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cle des poissons du zodiaque, nous dit, d'après le témoignage de Nigidius, que ces poissons, ainsi que le poisson austral, étaient des poissons du fleuve Euphrate; qu'ils avaient trouvé un œuf d'une grosseur prodigieuse, l'avaient roulé sur ses bords, et qu'une colombe s'étant posée dessus l'avait échauffé et en avait fait éclore la Déesse de Syrie ou Vénus. Cette Déesse obtint de Jupiter que les poissons qui avaient contribué à sauver l'œuf d'où elle était sortie, seraient placés aux cieux et brilleraient parmi les signes du zodiaque. De là vient, ajoute cet auteur, qu'aujourd'hui encore les Syriens s'abstiennent de manger de ces sortes de poissons, et qu'ils révèrent les colombes comme douées d'une puissance divine. L'un de ces poissons est boréal, et l'autre austral; ils sont attachés entre eux par un lien. L'épaule droite d'Andromède fait partie du poisson boréal. C'est celui-là que l'on peignait avec une tête d'hirondelle, au rapport de Théon qui raconte à peu près la même histoire, et donne les mêmes raisons du respect des Syriens pour ces poissons. Eratosthène confirme la même tradition sur le service rendu à Derceto, fille de Vénus, par le poisson austral, et sur le culte qu'on lui rendait et aux deux autres poisssons dans toute la Syrie 2, où on les appelait Nunô, nom fort approchant du mot Ninus, que portait l'époux de Sémiramis (c) qui joue un rôle dans cette fable. Voici, en effet, ce que dit à ce sujet Diodore de Si

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↑ Theon ad Arat., p. 131. — 2 Eratosth., c. 38.

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cile Il y a, près de la ville d'Ascalon en Syrie, un lac large et profond, abondant en poisson, et tout à côté un magnifique temple de Derceto, Déesse honorée chez les Syriens (d) par un culte religieux. Son image représente une figure de femme à sa partie supérieure, et l'extrémité du corps se termine en poisson. Diodore nous donne ensuite l'origine de la forme de la Déesse. Elle avait déplu à Vénus qui, pour s'en venger, lui inspira de l'amour pour un jeune homme qu'elle démêla dans la foule des adorateurs qui venaient au temple. Elle en eut une fille. Mais bientôt honteuse de sa faute, elle fit périr son amant, et exposa l'enfant sur des rochers: puis elle se jeta elle-même dans le lac, où elle fut métamorphosée en poisson. De là vient qu'aujourd'hui les Syriens s'abstiennent de manger de ces poissons, et les révèrent comme autant de Dieux. Des colombes nourrirent l'enfant exposé, qui dans la suite fut nommé Sémiramis, nom dérivé de celui de la colombe en Syrien. De là vient aussi le respect des Syriens pour les cotombes.

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Lucien, dans son Traité de la Déesse de Syrie2, s'accorde avec les différens auteurs que nous venons de citer, à reconnaître l'existence du culte rendu aux poissons et aux divinités à forme de poisson dans la Syrie. Il nous parle du fameux temple d'Hierapolis, ou de la ville sacrée, dans lequel était une statue de Derceto, dont il a été question

1 Diod. Sic., 1. 2. c. 4, p. 116. —2 De Deâ Syr,, p. 881, etc.

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dans les passages précédens. Cette Derceto est tout entière à figure et à corps de femme. Mais il dit ' que la Derceto qu'il avait vue en Phénicie était moitié femme et moitié poisson. Il ajoute que les adorateurs de cette dernière regardent les poissons comme sacrés, et s'abstiennent d'en manger; qu'ils respectent également les colombes comme des oiseaux sacrés; et qu'ils en donnent pour raison leur vénération pour Derceto et pour Sémiramis, parce que l'une fut changée' en poisson, et l'autre en colombe (e). Il est évident que cette tradition rapportée par Lucien est la même que celle que nous avons tirée de Diodore de Sicile et des autres auteurs cités avant lui: mais ce qui est particulier à Lucien, et ce qui mérite d'être ici surtout remarqué, c'est ce qu'il ajoute, savoir, que l'on attribuait à Deucalion, ou à l'homme du verseau, qui verse le fleuve que reçoit le poisson austral, la fondation de ce temple. Car on sait que les anciens placaient leur Deucalion dans le signe du verseau 2, comme ils plaçaient dans le signe suivant les poissons sacrés des Syriens. Il y a donc évidemment dans les traditions Syriennes, une liaison frappante entre Deucalion et le culte de Derceto et celui des poissons; et cette liaison est la même que celle qui se

trouve aux cieux entre le verseau et Deucalion et le poisson austral, qui figurent dans l'aventure de Derceto et de Sémiramis, et qui furent placés au nombre des signes, en mémoire de cette aventure,

1 De Deâ Syr.., p. 884.2 Hygin, 1. 2.

J'ajouterai à tout ceci que le signe céleste du poisson est le lieu de l'exaltation de Vénus, comme le taureau sur lequel sont les pleiades est son domicile. Ces circonstances astronomiques jettent encore du jour sur ces fictions sacrées, dont Derceto-poisson et Sémiramis-colombe, Peleias, sont l'objet.

La cérémonie qui se pratiquait deux fois par an dans ce même temple semble avoir une grande analogie avec la nature du signe dans lequel on plaçait Deucalion et le poisson austral, ou avec la nature du verseau '. On venait de toutes les parties de la Syrie, de l'Arabie, et des pays situés au-delà de l'Euphrate, en cérémonie à ce temple pour y verser de l'eau qu'on allait puiser à la mer. On arrosait d'abord le temple; puis on en versait dans un petit trou qui était au milieu, et par lequel on supposait que s'étaient écoulées les eaux du déluge2. Cette cérémonie avait, dit-on, été instituée par Deucalion lui-même, comme une commémoration de ce fameux événement. Mais d'autres traditions portaient que ce temple était un des monumens du règne de Sémiramis, qui l'avait consacré à sa mère Derceto, ou à la Déesse adorée à Joppé, au lieu même où s'était, dit-on, passée l'aventure d'Andromède placée sur les poissons, et dont on montrait encore les chaînes à Joppé 5. Ainsi, Joppé, Ascalon, Azoth, et toutes les villes les plus célèbres de Syrie et de Phénicie, adoraient les poissons, ou des

1 Lucian de Deâ Syr., p. 884. 2 Ibid. 883. 1. 16. p. 566.

3 Strab,

que

images dont le corps était celui d'un poisson, surmonté d'une tête d'homme ou de femme, sous les noms de Dagon et de Derceto. Il résulte également de ce que nous avons dit que le ciel retraçait les objets de ce culte dont les images des temples n'étaient qu'une copie, et que la partie du ciel où on les trouvait était dans le signe du verseau où est le poisson austral, et dans celui qui le suit, et que l'on appelle les poissons. Il résulte encore de là ce fut par une suite du culte que l'on rendit aux poissons célestes que l'on s'abstenait de manger du poisson en Syrie, et que des images de poisson, soit dorées, soit argentées, furent regardées comme autant de talismans soumis à l'influence de ces poissons-constellations; ce qui s'accorde parfaitement avec ce que dit Lucien sur l'origine du culte des animaux en Egypte, et en particulier sur celui des poissons, qu'il prétend être une suite du culte rendu aux constellations que les animaux ou les images d'animaux retraçaient. Ceux qui sont soumis à l'aspect du bélier, dit cet auteur 1, révèrent le bélier; ceux qui ont choisi le signe des poissons s'abstiennent de manger du poisson; c'est précisément ce qu'on faisait en Syrie, et cela, comme nous l'avons vu, en honneur des poissons placés au ciel, et dont les images étaient consacrées dans les temples de Syrie.

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D'après toutes ces considérations, on peut conclure avec beaucoup de vraisemblance que le fa

! Lucian de Astrol., p. 986.

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