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que celui dans lequel Derceto s'était précipitée.

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On trouvait à Phare en Achaïe un lac sacré où l'on nourrissait aussi des poissons qu'on ne se permettait jamais de pêcher.

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Quant à l'autel flottant en apparence, on avait soin de le tenir toujours couronné de fleurs, et d'y brûler sans cesse des essences. Plusieurs dévôts, chaque jour, s'y rendent à la nage, dit Lucien, pour y prier et pour y porter des couronnes ; c'est aussi près de ce lac que se célèbrent les plus grandes solennités, sous le nom de descente au lac, parce qu'on y porte les images des Dieux et les objets du culte sacré. A la tête paraît la statue de Junon, et cela pour la conservation des poissons, et dans la crainte que Jupiter ne les voie le premier; car on croit que, si cela arrivait, ils périraient tous. On l'y portait néanmoins avec les autres; mais Junon, qui va en avant, l'écarte et le conjure de se retirer; ce qu'il fait. Les plus grandes fêtes sont celles qui se célèbrent près de la mer, où se tiennent les plus nombreuses assemblées religieuses. Lucien dit que, n'ayant pas fait la route avec les dévots, il ne peut pas en donner tous les détails; il va parler seulement des préparatifs de ceux qui s'y rendent. Chacun des dévots apporte de chez lui un vase plein d'eau et bien cacheté avec de la cire; il n'a pas le droit de le décacheter lui-même pour en ver ser l'eau. Un Galle, qui habite près du lac, est chargé de cette fonction; c'est lui qui reçoit les vases,

Paus. Achaic., p. 228.

2 Lucian., p. 909.

qui vise le cachet, et qui le brise après avoir reçu pour cela une certaine somme; ce qui lui produit beaucoup d'argent. On va ensuite au temple faire des libations, après quoi on s'en retourne.

La plus pompeuse des fêtes qu'on y célèbre est celle qui a lieu à l'entrée du printemps, et qu'on appelle tantôt fête de Bacchus, tantôt fête des lumières 1.

On coupe, pour cette cérémonie, une assez grande quantité d'arbres que l'on rassemble dans l'avant-cour du temple. On amène ensuite des chèvres, des brebis et d'autres animaux vivans. On les suspend aux arbres avec des oiseaux, des étoffes, des dons précieux en or et en argent qu'on y attache. Lorsque le tout est bien arrangé, et qu'on a promené les images des Dieux autour du bûcher, on y met le feu et on brûle le tout. On s'y rend en foule de toutes les parties de la Syrie et des lieux circonvoisins. Chacun apporte avec soi les images et les statues de ses Dieux. A certains jours mårqués, la multitude se réunit dans le temple, les galles et les autres ministres du culte y font des sacrifices, se tailladent le corps et se portent mutuellement des coups au bruit des cymbales, des tambours et des flûtes, tandis que d'autres inspirés entonnent les hymnes sacrés. Tout ceci se passe hors du temple, et les acteurs de ces sortes de scènes n'y entrent point.

C'est aussi dans ces jours-là qu'on fait des Galles,

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1 Lucian, p. 910.

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ou de nouveaux prêtres de la Déesse '. Ici, Lucien entre dans les détails de cette singulière cérémonie dans laquelle l'aspirant finit par se mutiler luimême; puis court nu par la ville, et jette dans quelques-unes des maisons de son passage les dépouilles de sa virilité. Celle qui reçoit son présent lui fournit en revanche des habillemens et une parure de femme. A la suite de la description de la cérémonie de la mutilation des Galles, Lucien parle de leur sépulture. Lorsqu'un galle meurt, ses collè– portent sur leurs épaules hors la ville, y déposent son corps, et jettent des pierres sur le cercueil dans lequel il est enfermé; puis s'en retournent chez eux. Ils sont obligés de laisser s'écouler autant de jours qu'il y a de sphères ou de planètes, c'est-à-dire sept jours, avant de pouvoir entrer dans le temple 2; s'ils le faisaient auparavant, ils se rendraient coupables du crime. S'il leur arrive par hasard de voir un cadavre ce jour-là, il ne leur est pas permis d'entrer au temple; ils n'y peuvent paraître que que le lendemain, et après s'être purifiés. Ils gardent, pendant trente jours, les morts de leur famille, et se rasent la tête. Pendant tout ce temps, l'entrée des temples leur est interdite. Ils sacrifient des boeufs, des vaches, des chèvres, des brebis : mais le porc est une victime proscrite; ils n'en sacrifient point ni n'en mangent. Quelques-uns pensent que cen'est point parce que cet animal est abhorré, mais parce qu'il est sacré. Ils ont le plus

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grand respect pour l'oiseau de Vénus et de Sémiramis, la colombe; ils ne se permettent pas d'y toucher; et si, par hasard, cela leur arrive par inadvertance, ils se regardent comme profanes ce jour-là.

Lucien passe ensuite à d'autres pratiques supers

titieuses que la religion commande à ceux qui se rendent à la ville sacrée ou à Hierapolis. Ils sont tenus de se raser la tête et les sourcils. Après avoir fait le sacrifice d'une brebis, on la coupe en morceaux, et on en mange la chair ', à l'exception des pieds et de la tête. Ces dernières parties sont mises en réserve, et placées sur la tête de celui qui, agenouillé sur la toison de la victime, invoque la divinité, et la prie d'agréer ce sacrifice, en lui en promettant encore de plus grands. La prière achevée, le sacrificateur couronne sa tête, ainsi que celle de tous ceux qui sont venus avec lui. Du moment où il est parti de chez lui, il n'a plus fait d'usage que d'eau froide, soit pour le bain, soit pour son breuvage, et il a dû toujours coucher sur la dure (1). Il ne lui a pas été permis de monter dans un lit jusqu'à ce que son pèlerinage ait été achevé, et qu'il soit de retour chez lui. Arrivé dans la ville sainte, il y est reçu par un hôte public, sans avoir besoin d'en être connu. Il y a beaucoup de ces sortes d'hôtes dans cette ville; les Assyriens les appellent les docteurs. Ils font en partie les fonctions des Ciceroni des Italiens, et sont chargés d'in

1 Lucian, p. 913.

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struire les étrangers qui viennent à Hierapolis. Les sacrifices ne se font pas dans le temple même : mais celui qui veut sacrifier y conduit la victime près l'autel; et, après avoir fait des libations, il la ramène chez lui vivante, l'immole, et adresse sa prière à la divinité. Il est encore une autre manière de sacrifier'. Après avoir couronné la victime, on la précipite du haut des degrés du temple, et elle périt de sa chute. On immole ainsi quelquefois de malheureux esclaves enfermés dans un sac, et on les pousse en disant que ce ne sont point des hommes, mais des boeufs. Ainsi le dévôt masquait ses crimes religieux. Tous ont des marques imprimées, soit aux mains, soit au cou; enfin, tous les Assyriens ont quelques stigmates. Ils ont aussi un usage semblable à celui des Grecs de Trézène, celui de consacrer leurs cheveux à la divinité. Ceux de Trézène prétendent honorer par là Hippolyte; etc'est une loi reçue parmi eux qu'aucun jeune homme, aucune fille ne peut se marier sans avoir auparavant coupé ses cheveux, et les avoir consacrés à ce héros. Il en est de même à peu près à Hiérapolis. Les jeunes gens y consacrent les prémices de leur barbe, et coupent les longs cheveux qu'ils ont laissés croître et qu'ils ont consacrés dès leur naissance. C'est dans le temple même qu'ils les coupent, et qu'ils les déposent dans des vases d'argent et même d'or, sur lesquels sont écrits leurs noms. Lucien finit ce traité en nous disant qu'il avait lui-même satisfait

1 Lucian, p. 914.

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