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ce que la raison est en l'homme, et que le Saint-Esprit n'est qu'une vertu divine ou la force avec laquelle la Divinité agit, idée qui conduit droit au Sabellianisme, etc.>>

Denys Petau, dans son grand ouvrage des Dogmes théologiques, est du même avis, et à tel point qu'on l'a vivement attaqué, comme s'il avait eu le dessein de prouver que l'antiquité était favorable à l'Arianisme (Bull. Def. Fid. Nic. p. 4). Voici les paroles de Petau: «< Plusieurs anciens que nous citons comme s'ils avaient partagé nos croyances, ont écrit bien différemment sur quelques dogmes, et en particulier sur celui de la Trinité. Les uns, d'accord sur le dogme lui-même, diffèrent sur les conséquences, comme Justin martyr, Athénagore et Théophile d'Antioche. Les autres varient dans leur manière de s'exprimer, tels qu'Irénée, Clément d'Alexandrie, Grégoire de Néocésarée et Méthodius. Ajoutez à ce catalogue les hérétiques bien connus, Tertullien et Origène, sans rien dire de Lactance, qui est plus élégant qu'exact. Telle est mon opinion sur ces Pères de l'Église dont on invoque si souvent l'autorité. Quoiqu'il y ait dans leurs ouvrages des choses relatives à ce mystère, dont il est bon de se préserver, ils ont dit aussi de bonnes choses très-conformes à la foi catholique. Cependant les hérétiques, qui sont nombreux, conservent encore quelque chose de la foi commune et de la vérité de la tradition. Ils reconnaissent un seul Dieu, que les Chrétiens adorent; et dans ce seul Dieu, trois êtres en nombre, distincts

par le degré de leur origine, et pas plus de trois. Plusieurs de ceux qui admettent les noms de Père et de Fils, leur donnent un sens plus particulier et plus fort, que lorsqu'on appelle père d'un ouvrage celui qui l'a fait. Il en est enfin quelques-uns qui avouent que le Père et le Fils ont une même substance et une même divinité. »

« Les chefs de l'Église et la plupart des Pères antérieurs à Nicée ont pensé à-peu-près comme Arius.» (Bull. Def. Fid. Nic. p. 4.)

L'évêque Georges Bull, qui non-seulement suspecte Petau d'être partisan d'Arius, mais qui l'accuse d'avoir été ennemi de la vérité et d'avoir insulté les Pères, fait lui-même des concessions dont il est utile de prendre acte. (Def. Fid. Nic.)

Il représente comme unanime et indubitable l'opinion des Pères des trois premiers siècles, sur ce que l'existence en soi appartient exclusivement à Dieu le Père, et il souscrit à leur opinion. Il dit (chapitre 1, section 4) : « L'expression de [1] Dieu par lui-même, donnée au Fils, est en opposition avec le concile de Nicée et l'opinion de tous les docteurs. Nous avouons volontiers que le Père seul est le Dieu suprême, Dieu par lui-même, et que c'est de lui que le Fils et le Saint-Esprit ont reçu leur divinité. Le grand Athanase, qui a mieux compris que personne le sens et l'esprit du synode de Nicée, accorde que le Père mérite le nom de seul Dieu, en

[1] Αυτοθεος .

tant que seul il n'a pas été engendré et qu'il est seul la source de la Divinité. » [1]

L'expression Dieu de Dieu signifie que la divinité du Fils lui a été communiquée et qu'elle est subordonnée. Les docteurs catholiques, avant et après le concile de Nicée, ont établi unanimement que Dieu le Père, même selon la Divinité, est plus grand que le Fils. » (Bull. Def. Fid. Nic. p. 54, 254, SI, 4.)

Écoutons Doederlein dans son Cours de Théologie: « On ne peut douter que d'anciens Pères n'aient donné au Fils le nom de Dieu. Il est fort incertain qu'ils l'aient reconnu comme participant à la nature divine et égal au Dieu suprême, ou qu'ils aient cru la majesté divine de l'Esprit saint. Les Pères de Nicée décrétèrent que le Fils était absolument égal au Père, sans aucune différence, quoique presque tous les anciens eussent enseigné son infériorité. Plus tard la corruption de la formule, généralement admise sur la procession du Saint-Esprit, donna naissance au schisme entre les Grecs et les Latins. >>

Voici les paroles du professeur Schott dans son Abrégé de dogmatique : « On distingue quatre périodes principales dans cette histoire : la première embrasse les trois premiers siècles depuis la naissance du Christ au concile de Nicée. Les Chrétiens orthodoxes professaient bien Dieu Père, le Fils et le Saint-Esprit; mais la lecture des plus anciens Pères

[1] Οτι μόνος αγεννητος και μονος πηγης θεότητος.

de l'Église nous enseigne qu'on ne s'enquérait point subtilement de la relation interne de Dieu le Père, du Fils et du Saint-Esprit, et qu'ils n'étaient pas complètement d'accord entre eux sur ce qu'ils disaient du Fils de Dieu, du logos et de l'Esprit. La plupart des plus anciens docteurs de l'Église entendirent par le mot logos une certaine puissance, ou une vertu divine, qui, au moment de la création du monde, serait sortie de Dieu, ou aurait été engendrée. Il n'était pas rare qu'ils entendissent par l'Esprit une certaine force issue de Dieu et du logos. Cependant, il y en eut qui, déjà avant Origène, attribuèrent la personnalité au logos et à l'Esprit. » Il serait facile d'ajouter d'autres témoignages du même genre; ceux-ci peuvent suffire.

Voilà donc des docteurs Trinitaires qui assurent que non-seulement le dogme de la Trinité n'était pas fondamental dans la primitive Église, mais que plusieurs le niaient, que plusieurs l'expliquaient d'une manière très-différente du concile de Nicée, d'Athanase, de Calvin, etc. Cette conclusion nous suffit pour la thèse que nous établissons dans la première partie de notre essai.

Nous passons maintenant à l'histoire de la composition du système de la Trinité.

S IV. Histoire de la composition du Système.

C'est en vain que l'on voudrait prouver que le système de la Trinité remonte au premier âge de

l'Église chrétienne : j'en ai dit assez déjà pour établir que c'est un édifice humain que l'on a construit successivement, étage par étage, et qu'on a imposé plus tard comme si c'était l'œuvre de Jésus et des Apôtres. L'historique qui va suivre mettra ma thèse hors de doute.

Plusieurs docteurs, et James Kidd en particulier, ont écrit dans le dessein de prouver que la Trinité se retrouvait, comme tradition, chez tous les peuples de l'Orient, de l'Occident et du Sud; je ne les suivrai pas dans leurs développements, et je me borne à dire : Il est bien étrange que si les peuples laissés à leur propre faiblesse, sans révélation d'en-haut, ont tous conservé quelque idée de la Trinité, comme le dépôt d'une vérité fondamentale et bien précieuse, les Juifs aidés du ciel, éclairés par une longue suite de Prophètes, tenus de ne pas se taire sur un point que l'on fait aussi important, non-seulement n'en aient pas eu connaissance, mais qu'ils aient professé avec ardeur l'unité de Dieu. Voilà une circonstance qui mérite d'être pesée par ceux qui tiennent à nous montrer leur dogme comme conservé soigneusement chez tous les peuples. Je sais qu'ils nous disent qu'on le trouve en germe dans la Genèse, dans plusieurs autres livres de l'Ancien Testament, et que les Juifs ne l'ont pas ignoré. Meyer, Knorr, dans leurs œuvres, le docteur Allix, dans un livre intitulé Jugement de l'ancienne Église judaïque, ont voulu soutenir que les anciens Juifs avaient connu les bases du dogme de la Trinité, qu'ils avaient su que le Verbe

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