réglemens d'administration publique; 3° des ordres particuliers qu'ils ont donnés, si ces ordres sont contraires à la constitution, aux lois et aux réglemens. » ( Article 72. )

le

«Dans les cas de l'article précédent, le Tribunat (2) dénonce le ministre par un acte sur lequelle Corps législatif délibère dans les formes ordinaires,après avoir entendu ou appelé le dénoncé. Le ministre mis en jugement par un décret du Corps législatif, est jugé par une Haute Cour, sans appel et sans recours L'article 70 de la loi du 22 frimaire » en cassation. » (1re partie de l'art. 73.) san VIII avait réglé ainsi la manière dont Enfin, l'article 75 avait consacré de les membres du Sénat, du Corps législa- nouveau, dans les termes suivans, tif ou du Conseil d'Etat, pourraient être principe relatif à l'indépendance respecais en jugement pour les délits person- tive de l'autorité administrative et des nels dont ils se seraient rendus coupa- tribunaux, et déterminé les formalités bles: qui doivent être remplies à l'égard des « Les délits personnels emportant peine administrateurs prévenus ou inculpés (3). >> afflictive ou infamante, commis par un « Les agens du Gouvernement, autres >> membre, soit du Sénat, soit du Tribu- » que les ministres, ne peuvent être pour>> nat, soit du Corps législatif, soit du » suivis, pour des faits relatifs à leurs » Conseil d'Etat, sont poursuivis devant » fonctions, qu'en vertu d'une décision du >> les tribunaux ordinaires, après qu'une » Conseil d'Etat. En ce cas, la poursuite >> délibération du corps auquel le prévenu » a lieu devant les tribunaux ordinai– » appartient a autorisé cette poursuite. » » res (4). » L'article 71 portait « Les ministres Dans l'état actuel de la législation, les » prévenus de délits privés emportant dispositions relatives aux sénateurs ne peine afflictive ou infamante, sont con- sont plus susceptibles d'exécution, puis>> sidérés comme membres du Conseil qu'il n'existe plus de corps politique sous » d'Etat. >> la dénomination de Sénat.

(1) Voyez art. 203.

(2) Le Tribunat ayant été supprimé, le droit qui lui était conféré n'aurait pu sans doute être exercé que par le Gouvernement, puisqu'il avait seul l'initiative des lois, et que le Corps législatif ne pouvait délibérer spontanément que sur des objets d'ordre intérieur.

(3) D'après l'art. 8, section II, chapitre IV, titre III de la loi des 3-14 septembre 1791, les administrateurs de département et de district

ne pouvaient être traduits devant les tribunaux criminels que par des décrets du Corps législatif.

D'après les art. 196 et 203 de la loi du 5 fructidor an III, publiée le 1er vendémiaire an IV, devant les tribunaux les administrateurs soit de le Gouvernement avait seul le pouvoir d'envoyer canton, soit de département, prévenus de délits relatifs à leurs fonctions.

(4) L'expression de tribunaux ordinaires s'entend du tribunal quelconque auquel la connaissance du crime, du délit, de la contravention,

bre de la Chambre, durant la session, et dans les six semaines qui l'auront précédée ou suivie (4).

Mais, aux termes de la Charte, aucun pair ne peut être arrêté que de l'autorité de la Chambre, et jugé que par elle en matière criminelle (1); et si, aux termes de L'exécution de la contrainte par corps cette disposition, le privilége de la pairie est étrangère à notre travail; mais remar. ne peut soustraire les pairs à la juridic- quons sur ces articles de la Charte, quant tion des tribunaux communs en matière aux poursuites en matières criminelles, civile, du moins paraît-il certain que, si 1o que, l'espèce de garantie qui en résulte quelqu'un d'entre eux se trouvait dans le pour les membres de la Chambre étant rescas de la contrainte par corps, on ne treinte au temps de la session, la permispourrait l'exercer contre lui qu'après en sion de la Chambre, sans laquelle ils ne avoir référé à la Chambre. Toutefois il peuvent être poursuivis, semble plus parsemble résulter des termes de l'article, que ticulièrement exigée pour l'honneur d'une les Pairs ne jouissent de cette espèce de Chambre qui représente immédiatement garantie, en matière civile, que pendant le peuple dans le pouvoir législatif, mais la durée des sessions, ou, comme les que le refus de cette permission, s'il était membres de la Chambre des Députés, possible qu'il eût lieu malgré l'existence pendant les six semaines qui auraient pré- des préventions graves contre un membre cédé et suivi la session : car, si l'autorisa- inculpé, n'empêcherait point que les tion de la Chambre est déclarée néces- poursuites pussent être faites régulièresaire, il faut que cette intervention puisse ment aussitôt que la session serait termiêtre accordée; et, comme la Chambre des née; 2° que, dans le cas de flagrant délit, Pairs ne peut pas se réunir hors le temps l'arrestation peut avoir lieu sans la perdes sessions, les intérêts des tiers pour- mission de la Chambre (5). raient se trouver compromis, si l'exécution des jugemens emportant la contrainte par corps contre les Pairs était indéfiniment ajournée (2).

Aux dispositions qui concernaient les membres du Corps législatif, la Charte en a substitué d'autres relativement à la Chambre des Députés, et aucun membre de cette Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté, en matière criminelle, sauf le cas de FLAGRANT DÉLIT, qu'après que la Chambre a permis sa poursuite (3).

D'un autre côté, aucune contrainte` par

Cependant, si un magistrat ou un officier de justice s'était trouvé dans la nécessité de décerner contre un membre de la Chambre des Députés un mandat qui le privât de sa liberté, il manquerait tout à la fois aux convenances sociales et à ses devoirs s'il ne se hâtait d'en informer la Chambre dans la personne du président (6).

Les ministres, dont la Charte consacre la responsabilité (7), doivent être considérés sous des aspects différens.

En ce qui concerne l'exercice de leurs fonctions,

1o Ils peuvent être accusés par la Chamcorps ne peut être exercée contre un membre des Députés, et traduits en jugement

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