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Resserrons les liens de la fraternité ;

Je crains, de nos débats, la funeste influence,
Bien plus que de cent rois, je ne crains l'alliance.

CAR N O т.

Les ennemis des lois sont mes seuls ennemis;
Brisez vos échafauds, et nous serons unis.
De la fraternité, qu'importe le langage?
J'en veux le sentiment, et non pas l'étalage;
Sur nos murs seulement, ce sentiment tracé,
210 Par des fleuves de sang, n'est-il point effacé?
Périsse le premier qui, de carnage avide,
Porta sur un Français une main parricide;
Et, ne suivant pour loi que son ressentiment,
A côté du coupable, égorgea l'innocent!

ROBESPIERRE.

Après tout, est-ce à moi que ce discours s'adresse?
Les traîtres, il est vrai, je les poursuis sans cesse ;
Mais que m'imputez-vous trop de sévérité?
J'ai tout fait pour le peuple et pour la liberté.

CARNO T.

La liberté n'est point une ingrate furie,

Du sang

de ses enfants, en marâtre, nourrie, 220 Qui se plaise à l'aspect des fers, des échafauds; Elle veut des amis, et non pas des bourreaux. Ces complots, la plupart, ne sont-ils point des fables? Parmi nos ennemis, il est de grands coupables

Que le glaive des lois ne saurait épargner,
Mais il faut les juger, non les assassiner.

ROBES PIERRE.

Ainsi, depuis longtemps, parle la calomnie.

CARNO T.

Ainsi, depuis longtemps, agit la tyrannie.

ROBESPIERE E.

Ces prétendus complots, d'où vous sont-ils connus?

CARNOT.

Par ces torrents de sang chaque jour répandus, 230 Par ces assassinats dont la soif te dévore.

ROBES PIERRE.

De quoi vous plaignez-vous? vous respirez encore?
Je sais le coup mortel que vous me préparez;
Mais, avant de frapper, traîtres, vous périrez.
Grace au ciel, des complots le voile se déchire;
Je sais tout. Au sénat, ici même on conspire;
Mon œil vous suit
partout.

CARNOT.

Arbitre de mon sort,

Monstre! tu peux donner ou la vie ou la mort,
Mais de tous les tourments qu'ordonne ta vengeance,
Nul n'égale l'horreur qu'inspire ta présence.

SCÈNE I V..:

ROBESPIERRE, COLLOT.

ROBES PIERRE.

(Iltire un crayon de sa poche, prend une liste, regarde Carnot et écrit ).

240 DE ta témérité, traître, voila le fruit !

Gardes, au Luxembourg que Carnot soit conduit!
Que demain.....

COLLOT aux gardes.

Arrêtéz !

ROBES PIERRE.

Serais-tu son complice ?

COLLO T.

Dieux! écoute; avec lui, dans un si prompt supplice,
Peut-être d'un complot le secret va mourir;
Par ses propres aveux, il le faut découvrir;
Cesse de soupçonner l'ami le plus sincère ;
Je saurai pénétrer cet horrible mystère.

ROBES PIERRE.;

J'y consens; mais ce soir, si je n'ai tout appris,
De ton silence aussi tu receyras le prix.

SCÈNE V.

COLLO T.

250 VA! ce même échafaud dont tu parles sans cesse,
Barbare! pour toi-même, en ce moment, se dresse;
Tu vas payer le sang par tes mains répandu....
Mais dans mon cœur glacé, quel transport inconnu!
Il fut mon bienfaiteur, et je le sacrifie !
Je trahis l'amitié! je sauve la patrie.

Entre ces deux écueils, je puis être immolé;
Mais que le tyran meure, et je suis consolé.

Fin du premier Acte.

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10

SCÈNE PREMIÈRE.

ROBESPIERRE, COUTHON, SAINT-JUST.

ROBES PIERR E.

C'EST
EST trop nous applaudir de perfides succès
Qui hâtent notre chute et les fers des Français;
Partout le royalisme et l'aristocratie

Montrent insolemment une audace impunie;
Pour nous fut-il jamais un plus pressant danger?
Lisez..... Vous le voyez, on veut nous égorger.
(Il montre une lettre).

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COUT HON.

Je vous l'avais prédit qu'un excès de clémence,
Dans un gouffre de maux, replongerait la France,
Que ce modérantisme et cette impunité,
Bientôt, en nous perdant, perdraient la liberté.
Les amis des Bourbons ont repris leur empire;
Et, pour eux, le sénat ouvertement conspire;
De nos divisions, tel est le digne fruit.

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