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dent que la justification par la foi n'entraîne point le relâchement des mœurs et le dédain des bonnes œuil ne peut immédiatement après vouloir dire que ceux que l'on honore comme des saints sont esclaves du péché; car alors car alors que deviendrait l'argumentation de l'Apôtre, et où serait l'influence de la foi en Jésus-Christ sur le cœur? Saint Paul, après s'être demandé si ceux qui étaient sous la grâce devaient pécher, ne peut vouloir prouver en réponse que les meilleurs sont vendus au péché, mais que l'Évangile opère ce que la loi n'avait pu faire, et qu'il sanctifie l'homme. C'est là ce qu'il veut établir dans ce chapitre. Il distingue l'état de corruption de celui qui était sous la loi, de l'état de sainteté de ceux qui croient en Jésus-Christ, non que la loi fût la cause du péché, mais l'homme qui est sous la loi est dans un état funeste et malheureux auprès de celui qui est vraiment chrétien : l'Apôtre parle à la première personne, c'est une forme qui répond mieux à la vivacité de son esprit et de son caractère : Je vivais autrefois que j'étais sans loi; je suis charnel, vendu au péché. Il dit : J'étais sans loi, lors même qu'il avait eu toujours une loi; et je suis vendu au péché, lors même qu'il nous dit, quand c'est de lui qu'il parle : Je matte mon corps et je le réduis en servitude, de peur d'étre rejeté; 1 Cor., IX, 27. Nous qui sommes morts au péché, comment virions-nous dans le péché? Rom., vi, 2. Mettez-vous bien dans l'esprit que vous êtes morts au péché, mais que vous vivez en Dieu par Jésus-Christ; v. 11. Si l'on voulait

s'en tenir à des phrases détachées et ne pas considérer ces enseignements dans leur intégrité, on ferait dire à l'Apôtre non-seulement les choses les plus déraisonnables, mais les plus contradictoires.

Le même saint Paul dit (Eph., 11, 3) : Nous étions naturellement des enfants de colère. Voilà, dit-on, l'un des effets de la dépravation. Voyons le sens de cette phrase; expliquons et développons l'Écriture par elle-même. L'Apôtre dit ailleurs que la colère de Dieu s'est manifestée du ciel contre la malice et la méchanceté des hommes. L'histoire profane et sacrée nous enseigne que le monde était dans une horrible corruption avant l'arrivée du Fils de Dieu; saint Paul, dans le premier chapitre aux Romains, nous en fait une peinture effrayante. Lorsqu'il écrit aux Éphésiens qui avaient été Païens, il disserte sur les heureux effets de la doctrine chrétienne, et il mesure la distance qui les sépare de leur état antérieur. Autrefois vous étiez morts dans vos péchés et dans vos fautes, dans lesquelles vous marchiez alors suivant les maximes de ce monde et celles du prince des puissances de l'air, qui est l'esprit qui agit maintenant dans les rebelles, du nombre desquels nous avons tous été autrefois, lorsque nous vivions selon les inclinations de notre chair, nous abandonnant à ses volontés et à ses pensées; et ainsi nous étions naturellement des enfants de colère comme les autres.

Cette expression naturellement a divers sens suivant le sujet dont il s'agit; tantôt elle indique la coutume, tantôt une forte inclination, tantôt des lois

particulières dans le monde physique, intellectuel ou moral; tantôt le caractère qui distingue une classe d'une autre, ou un individu d'une classe. Or, ici le contexte fait appliquer l'expression «naturellement >> à l'état dans lequel étaient les Éphésiens, de même que le monde Chrétien, avant leur conversion à Christ, et l'Apôtre indique pour cause de ce qu'ils avaient été enfants de colère, non pas la chute d'Adam, non la faute originelle découlant de la première faute, mais leurs transgressions; vous marchiez alors suivant les maximes de ce monde, du nombre desquels nous avons tous été, lorsque nous marchions suivant les inclinations de notre chair. D'Adam et de sa faute pas le moindre vestige.

Si Jésus avait voulu enseigner la doctrine du péché originel, les Apôtres lui en avaient fourni, entre autres, une belle occasion, lors de la guérison de l'aveugle-né, que saint Jean raconte dans le chapitre Ix de son Évangile. Ses disciples lui demandèrent, à la vue d'un homme aveugle dès sa naissance: Maître, est-ce le péché de cet homme, ou le péché de ceux qui l'ont mis au monde, qui est cause qu'il est né aveugle? Quel moment pour enseigner que tous nos maux avaient puisé leur source dans la rébellion du premier homme en Éden, et que les infortunés qui vivaient encore en supportaient le poids!

Quelle est la réponse du Sauveur? Ce n'est point qu'il ait péché, ni ceux qui l'ont mis au monde, mais c'est afin que les œuvres de Dieu paraissent en lui! Il est impossible de dire plus nettement qu'il n'exis

tait aucun lien entre la cécité de cet homme et le péché. Questionnez, sur le même sujet, les Calvinistes et leurs adhérents, et vous verrez la différence. Qui a raison et qui faut-il croire d'eux ou de Jésus-Christ? Il est triste d'avoir à faire une semblable question, et bien plus triste encore de voir qu'elle puisse être décidée contradictoirement.

L'autorité de l'Écriture Sainte manque donc à la doctrine que je combats; voyons si elle peut se vanter au moins de celle de la raison et du bon sens. Cet examen nous conduira à la même conclusion, c'est que la nature de l'homme n'a point été dépravée par la faute d'Adam; et ici je vais répondre en même temps aux Orthodoxes mitigés, qui n'admettent ni la culpabilité ni l'imputation, mais qui pensent qu'Adam avait été doué de facultés supérieures aux nôtres, et qu'après sa chute il a transmis à ses enfants une nature dégénérée.

Si notre nature est dégénérée, cela provient de l'une de ces trois causes: Ou Dieu, par un effet de son pouvoir, a introduit un changement miraculeux et soudain dans la constitution de l'homme; ou un esprit méchant a souillé les germes de notre existence; ou c'est une cause physique qui a opéré cette dégénération. Je ne sache pas qu'il y ait d'autres causes assignables.

On abandonne la première hypothèse, et l'on n'envisage les conséquences de la rébellion de l'homme que comme un châtiment de l'abus qu'il a fait de sa liberté; on sent que soutenir une opinion

contraire, ce serait faire Dieu auteur du mal et du péché.

On accorde à Satan le pouvoir de séduire; les Cal- * vinistes enseignent que cet esprit méchant, jaloux du bonheur des habitants de la terre, résolut de combattre les desseins bienveillants du Créateur; que pour cela il employa la ruse, il pervertit le jugement, il enflamma les passions, il triompha de la volonté d'Adam et d'Ève, parce qu'il savait bien que la suite naturelle et nécessaire de leur désobéissance serait leur ruine et celle de leur postérité.

Il reste donc à expliquer ce phénomène par des causes physiques.

Les défenseurs de la dépravation héréditaire disent que le péché d'Adam et d'Ève a changé et altéré leur nature, de sorte qu'ils n'ont pas créé des êtres parfaits et heureux, comme ils l'auraient fait, s'ils eussent obéi à la volonté divine, et qu'ils ont communiqué réellement à leur race le penchant à commettre des fautes. [1]

Entendons-nous. On attribue la dépravation humaine au péché d'Adam et d'Eve, qui mangèrent le fruit défendu; que l'on considère le récit de la Genèse comme allégorique ou qu'on le prenne à la lettre, il est sûr que la faute consiste dans la désobéissance à un ordre de Dieu. La désobéissance se

[1] J'ai de grandes obligations, pour cet article, à un ouvrage intitulé Doctrine de la Dépravation héréditaire, par un laïque.

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