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digue tout entière ne tardera pas elle-même à être emportée, et la destinée des tsars sera fatalement accomplie.

Du reste, ce n'est pas seulement par les armes qu'un tel résultat aura été obtenu ; les négocia— tions habiles, les traités fructueux ont toujours amplement coopéré aux conquêtes de la Russie; parmi ces derniers, nous devons mentionner le traité d'Unkiar-Skélessi, célèbre complément des stipulations d'Andrinople1. On sait dans quelles circonstances il fut conclu le pacha d'Égypte s'était constitué en révolte ouverte contre la Porte-Ottomane; ses troupes, envoyées contre celles du sultan, avaient remporté sur tous les points des avantages signalés. La bataille de Koniah semblait enfin ouvrir au pacha rebelle la route de Constantinople, lorsque la Russie intervint en faisant avancer des troupes à marches forcées, et en mettant sa marine au service du sultan Mahmoud.

Le traité d'Unkiar-Skélessi fut signé le 8 juillet 1833, et son article I était ainsi conçu : « En conséquence du principe de conservation et de défense mutuelle qui sert de base au présent traité d'alliance, et par suite du plus sincère désir d'assurer la stabilité et l'entière indépendance de

1. Voir le N° 3 des Pièces justificatives.

la Sublime-Porte, S. M. l'empereur de toutes les Russies, dans le cas où les circonstances qui pourraient déterminer de nouveau la SublimePorte à réclamer l'assistance navale et militaire de la Russie viendraient à se présenter, quoique ce cas ne soit nullement à prévoir, promet de fournir par mer et par terre autant de troupes et de forces que les deux hautes parties contractantes le jugeraient nécessaire. Ce cas échéant, il est convenu que les forces de terre et de mer dont la Sublime-Porte réclamerait le secours, seront tenues à sa disposition.

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A cet article si explicite, il faut, pour bien comprendre toute la portée du traité d'Unkiar-Skélessi, joindre l'article séparé et secret qui lui servait de complément et donnait le dernier mot de la politique du cabinet de Saint-Pétersbourg. Par cette stipulation secrète, il était dit que le traité patent d'alliance offensive et défensive obligeant tout aussi bien la Porte-Ottomane à défendre la Russie en cas d'attaque, que l'empereur à prêter assistance au sultan, s'il venait jamais à être menacé; néanmoins, comme le tsar voulait épargner à la Turquie la charge et les embarras qui résulteraient pour elle de la prestation d'un secours matériel, il ne demanderait pas au sultan un concours actif, dans le cas où les circonstances l'exigeraient. Mais, alors, la Turquie s'obligeait, en

vertu du principe de réciprocité admis dans le traité patent, et pour remplir ses engagements envers la cour impériale de Russie, à fermer le détroit des Dardanelles, c'est-à-dire, à ne permettre à aucun bâtiment de guerre étranger d'y entrer sous un prétexte quelconque.

On voit que, dans cette importante circonstance, le cabinet de Saint-Pétersbourg, fidèle à ses habiles traditions, avait tout prévu ou, pour mieux dire, n'avait rien omis.

XVIII.

ATTITUDE DE L'EMPEREUR NICOLAS VIS-A-VIS DE LA MONARCHIE FRANÇAISE DE 1830.

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POLITIQUE GÉNÉRALE DU CABINET DE SAINT-PÉTERSBOURG. DISCOURS DE L'EMPEREUR A LA MUNICIPALITÉ DE VARSOVIE.AFFAIRE DU VIXEN.

TRAITÉ DU 15 JUILLET 1840.

LA RUSSIE Y PREND PART. EXPÉDITION CONTRE

LE KHAN DE KHIVA.

CHEMIN DE FER DE PÉTERSBOURG A MOSCOW. ACTES D'ADMINISTRATION INTÉRIEURE. PROMULGATION DE NOUVEAUX CODES.

On conçoit que tout en surprenant le cabinet de Saint-Pétersbourg par son étrange rapidité, la révolution de juillet 1830 dut modifier profondément la politique de l'empereur Nicolas à l'égard de la France. Le gouvernement de la restauration s'était montré très-partisan de l'alliance russe, et

disposé, surtout durant le ministère Polignac, à entrer résolûment dans un système d'une grande nouveauté, d'une grande hardiesse, et qui eût créé pour la Russie, comme pour la France, une situation tout exceptionnelle en Europe. Avec la branche aînée de la maison de Bourbon, ce système disparaissait, et le gouvernement nouveau allait chercher son point d'appui d'un autre côté. On savait ses prédilections plutôt anglaises que russes, et d'ailleurs le bon sens indiquait que son essence, éminemment parlementaire, devait le rapprocher du gouvernement anglais, par le seul fait de l'analogie des institutions.

Mais en dehors de cette appréciation toute personnelle, il y avait un point de vue plus général auquel le tsar devait nécessairement se placer : l'établissement du trône de 1830, c'était un nouveau triomphe de la révolution en Europe; et admettre par une attitude bienveillante, par des empressements diplomatiques, un fait politique de cette nature, c'eût été, en quelque sorte, se faire le complice de la révolution, dont on prétendait au contraire se déclarer le plus ardent adversaire.

A partir de cette époque, les dispositions de l'empereur Nicolas, non pour la France, mais pour le gouvernement français, furent complétement changées. Il est même certain, comme nous l'avons dit plus haut, que, vivement préoccupé de

la révolution belge, et des mouvements qui s'étaient produits sur plusieurs points de l'Allemagne, l'empereur réunissait sur ses frontières un corps d'armée considérable, destiné à aller combattre, fût-ce au delà du Rhin, le fantôme révolutionnaire, lorsque éclata l'insurrection polonaise, qui comprima ce premier élan et absorba naturellement toutes les forces de l'empire.

Plus tard, moins hostile peut-être, mais toujours froid et réservé, nous voyons l'empereur Nicolas suivre, avec une curiosité peu bienveillante et un dédain très-hautement affiché, les phases diverses de notre second essai de gouvernement parlementaire. Pour le tsar, il n'y avait que deux formes gouvernementales humainement applicables et que la raison pût admettre : le gouvernement absolu ou la république. Encore laissait-il entrevoir que la république, au milieu des exigences de la civilisation moderne, était, dans son esprit, une utopie à peu près irréalisable. Toute forme intermédiaire n'était point admise par lui, et il considérait un gouvernement constitutionnel comme un mensonge permanent. Rien, on le voit, indépendamment des sentiments personnels qu'il avait toujours entretenus pour le roi Louis-Philippe, et qui n'étaient point de la sympathie, ne pouvait rapprocher bien franchement le tsar du gouvernement qui présidait alors

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