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Dieux eux-mêmes favorables. Car de même que ceux qui révèrent et honorent les statues des princes captent par-là leur bienveillance et leur faveur, quoique cet hommage n'ajoute rien au bonheur des princes; de même le culte que l'on rend aux simulacres des Dieux, qui, par leur nature, n'ont aucun besoin, ne laisse pas de procurer à celui qui le rend la faveur et la protection de ces mêmes. Dieux 1. C'est la marque d'une ame vraiment religieuse de rendre avec empressement, à la divinité tout l'honneur qui dépend de nous... Quoique Dieu n'ait besoin de rien, il ne s'ensuit pas pour cela que l'homme ne doive rien lui offrir. Car s'il n'a pas même besoin de l'hommage qu'on lui rend dans les chants et dans les hymnes, s'ensuit-il qu'on doive aussi l'en priver? Il ne faut donc pas lui refuser non plus celui que les hommes lui rendent dans les ouvrages de leurs mains, et retrancher un culte établi, non pas depuis trois mille ans seulement, mais de toute antiquité chez tous les peuples du monde. >>

Le même empereur poursuit et répond victorieusement aux mauvaises objections de ceux qui les accusent d'adorer les pierres et du bois : « Nous ne sommes pas assez aveugles pour regarder comme des Dieux les ouvrages de nos mains 2. En jetant les yeux sur les statues des Dieux, nous ne les envisageons donc point, ni comme du bois ou de la pierre simplement, ni d'un autre côté comme

1 Jul. imp. Fragm., p. 539.2 Ibid.

LIVRE IV, CHAPITRE III.

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de véritables Dieux. En effet, nous ne regardons pas les statues des princes comme de simples morceaux de bois, comme de simples masses de pierres ou de bronze; nous ne les regardons pas non plus comme nos rois ou nos princes, mais bien comme leurs effigies, leurs images. Quiconque donc aime son prince, voit avec plaisir sa ressemblance; le père qui aime son fils, le fils qui aime son père, considèrent avec satisfaction tout ce qui leur en retrace l'image. Par la même raison, celui qui aime les Dieux contemple avec plaisir leur image et leur ressemblance, révérant avec une religieuse frayeur les Dieux invisibles qui ont les yeux fixés alors sur lui.

« Ces statues, formées de la main de l'homme, peuvent être détruites; mais celles que les Dieux ont formées, comme des images vivantes de leur substance invisible, c'est-à-dire ces corps célestes qui roulent sur nos têtes, sont des images incorruptibles et éternelles de la divinité 1.

« Au reste, non-seulement les statues des Dieux, mais leurs temples, leurs autels, leurs prêtres même méritent nos respects. »

On voit par ce passage de ce savant empereur que les images consacrées dans les temples ne furent point honorées comme de vrais Dieux, mais comme des ressemblances des Dieux, accommodées à la faiblesse de l'homme; qu'au-dessus de ces images formées par la main de l'homme et mor

1 Jul. imp., p. 540.

TOME V.

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telles comme lui, on doit en imaginer d'autres éternelles, incorruptibles, vraies images de la divinité, immortelles comme elle, ouvrages de Dieu même : ce sont les Dieux de l'Olympe ou les corps lumineux placés sous la voûte céleste, et qui circulent éternellement avec le monde, c'est-à-dire, le soleil, la lune, les planètes, les signes et toutes les constellations, dont les statues élevées dans les temples ne sont que la représentation, comme les corps célestes eux-mêmes ne sont que les corps visibles des intelligences invisibles qui y résident ou les images des Dieux intellectuels qui forment au-dessus du monde visible un ordre de Dieux, parfaitement semblable et correspondant à ceux du monde visible comme nous l'avons prouvé par l'exposé de la doctrine de ce même empereur.

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Athanase convient que ce qu'il y avait de savant chez les païens répondait aux reproches de ceux qui les accusaient d'adorer des animaux, des idoles de bois, de pierres et de métal, etc., en leur disant que tout ce culte était symbolique, et qu'il se rapportait au soleil, à la lune, aux astres, à la terre et aux élémens, auxquels il était impossible de refuser un principe de vie éternelle, intelligente et divine. L'examen qu'il fait d'autres réponses, par lesquelles on justifiait ce culte, nous annonce que les uns cherchaient l'origine de consécration des idoles dans leurs formes mêmes qui les rendaient propres à y attirer la divinité; que d'autres préten

1 Athanase. Contr. Gent., p. 28. 2 Lhid., p. 22.

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daient qu'elles étaient destinées à recevoir seulement les intelligences secondaires, ministres des volontés de la divinité; que d'autres enfin n'y voyaient que des caractères de l'Ecriture sacrée et des miroirs de la divinité. Cette dernière opinion est la véritable, mais n'exclut pas les deux autres qui en résultèrent, comme une conséquence du système des influences et de la marche progressive de l'ame divine dans toutes les parties de la Nature. Plotin pense que les anciens sages, voulant rapprocher de l'homme la divinité, établirent des sacrifices, et fabriquèrent des statues; qu'ayant étudié la nature de l'ame universelle, ils avaient remarqué qu'on pouvait aisément en diriger l'action, et la captiver, en quelque sorte, dans la matière travaillée d'une manière convenable à ce que cette ame pût agir sur elle, et lui communiquer une partie d'elle-même; que les formes imitatives étaient le plus sûr moyen de l'enchaîner; que c'était comme le miroir lorsqu'il est assez poli pour fixer en lui quelque image. Car la Nature a tout fabriqué avec un art admirable, de manière à rendre sensibles par l'imitation, les germes et les raisons séminales des choses qu'elle renferme en elle.

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Marcilius Ficin, son commentateur, développant cette théorie nous dit dit que celui qui priait une étoile, dans une disposition requise pour cela, recueillait les esprits de vie disséminés avec les

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1 Plotin. Ennead. 4, 1. 3,c. II. - 2 Marsil. Fic. Comm. Ennead.. 1. 4, c. 40, 42, 43.

rayons de l'étoile; que de même que toutes les étoiles fixes sont liées au firmament, de même leur vie l'est à l'ame universelle du monde, à laquelle la nôtre est liée. Il parle de l'art par lequel les mages se flattaient de diriger cette action céleste, et d'entretenir cette correspondance entre le ciel et la terre par certains sacrifices et certaines prières. Il cite Abulmasar et les autres astrologues qui avaient déterminé telle ou telle position céleste sous laquelle les prières et les sacrifices acquéraient leur plus grand effet. Nous ne le suivrons pas dans les détails qui appartiennent à l'astrologie et à la magie, et qui ne tiennent qu'accessoirement à la confection des images et des statues; nous ajouterons seulement que l'on sera étonné de voir Augustin lui-même croire à ces évocations magiques', en parlant de la fameuse lampe du temple de Vénus, qui brûlait éternellement, sans avoir besoin de nouvel aliment. Il pense qu'il était possible qu'on fit intervenir quelque génie ou démon sous le nom de Vénus, qui ménageât cette illusion', et qui produisit ce phénomène. Car on peut attirer, dit-il, les démons, et les déterminer à venir habiter ici-bas par le moyen de charmes auxquels ils sont sensibles. Il est des prières, des herbes, certains bois, certains animaux, certaines formules magiques qui servent à cet usage.

C'est surtout par le moyen des statues et des images que l'imposture sacerdotale exerçait son

1 De Civit. Dei, 1. 21, c. 6.

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