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nent service qu'il venait de rendre à la monarchie autrichienne. Cette lettre était accompagnée de la grand-croix de l'ordre de Marie-Thérèse.

Mais le tsar pouvait plus difficilement récompenser cet habile et fidèle serviteur, car depuis quelques années déjà, le prince de Varsovie possédait tous les honneurs, toutes les dignités auxquels un Russe puisse prétendre. L'empereur qui, en dernier lieu, lui avait conféré le titre de prince avec la dénomination d'altesse, trouva cependant un ingénieux moyen de donner au feld-maréchal (lui seul possède ce grade militaire en Russie) une preuve nouvelle et publique de sa satisfaction; il ordonna, par un rescrit, que tous les honneurs militaires, exclusivement réservés jusque-là à la majesté impériale, fussent désormais rendus, même en sa présence, au prince de Varsovie. Savoir honorer le mérite réel et récompenser dignement les services, ce n'est pas seulement une des plus grandes et des plus précieuses qualités d'un souverain; c'est la plus grande, la plus précieuse, mais aussi, il faut bien l'avouer, la plus rare de toutes.

1. En 1851, pour célébrer le jubilé cinquantenaire des services du prince Paskevitch, l'empereur a fait orner son bâton de maréchal d'une inscription particulière en diamants.

XXIII.

DEMANDE D'EXTRADITION DES RÉFUGIÉS HONGROIS ET

POLONAIS FAITE A LA PORTE-OTTOMANE.

DU GRAND-DUC MICHEL.
DU CAUCASE.

MORT

INCIDENTS DE LA GUERRE INAUGURATION DU CHEMIN DE FER

DE SAINT-PÉTERSBOURG A MOSCOW.

La clémence avait, ainsi que nous l'avons dit, été conseillée par le tsar au gouvernement autrichien, et le prince de Varsovie s'était chargé auprès de l'empereur d'être l'organe de cette heureuse pensée. Si quelques doutes historiques pouvaient s'élever à cet égard, ils tomberaient aisément devant ce passage de la lettre adressée par l'empereur François-Joseph au feld-maréchal Paskevitch :

<< Oui, sans doute, monsieur le feld-maréchal, si je ne devais suivre que les inspirations de mon cœur, je jetterais un voile impénétrable sur le passé, et je ne songerais qu'aux moyens de guérir les terribles plaies faites par une révolte criminelle à la malheureuse Hongrie; mais je ne dois pas oublier que j'ai des devoirs sacrés à remplir envers mes autres peuples, et que le lien général de mon empire m'impose des obligations que je ne puis perdre de vue. Toutefois, Votre Altesse a

rendu justice à mes sentiments, quand elle a supposé d'avance que je m'estimerais d'autant plus heureux que je laisserais la clémence s'exercer plus largement, tout en prenant en considération graves motifs qui se rattachent aux questions de sûreté générale. »

les

L'empereur Nicolas voulait donc que des mesures de clémence fussent adoptées à l'égard des hommes qui avaient été entraînés dans cette guerre, soit par l'ardeur de la jeunesse, soit par le respect d'un point d'honneur militaire ou par une fausse interprétation des sentiments et des besoins de la nation hongroise; mais les meneurs de cette révolution étouffée au berceau; mais les hommes qui avaient préparé de longue main cette terrible insurrection magyare, sans s'inquiéter des suites qu'elle pourrait avoir, ceux-là devaient au contraire, dans la pensée de l'empereur, être traités avec une grande sévérité. De là, les démarches du cabinet de Saint-Pétersbourg de concert avec celui de Vienne, auprès de la Porte-Ottomane, pour le renvoi des réfugiés hongrois et polonais qui, de Constantinople, menaçaient encore de soulever à un moment donné les provinces récemment insurgées. On sait quelle fut l'issue de cette démarche des gouvernements russe et autrichien, et comment après le refus d'extradition

opposé par la Turquie, Kossuth se retira en Angleterre d'abord, et ensuite aux États-Unis.

Dans cette question de l'extradition des réfugiés polonais et hongrois, l'Angleterre avait pris avec une chaleur inusitée la défense des droits de la Porte-Ottomane. Ce zèle calculé alla même jusqu'à la violation des traités, car la flotte anglaise pénétra dans les Dardanelles. Lord Palmerston avait voulu faire comprendre au cabinet de Saint-Pétersbourg qu'il était disposé à adopter, le cas échéant, des résolutions extrêmes. Et bientôt, comme la Russie occupait toujours les principautés danubiennes, il s'en prit à la Grèce, puissance spécialement protégée par le tsar, et souleva ces réclamations pécuniaires qui fournirent au cabinet français l'occasion de prendre une attitude si ferme et si digne vis-à-vis du gouvernement britannique.

Plus tard, lorsque lord Palmerston, continuant à l'égard de l'Autriche le rôle qu'il avait entrepris de jouer avec la Russie, réclama du cabinet toscan des indemnités en faveur des sujets anglais dont les intérêts avaient pu être lésés lors de l'entrée de l'armée autrichienne à Livourne, le cabinet russe en appuyant, par une note d'une énergie exceptionnelle, les résistances que l'Autriche opposait, au nom de la Toscane, à ces ridicules prétentions du ministère anglais, fit bien connaître

qu'il n'avait point oublié les récents procédés de l'Anglererre envers la Russie.

Le tsar était intervenu par les armes dans la révolution magyare; il intervint par la diplomatie dans les questions qui divisaient profondément alors l'Allemagne centrale; cette diplomatie habile, éclairée, patiente, est une des forces principales du gouvernement russe. Depuis longtemps sa réputation est faite; et plus encore que les armées de la Russie, elle assure à cette puissance une immense influence européenne.

Des fêtes brillantes devaient célébrer à Varsovie le retour du feld-maréchal Paskevitch. La mort subite du grand-duc Michel vint déranger tous ces plans. L'empereur fut vivement affecté de la mort de son frère. Nature dévouée, cœur chaleureux, le grand-duc Michel avait, en maintes circonstances, rendu les plus utiles services à l'empereur, et ses précieuses qualités, cachées sous une apparence de rudesse, étaient connues et appréciées de l'armée. En le perdant, le tsar perdit le confident de ses plus intimes pensées et le bras droit de sa volonté souveraine. Un esprit très-incisif, très-éclairé, un bon sens pratique qui frappait de prime-abord, une bienveillance marquée pour les étrangers qui lui étaient présentés, telles étaient les qualités le plus en évidence du grand-duc Michel, et elles auraient amplement

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