Images de page
PDF
ePub

gées également à une première épreuve, le parti gouvernemental, craignant que l'opposition ne l'emportât en définitive, traîna si bien les choses en longueur que la clôture de la diète fut prononcée avant qu'on pût en venir à une épreuve nouvelle.

Ces faits parlementaires étaient d'autant plus graves qu'ils se passaient sous les yeux de l'empereur, dont le séjour s'était prolongé jusqu'à la fin de la session. Les tendances insurrectionnelles de la Pologne n'avaient pas dû lui échapper, et pour tout esprit clairvoyant il devenait évident, en effet, que la moindre commotion politique en Europe provoquerait un mouvement à Varsovie. Aussi, les précautions redoublèrent-elles sans pouvoir toutefois arrêter le travail révolutionnaire qui s'étendait sourdement dans les diverses classes de la population, et le tsar était à peine revenu à Saint-Petersbourg, que la révolution de Juillet éclata en France.

Trois mois après, Wysocki rassemblait autour de lui un certain nombre d'officiers pris parmi les divers corps qui formaient la garnison de Varsovie; soixante-dix délégués étaient élus par eux et devaient être assistés par des émissaires nombreux dans la tentative insurrectionnelle qui leur était imposée. On comptait toujours sur le général Chlopicki pour diriger le grand mouvement

que l'on méditait, sans toutefois que le général eût pris le moindre engagement à cet égard. A la suite de ces conciliabules, le 29 novembre 1830 fut fixé par les conjurés pour le soulèvement national qu'ils avaient si mûrement conçu, si longtemps préparé : rêve d'indépendance suivi pour la Pologne du terrible réveil qu'elle pouvait facilement prévoir.

XII.

RÉVOLUTION DU 29 NOVEMBRE 1830, A VARSOVIE. LE GÉNÉRAL CHLOPICKI SE PROCLAME DICTATEUR.

La matinée du 29 novembre s'écoula dans un calme trompeur; mais à six heures du soir, deux incendies allumés simultanément, l'un dans une brasserie située sur le quai de Solec, l'autre dans des masures en bois, voisines de l'Arsenal, vinrent par leur éclat sinistre donner soudainement le signal de l'insurrection. Aussitôt, Wysocki courut à la caserne des porte-enseignes, les appela aux armes, fit distribuer des cartouches, et se mettant à la tête de l'école, qui pouvait former une colonne de près de deux cents hommes, se porta sur les casernes de la cavalerie russe. Pendant ce temps, dix-huit conjurés, pour la plupart étu

diants de l'Université, se dirigeaient dans l'ombre vers le palais du Belvédère, afin de s'emparer de la personne du grand-duc Constantin. Ils surprirent et frappèrent les sentinelles, s'élancèrent dans le palais où cette attaque inattendue jeta un inexprimable désordre, et pénétrèrent dans les appartements en poussant des cris de vengeance.

Le grand-duc, à demi vêtu, était couché sur son lit de camp. Un valet de chambre le réveille, l'enlève du lit de repos, jette un manteau sur ses épaules et lui ouvre la porte d'un escalier dérobé qui conduisait dans les jardins de la résidence ; Constantin s'y précipite; il se dérobe ainsi à la fureur des assaillants dont on ignore le nombre véritable; tandis que le général Gendre et Lubowicki, vice-président de la police, tombent, en essayant de s'enfuir, percés de coups de baïon

nettes.

Mais la tentative était avortée; les dix-huit conjurés, après avoir parcouru tout le palais, s'éloignent la rage dans le cœur, et opèrent leur retraite par le bois qui touche la résidence de Lazienki, pour rejoindre leurs camarades et coopérer à l'attaque des casernes.

La fusillade retentissait au loin. Wysocki rencontrait une résistance sérieuse de la part des cavaliers russes, qui s'étaient promptement aperçus du petit nombre de leurs adversaires, et

_bre

de

Sur

ent

un

les

nce.

sur

ille,

ses

obé

ce;

à la

mbre

ubo

, en

ïon

huit

lais,

leur

› de

300

en

des

›er

et

reprenaient successivement les positions qu'ils avaient perdues. Les porte-enseignes se retirèrent en bon ordre, repoussant un escadron qui s'était élancé à leur poursuite et gagnèrent la place de l'église d'Alexandre, où ils espéraient trouver réunies plusieurs compagnies polonaises commandées par des officiers engagés, comme eux, dans le complot; mais à leur profond étonnement, ils ne rencontrèrent personne sur ce point; le silence régnait dans le centre de la ville, et l'incendie du quai de Solec paraissait complétement éteint. Il y eut là pour Wysocki et ses amis un indicible moment d'angoisses; et il est certain que de ces débuts de l'insurrection dépendait, en effet, tout son succès..

Bientôt cependant des rassemblements se formèrent au bruit de la mousqueterie; les compagnies qui devaient se trouver au rendez-vous et qui en avaient été successivement écartées par le général Stanislas Potocki, revinrent sur leurs pas. Sauf quelques exceptions, la partie polonaise de la garnison s'ébranlait de toute part; les porte-enseignes, reprenant confiance, s'élancèrent vers l'arsenal, et les soldats insurgés les suivirent en chantant un hymne à la Pologne. Le désordre et la confusion étaient partout. Plusieurs généraux s'efforçaient de faire rentrer dans l'obéissance les soldats révoltés, et payaient

presque tous de leur vie ces vaines tentatives de répression. Kurnatwski, à la tête de la garde à cheval polonaise demeurée fidèle au grandduc, essaya de balayer la foule armée qui surgissait de tous côtés; mais il fut repoussé luimême jusque dans le faubourg de Cracovie. Alors plusieurs bataillons d'infanterie volhynienne, chargés de défendre l'arsenal sur le point d'être envahi, s'avancèrent contre le 4o de ligne polonais et les grenadiers du 5° conduits par le souslieutenant Lipowski. Un engagement des plus vifs s'ensuivit, et le résultat en devenait douteux, lorsque les élèves de l'école d'artillerie arrivèrent avec des pièces de canon, et, se rangeant du côté des insurgés, déterminèrent la victoire.

:

L'arsenal était emporté à partir de ce moment, l'insurrection triompha sur tous les points; mais comme toujours, le désordre signala les premières heures de cette révolution soudaine; le pillage des riches boutiques de juifs, l'assassinat des généraux Stanislas Potocki; Hauke, ministre de la guerre, Trembicki, Blumer; Siémiontkowski; Nowicki, patriote cependant, mais pris dans le tumulte pour un général russe; et de plusieurs autres officiers uniquement coupables de demeurer fidèles au serment qu'ils avaient prêté, signala douloureusement cette nuit cé

« PrécédentContinuer »