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PÉTION.

Parlons franchement; vous redoutiez les jacobins. Je vous ai entendu dire, après votre retraite, que vous n'osiez fréquenter aucune société ; qu'on se faisait partout une étude maligne d'interpréter vos paroles; que chaque parti ne cherchait qu'à vous nuire.

BAILLY.

Parce que je n'en avais voulu favoriser aucun; il eût été à desirer que vous eussiez imité mon exemple.

PÉTIO N.

Cette modération n'était point dans mon caractère ; j'avais embrassé de bonne-foi le parti populaire, et je l'ai soutenu de bonne-foi. Je n'ai pas dû m'en repentir, tant que je n'ai été que simple représentant de la nation, que je n'ai fait que proposer des projets de lois.

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et même de la journée du Champ-de-Mars;

elles parleront.

PÉTION.

J'y consens, pourvu qu'elles ne soient pas des

contre-révolutionnaires.

BAILLY.

La vérité doit être toujours respectée de quelque bouche qu'elle sorte. Et tel a reçu de votre part le nom de contre-révolutionnaire, qui chérissait et servait mieux que vous la patrie..

PETION.

Voilà justement le langage des modérés ; c'est avec de pareilles opinions, qu'on a ménagé les ennemis du peuple, et qu'on a retardé l'affermissement de la liberté.

BAILLY.

Allez, monsieur Pétion, en quatre-vingt-dix, nous étions bien plus près de la liberté, qu'en quatre-vingt-douze. Voyez à quoi vous ont conduits ce système que vous appeliez populaire, et que j'appelle désorganisateur, ces mouvements anarchiques, ces conspirations factices ces insurrections perpétuelles, ces établissements de tribunaux, de comités, d'armées révolutionnaires, ces inventions cruelles de dénominations

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proscrites, ces inquisitions patriotiques mille fois plus barbares que celles de la cour de Rome ces envois dans les départements de proconsuls, arbitres de la fortune et de la vie des citoyens, et cette institution plus que tyrannique d'un gouvernement qui, pendant dix mois, a couvert la France de fers et d'échafauds, ne partageant ses malheureux habitants qu'en deux classes, celle dės bourreaux, et celle des victimes.

PÉTION.

A vous entendre, on dirait que je suis en partie la cause de tous ces maux; ignorez-vous que je ne pris aucune part à ces institutions révolutionnaires, que je fus l'une des premières victimes de Marat et de Robespierre ?

BAILL Y.

Ne me parlez jamais de ces deux monstres; ce sont les plus exécrables, qu'on ait encore vus dans les enfers.

PÉTIO N.

Ils ont commis de grands crimes; mais le plus. grand mal qu'ils ayent fait, c'est de vous avoir sacrifié à leur ressentiment.

DIALOGUE.

DORMES SONET HÉRAULT DE SÉCHELLES.

HÉRAULT.

IL faut avouer, mon cher président, que nous avons été, chacun à notre manière, de bien grandes, de bien innocentes victimes de la révolution; pour vous, je pensais que votre probité reconnue, cette renommée de probité héréditaire dans votre famille, vous mettrait à l'abri de tout soupçon d'incivisme; je me suis trompé; je vois bien qu'en révolution on ne doit compter

DORMES SON.

Que sur le crime.

HÉRAULT.

Ciel! est-ce Dormesson qui tient ce langage, l'homme du monde le plus doux, le plus affable, le plus modéré !

DORMESSO N.

Ma modération m'a perdu. J'ai caressé, j'ai nourri dans mon sein le serpent qui devait me

dévorer; j'ai cessé d'être moi, j'en ai été puni, eh ! je n'ai vécu que trop longtemps; j'ai vu périr avant moi, l'élite des citoyens honnêtes; le crime a jugulé la vertu, et nous ne voyons autour de nous que des victimes d'une révolution que, d'un mot, nous seuls pouvions étouffer dans son origine. La noblesse, le clergé, le parlement, la cour, tout a fléchi devant une faction démagogique, tout a péri. Je n'ai pu tenir contre ce débordement d'extravagances j'ai protesté contre un des actes les plus nuisibles à l'ordre social; j'ai payé de ma tête une protestation qu'il était dans mes droits et dans mon devoir de faire; mais je suis mort sans reproches.

HÉRAULT.

2

Je voudrais pouvoir en dire autant ; emporté par le torrent révolutionnaire, je courus après une liberté chimérique, et je ne trouvai que l'anarchie et la licence, qui m'ont conduit à l'échafaud.

DORMES SON.

Mais cette anarchie, ne l'avez-vous pas vousmême favorisée, légalisée, préconisée ? Quoi de plus anarchique que votre code constitutionnel de mil sept cent quatre-vingt-treize ? et cependant n'étiez-vous pas un des rédacteurs de ce code informe ? que dis-je ? ne vous a-t-on

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