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particulier que les prêtres prenaient de la nourriture des éperviers, et sur le choix qu'ils faisaient des alimens qui leur convenaient à raison de leurs différens âges. Ils les élevaient dans des bois sacrés, où ils étaient mis en dépôt, comme autant d'offrandes faites à la divinité du soleil. On en distinguait de plusieurs espèces. Chacune de ces espèces était affectée à une divinité particulière'. Celle dont le vol était le plus rapide était consacrée au Dieu-soleil. On débitait sur ces oiseaux sacrés une fable assez semblable à celle que l'on avait imaginée sur le serpent et sur le phénix, deux symboles de l'année et du soleil, savoir qu'il était un temps de l'année où ils semblaient se rajeunir et quitter leurs anciennes dépouilles. L'époque de ce renouvellement était le solstice d'été, au moment où le Nil se débordait, et au coucher du matin de l'aigle céleste 2.

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Hérodote parle du phénix que Nonnus dit être une image du soleil; et la peinture qu'il nous en fait ressemble assez à celle de l'accipiter, qui tient en partie de l'aigle et en partie du vautour. L'aigle sacré, celui qui, suivant Strabon", était révéré à Philes, sur les confins de l'Ethiopie, ne ressemblait ni à ceux de la Grèce, ni à ceux d'Egypte. Il était beaucoup plus gros et assez différent la variété des couleurs. Il est possible que ce

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soit celui-là qu'on ait désigné sous le nom de phénix. C'était en effet un oiseau rare que l'on disait n'être connu qu'en Ethiopie, où l'on allait le chercher quand l'oiseau sacré mourait. Les Turcs encore aujourd'hui respectent cet oiseau. Son oeil extrêmement vif et brillant le fit comparer et consacrer au soleil, suivant plusieurs auteurs cités cidessus. Suivant Porphyre 2, ce fut sa nature même, composée de sang et d'esprits vifs, qui le fit regarder comme un animal de la nature du soleil. Le culte qu'on lui rendait en Ethiopie fut cause, sans doute, que l'on donna au soleil l'épithète d'accipiter ou d'épervier qui régnait sur le midi3. Car Philes, où l'on révérait cet oiseau sacré, dont parle Strabon, est dans la partie la plus méridionale de l'Egypte, à vingt-trois degrés et demi de latitude, sous le tropique même, et à soixante-un degrés vingt minutes de longitude, suivant Ptolémée *. L'aigle était aussi consacré dans le temple de Thèbes 5, ville de Jupiter, ou du Dieu dont l'aigle fut le symbole chez les Grecs et chez les Romains. La majesté de l'aigle, sa force et la hardiesse de son vol, peignirent assez bien la majesté du maître des Dieux; et on crut apercevoir dans cet oiseau quelque chose de royal, suivant Porphyre . L'aigle, d'ailleurs, était paranatellon du lion, signe consacré à Jupiter dans la distribution des signes entre

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1 Contant d'Orville, t. 6, p. 135.-2 Euseb. Præp. ev., 1. 3, c. 4, p. 31.3 Kirk. OEdip., 1. 3, p. 228.-4 Ptol. Geog., 1. 4, c. 5, p. 112.-5 Strab., 1. 17, p. 812.-6 Euseb. Præp., ev. l. 2, C. I, p. 49.

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les douze grands Dieux 1. Voilà plusieurs motifs qui ont pu déterminer à unir ce symbole à celui du Dieu qui, dans l'ordre hiérarchique, se trouve placé à la tête des immortels, et au soleil, chef des

astres.

Passons à l'ibis, oiseau consacré à la lune, et quelquefois à Mercure (u). L'ibis est un oiseau particulier à l'Egypte 2, et qui tient beaucoup de la cigogne. On tire de plusieurs sources les motifs qui la firent consacrer à la lune. Quelques-uns crurent que la durée de son travail sur ses oeufs égale celle des jours que la lumière de la lune met à croître et à décroître. Elle règle son régime sur la marche périodique de cet astre, dont elle semble connaître et suivre les phases 3, en retranchant de sa nourriture ou y ajoutant, à proportion que la lune perd ou acquiert de la lumière. Sa vue même éprouve l'altération des phases de cet astre*.

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D'autres, suivant Plutarque et Clément d'Alexandrie, ont cru apercevoir dans la couleur des plumes de l'ibis, dont une partie du corps est blanche et l'autre noire, une image de la lune dans ses phases. Ces rapports vrais ou supposés, entre la couleur de l'ibis, entre la durée du temps qu'elle met à couver, entre le régime de vie qu'elle suit et la progression de la lumière de la lune dans ses phases, ont dû suffire pour en faire l'oiseau

1 Manil. Astr., 1. 2, v. 439.—2 Ælian, de Animal., 1. 2, c..38. 3 Ibid., c. 35. 4 Ibid., l. 10, c. 29. ~ 5 Plut. de Iside, p. 381; Clem. Alex. Strom., 1. 5, p. 567.

familier de cet astre chez un peuple qui cherchait dans les phénomènes terrestres une image des phénomènes célestes, et qui s'étudiait à établir un système de rapports entre les formes du ciel et celles de la terre.

On remarquera aussi dans l'ibis une qualité utile: sa haine pour les serpens et les reptiles qui infestaient l'Egypte, auxquels elle déclarait une guerre destructive'. L'Egypte, dans laquelle l'ibis se circonscrit, est pour elle une patrie qu'elle défend contre les serpens ailés qui viennent d'Ethiopie et qui cherchent à y entrer 2. Elle attaque les serpens qui tentent de s'y introduire dans le temps du débordement; elle les dévore et les digère facilement; et en général, elle est le fléau de tous les insectes et de tous les reptiles qui peuvent nuire aux hommes et aux fruits 5. Elle a donc tous les caractères du bon principe, et une analogie avec la nature des astres, par lesquels le ciel exerce sur la terre son activité bienfaisante, dont la lune est un des principaux agens relativement à la végétation. L'union de la lune à Mercure, dans laquelle ce Dieu était censé voyager ; l'union des serpens au caducée de Mercure; l'union de l'ibis et du chien, comme paranatellons, dans la sphère d'Abenezra, avec la vierge, domicile de Mercure, toutes ces unions sont en partie cause de celle qu'a

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1 Plut. de Iside, p. 381; Euseb. Præp. ev., l. 2, c. 1, p. 40. 2 Ælian, de Anima!., 1. 2, c. 38. 5 Ibid., 1. 10. c. 29.→ Plut. de Iside, p. 397.5 Kirk. OEdipe, t. 2, pars. 2, p. 201.

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vait avec Mercure l'oiseau familier de la lune et destructeur des serpens. C'est, sans doute, par cette raison que, dans la fable sur la métamorphose des Dieux en différens animaux, Mercure prit la forme de l'ibis 2. Ce Dieu donna son nom au mois thot, ou au premier mois de l'année Egyptienne, dont Mercure était le génie tutélaire, et l'ibis fut l'expression de ce nom. Aussi Martianus Capella place l'ibis dans la sphère de Mercure et avec la vierge céleste sous laquelle, de son temps, commençait le mois thot 3. Ce fut son caractère astrologique et hiéroglyphique, plutôt encore que son utilité réelle, qui la fit mettre au nombre des animaux sacrés, quoi qu'en dise Cicéron *. Il est vrai que son utilité la fit affecter de préférence aux astres dont l'Egypte éprouvait l'action bienfaisante.

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La sphère des Maures place l'ibis ou la cigogne dans la constellation où la sphère grecque met un homme qui tue un serpent, ou dans la constellation du serpentaire 5. La grue, par son retour, annonce l'automne. Peut-être est-ce là l'origine de sa consécration dans cette partie du ciel à laquelle se trouve le soleil à l'entrée de l'automne?

Le respect que les anciens Egyptiens avaient pour l'ibis s'est perpétué jusqu'à nos jours en Egypte. Les Turcs ne permettent pas encore aujour

1 Hor-Apoll., 1. 1, c. 34. 2 Anton. Lib., fab. 28; Ovid. Mét., 1. 5, v. 33; Hyg., 1. 2, c. 18.5 Martian. Capell. de Nupt. Phil., I. 2, c. 2.— 4 Cicer. de nat. Deor, l. 1, c. 36, 1. 3, c. 1g. 5 Bayer, tab. 13; Riccioli, p. 126.6 Oppian. Alient., 1. 1, v. 630.

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