Images de page
PDF
ePub

maux de la vie, prêts à fondre sur les imprudents et les êtres sans expérience qui n'obéissent pas aux instructions de ceux qui savent. Le repentir vient, mais toujours trop tard. (A suivre.)

UN MEETING DE LA PAIX ET DE LA LIBERTÉ

La Ligue internationale de la Paix et de la Liberté tiendra cette année, à Genève, le 12 septembre, dans la salle de l'Institut génevois, bâtiment électoral, son assemblée annuelle, la neuvième, sous forme de meeting.

Voici les questions mises d'ores et déjà à l'ordre du jour, par le comité central de cette ligue.

4° Rapport du Comité central sur les conclusions d'un mémoire de M. GARNIERPAGÈS, proposant l'abolition de toute capture, méme de celle des vaisseaux de commerce appartenant à l'ennemi ;

2o Du principe de neutralité et de ses applications;

3o Réduction des armées permanentes; leur remplacement par des milices nationales ou armées territoriales purement défensives.

A l'occasion de cette nouvelle assemblée des Amis de la Paix et de la Liberté, nous rappellerons à nos lecteurs les tendances politiques de cette Ligue importante qui fut fondée en 1867, dans une des villes de la république Helvétique, la libérale Genève, à la suite d'un important congrès de la Paix où plus de six mille citoyens des diverses nations s'étaient réunis sous la présidence du général Garibaldi, comme on sait, pour arriver à la constitution des États-Unis d'Europe.

Voici les diverses résolutions votées par les précédentes assemblées et qui forment, quant à présent, le programme officiel de la Ligue:

1° Autonomie de la personne humaine ;

2o Suffrage universel;

3o Fédération républicaine des peuples d'Europe;

4° Liberté de penser, de parler, de publier, de se réunir;

5o Liberté du travail individuel ou collectif sans exploitation;

6° Liberté des contrats, liberté de coalition et d'association;

7° L'instruction laïque, gratuite, obligatoire au degré primaire;

8o Égalité des droits pour les deux sexes;

9° L'accès à la propriété individuelle ou collective par le travail, facilité à tous et à toutes;

10° Séparation des églises d'avec l'école et l'État ;

41° Remplacement des armées permanentes par des milices nationales;

12° Abolition de la peine de mort; le droit de punir limité au droit de défense ; 43° Arbitrage international, création d'un code et d'un tribunal arbitral.

Le rédacteur-gérant: F. PILLON.

FARIS.MFRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE

POLITIQUE, SCIENTIFIQUE, LITTÉRAIRE

UNE PROFESSION DE FOI ANTIPAPISTE

Deux choses sont aujourd'hui absolument nécessaires : 1o exclure de l'enseignement de tous degrés la morale et la politique papistes; 2o introduire dans l'enseignement de tous degrés la morale naturelle, rationnelle et juridique. Ce sont les deux grands besoins de la France, les deux conditions essentielles du relèvement, les deux œuvres auxquelles doivent s'appliquer sans relâche toutes les bonnes volontés.

Il est à remarquer que ces deux œuvres ne vont pas l'une sans l'autre, et que force est de se préoccuper des deux besoins en même temps. D'une part, il est bien difficile de fonder, en un pays de tradition catholique, une éducation civique et républicaine, en introduisant dans l'enseignement la morale rationnelle, si l'on n'a soin d'en bannir les principes et maximes contraires à toute libre culture de la raison et de la conscience, des principes tels que ceux du Syllabus. D'autre part, il est impossible d'exclure la morale papiste de l'enseignement, sans l'y remplacer, parce qu'un enseignement de la jeunesse sans morale est inadmissible, sans l'y remplacer par la morale rationnelle, attendu qu'une foi morale animée et soutenue de la tradition et des habitudes religieuses ne peut être, en notre pays, jugée, condamnée, écartée qu'en vertu et au nom d'une foi morale appuyée sur la raison, imposée par la raison, par là supérieure et embrassée comme supérieure, et de plus liée au droit public des États libres.

Ce n'est pas la première fois que nous appelons l'attention sur cette double nécessité d'exclure la morale papiste de l'école et d'introduire dans l'école la morale rationnelle. Nous aurons bien des fois encore à y revenir. Nous constatons avec plaisir que ces vues radicales sur la réforme de l'enseignement commencent à être partagées par nombre d'hommes d'une incontestable modération politique. Un noble et sincère esprit, un vrai philosophe, M. Tissot, les a exprimées à sa façon en un livre intéressant consacré à l'instruction publique. Nous trouvons dans la préface de cet ouvrage une déclaration ou profession de foi antipapiste remarquablement motivée et que nous tenons à reproduire

CRIT. PHILOS.

[blocks in formation]

- 33

ici, parce qu'elle offre, dans nos circonstances, un grand intérêt d'actualité.

Ce n'est pas sans un vif regret qu'en nous en prenant aux choses, aux institutions et aux doctrines bien plus qu'aux personnes, nous nous séparons cependant de la manière de voir d'un grand nombre de nos compatriotes, de nos contemporains, de nos amis, de ceux dont notre enfance, notre première jeunesse partagea les croyances. Nous les prierions de nous pardonner de nous être séparé d'eux si la conscience ne nous en avait pas fait un devoir, si nos convictions n'avaient pas été l'effet naturel et nécessaire du travail intellectuel qui s'est accompli lentement dans notre esprit, et si enfin les croyances les plus sincères et les plus ardentes avaient le droit d'être offensées d'une dissidence dans des âmes qu'elles affectionnent et qui peuvent être, elles aussi, d'une parfaite sincérité. Mais s'il n'y a pas le droit d'être offensé, il y a le fait d'être attristé, qu'on ait tort ou raison d'ailleurs de penser et de croire comme on pense et comme on croit. Cela nous suffit pour être affligé nous-même d'une peine que nous pouvons occasionner, et pour que nous priions nos amis d'une autre croyance, de nous pardonner et de vouloir bien rester encore avec nous dans les sentiments d'une communion plus large, fût-elle tout humaine. Nous avons consacré toute notre vie à la sincère recherche de la vérité, et nous avons cru devoir abandonner bien des dogmes qui n'ont pu supporter les regards soutenus de la critique la plus désintéressée et la plus réfléchie.

Si nous nous trompons, Dieu nous jugera; seul il a le droit de le faire; nous ne relevons que de lui et de notre conscience. Nous ne pouvons reconnaître à personne, à aucun mortel, sujet à l'erreur comme nous, le droit de nous imposer sa foi, une foi que l'immense majorité de ceux qui la professent n'ont pu ni voulu examiner, une foi qu'ils voudraient imposer de confiance ou d'autorité comme elle leur a été imposée à eux-mêmes. Si le très-petit nombre l'a soumise sincèrement, impartialement, longuement au creuset de la réflexion, et si elle en est sortie à leurs yeux, éclatante de pureté et de vérité, nous ne pouvons que les en féliciter; mais ce n'est pas là une raison suffisante pour que nous ayons le droit et surtout le devoir de ne tenir aucun compte du résultat bien différent que nous avons obtenu dans des conditions analogues. Comme eux nous avons usé consciencieusement de notre intelligence; et nous n'avons ni à répondre du résultat nécessaire de cet usage, ni à regretter de n'avoir pas vu par des yeux qui ne sont pas les nôtres, ni même de ne pas avoir vu autrement que nous avons vu, puisque nous avons l'assurance d'être au moins dans une vérité relative, la seule que nous pouvions prétendre, la seule que nous étions tenu de rechercher et qui devait nous suffire.

Si d'autres en voyant différemment ont été plus heureux que nous, ils n'en peuvent rien savoir; ils n'ont en tout cas aucune raison de se faire de leurs croyances un titre à l'infaillibilité, et moins encore un droit à la tyrannie des intelligences qui diffèrent de la leur.

La grande affaire n'est pas la foi, une foi brute et sans raison, mais la bonne foi dans l'examen de la foi et dans la croyance qui en résulte. C'est cette bonne foi

qui constitue la religion universelle de toutes les consciences plus ou moins éclairées, honnêtes et droites, et qui fait de toutes les Églises séparées une seule Église, l'Église vraiment catholique. C'est la bonne foi, même dans la simplicité d'une croyance peu ou point examinée, mais pleine de modestie, de tolérance et de charité, qui constitue l'esprit du christianisme, ce qu'on appelle l'âme de l'Église.

Ainsi entendu, le christianisme est encore ma religion, et nul n'a le droit de faire qu'il ne la soit pas. A ce compte je me crois et me déclare hautement chrétien, et je veux, s'il plaît à Dieu, achever ma vie dans une croyance qui n'a jamais cessé d'être mienne. Ce n'est qu'en brisant les barrières beaucoup trop étroites d'un formulaire de foi presque tout entier en dehors de l'Évangile et de son esprit, souvent même en dehors de l'Évangile supérieur du Verbe absolu, de la raison qui éclaire tout homme venant en ce monde, que j'ai pu rester fidèle à l'âme de l'Église. Quant au corps, c'est autre chose. J'avoue que depuis longtemps il m'a été impossible d'être dogmatiquement et pratiquement catholique, comme le catholicisme veut qu'on le soit, à moins d'être par lui rejeté de son sein. Quoique né et élevé dans cette religion, quoique formé dans ma jeunesse, depuis le collége jusqu'au grand séminaire inclusivement par des prêtres, et peut-être en grande partie par cette raison, je n'ai pu persister daus des croyances et des pratiques qui m'ont de moins en moins satisfait, à mesure que j'y ai plus réfléchi.

Ce n'est point par vanité ou par outrecuidance que je parle ici de ma foi passée et présente, c'est par nécessité. Si obscures que soient ma personne et mon existence, si faible que soit ma pensée, j'ai le droit commun de prendre la parole dans le plus grand débat du siècle et de motiver mon opinion en disant qui je suis, d'où je viens et où je compte aller. J'ai le droit de dire, et de prouver si je puis, que l'influence de l'esprit catholique dans notre société française est aussi fâcheuse que l'influence d'un christianisme critique, raisonnable ou philosophique pourrait être salutaire.

Je ne méconnais pas pour cela ce qu'il y a d'estimable dans l'esprit et les sentiments d'un très-grand nombre d'individus, de beaucoup le plus grand sans doute, appartenant aux corporations religieuses enseignantes ou non enseignantes. Il ne s'agit point, je le répète, des personnes, mais des choses, des institutions, dest doctrines; je ne crois pas les premières sans danger pour les individus et les peuples qui s'y abandonnent avec trop de confiance, et je suis loin de regarder les autres comme exemptes d'erreurs, et d'erreurs pleines de périls. Je crois donc les unes et les autres de nature à exercer sur les jeunes âmes une influence qui n'est pas toujours des plus bienfaisantes.

Est-il bien sûr que cette influence ne soit pour rien dans les maux qui affligent depuis longtemps notre malheureuse société française? Si l'on fait l'inventaire, au moins approximatif, d'une certaine classe de ces nombreuses misères, et qu'on se demande ensuite quelle en est l'origine, la réponse semblera peu douteuse,

Or je mets au nombre des maux dont souffrent trop visiblement tous le peuples catholiques, particulièrement la France :

4° Beaucoup de superstitions, et des superstitions qui passent pour de la religion.

2o Des dogmes anciens, et surtout des nouveaux dont le bon sens et des esprits exercés sont oin de pouvoir toujours s'accommoder.

3° L'esprit d'intolérance et de persécution, esprit qui engendre naturellement une réaction qui lui ressemble.

4o La déplorable confusion de la morale purement ecclésiastique et de la morale évangélique, avec prépondérance trop souvent accordée à la première sur la seconde.

5o La confusion fâcheuse encore de la morale évangélique elle-même et de la morale naturelle avec les devoirs de stricte justice.

6o La confusion de la morale et de la politique.

7o La tendance à la fusion de l'Église et de l'État, et à la domination de l'État par l'Église.

8° Par conséquent, la tendance très-marquée à une théocratie qui, aujourd'hui plus que jamais, n'est que l'autocratie papale.

9. L'éloignement qu'un pareil état de choses et un pareil esprit inspirent à un très-grand nombre de catholiques qui, ne pouvant plus appartenir de cœur et de conviction à la religion dans laquelle ils sont nés, restent sans culte extérieur, sans religion positive.

10° Le dommage qui résulte, pour la morale de la plupart d'entre eux, de cette séparation, puisqu'ils ont appris de leurs instituteurs congréganistes ou ecclésiastiques, et malheureusement retenu peut-être, qu'il n'y a pas de morale en dehors de la religion, qu'il n'y a pas de religion en dehors de la révélation, qu'il n'y a pas de religion révélée en dehors du catholicisme, et qu'ainsi le catholicisme est la seule autorité morale.

11o Le préjugé sceptique et très-funeste qui découle de l'erreur précédente, préjugé suivant lequel la morale n'est pas une science naturelle, rationelle, philosophique pure, puisqu'elle serait d'origine surnaturelle, révélée, et qu'elle ne pourrait être bien enseignée qu'au nom de la religion et par ses représentants dûment autorisés; préjugé sceptique, je le répète, et qui est l'un des plus grands obstacles à l'enseignement de la morale naturelle dans nos écoles. La morale naturelle est la plus vraie, la plus intelligible, la plus propre à être goûtée des jeunes âmes, et à former les esprits et les cœurs aux idées et aux sentiments les plus sûrs et les plus efficaces comme règles et mobiles de la vie.

4 2o Le préjugé antisocial et injuste qui fait regarder comme dépourvu de toute moralité, de tout principe moral et religieux au moins, quiconque n'appartient pas à l'Église catholique ou ne prend aucune part à son culte.

13° La prétention que toute la doctrine catholique est également vraie et de foi nécessaire dans tous ses points et qu'en abandonner un seul, c'est les abandonner tous, suivant la maxime: Qui peccat in uno, omnium reus est; d'où il arrive que celui qui n'a pas pu ou n'a pas su se faire ou se refaire une doctrine morale d'après la révélation première ou souveraine de la raison, reste logiquement sans morale aucune dès qu'il ne peut admettre indistinctement tous les points essentiels de la religion catholique.

14° La négation formelle de toute vertu méritoire, de toute moralité vraie, profitable au salut, si les œuvres ne sont vivifiées, sanctifiées par la foi; doctrine

« PrécédentContinuer »