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quent, ils commentent, ils développent un système, ils s'attachent à montrer que ce système est appuyé sur l'enseignement de Jésus-Christ ou des Apôtres; ils raisonnent en un mot; et la différence qu'il y a entre eux et nous, c'est que tout en admettant beaucoup de vérités en commun avec nous, ils posent quelques principes différents des nôtres, et ils arrivent à quelques conséquences opposées; puis, quand pressés par notre dialectique, ils ont de la peine à échapper, eux Réformés, au reproche d'inconséquence que nous intentons contre eux, ils prononcent avec emphase le mot foi, comme si ce mot nous interdisait l'usage de la raison, comme si cette faculté n'était pas un instrument nécessaire pour discerner ce que l'autorité nous prescrit, et ce qu'une croyance éclairée peut et doit accepter. Si j'ai peint la foi et la raison ce qu'elles sont et ce qu'elles doivent être, il est clair que loin de rejeter l'emploi de la raison, la foi le réclame et l'utilise.

Je conclus donc qu'il faut comprendre le sens des livres saints, et constater qu'ils n'enseignent rien qui soit indigne de la sagesse, de la justice et de la bonté de Dieu, pour éviter d'admettre de vaines imaginations ou des erreurs pour des vérités révélées: mais pour cela l'usage de la raison et du bon sens est rigoureusement nécessaire.

§ II. Objections et Réponses.

La thèse que je viens de poser « on doit consulter sa raison en matière de foi » a été défendue, et

l'est encore par les supernaturalistes les plus savants et les plus pieux de l'Allemagne et de l'Angleterre; ils se gardent bien de penser qu'il faille condamner au silence et à l'inaction les facultés humaines en matière de religion [1]. Cela n'empêche pas qu'il ne s'élève encore de nombreux contradicteurs.

L'un des grands principes que l'on oppose à notre thèse c'est la soumission à l'autorité; l'Église romaine nous oppose les décisions de l'Église, les conciles, la tradition; les Catholico-Protestants, les Méthodistes de nos jours s'appuient sur l'inspiration individuelle, sur les confessions de foi et sur les explications que tel ou tel docteur, dans lequel ils ont mis leur confiance, a faites de la Bible.

Examinons rapidement ce que valent ces prétentions diverses; on verra que les objections attaquent le principe lui-même ou son application, je veux dire les conséquences fàcheuses dont on craint qu'il ne soit la cause.

Nos premiers adversaires sont les CatholiquesRomains. Leur organe est maintenant M. l'abbé de la Mennais dont on aimerait voir les talents admirables consacrés à une meilleure cause: pour soutenir sa thèse et celle de son parti, M. de la Mennais pose en principe, que sauf l'autorité, tous les moyens par lesquels l'homme aspire à connaître la vérité sont autant de sources d'erreurs ; il abat, il renverse tout ce qui l'entoure avant que d'élever son édifice;

[1] Voy. l'opinion de Bretschneider, de Reinhard, de Storr, etc. Religion et Christianisme, mars 1831.

c'est par des raisonnements qu'il essaie de combattre la raison, de prouver que l'autorité est la seule base de nos croyances, et que et que la foi n'est que la soumission au corps dépositaire de cette autorité.

Selon lui, les sens nous abusent, ils nous nourrissent d'imposture et d'illusions: si l'on modifie l'un par l'autre leurs rapports divers, on ne sait si, au lieu d'une vérité, ce n'est point une erreur commune; peut-être que si nous avions un sixième sens, il troublerait cet accord prétendu par un témoignage contraire; savons-nous s'il existe un rapport nécessaire entre nos sensations et la réalité des choses, et quand il existerait, comment nos sens nous l'apprendraient-ils ? Nous ne savons pas ce c'est que que sentir, et nous ne sommes pas certains de sentir; ce qui est le moins douteux, c'est que les sensations, si nous en avons, sont en nous et qu'elles y sont souvent sans cause externe assignable; nous ne pouvons pas nous assurer par nos sens de l'existence des objets extérieurs, [1] de notre corps, de nos sens sur lesquels reposent nos connaissances. Bien plus, l'homme n'est pas même certain de son être.

La raison tombe à chaque instant dans l'erreur; quand on la fait juge de la vérité, elle n'admet que ce qu'elle conçoit, et la vérité change pour chaque individu selon sa portée et sa capacité. Pendant les siècles du Paganisme, la raison n'a pas repoussé une erreur; elle a combattu les vérités traditionnelles; on

[] La Mennais, Indifférence en matière de religion, tom. 11, pag. 120 et suiv.

lui doit la doctrine du néant, l'impiété et ses affreux systèmes; elle n'a su que douter et détruire; elle s'éteint dans un scepticisme absolu. Cicéron luimême a reconnu qu'il n'était rien de si absurde qui n'eût été avancé et soutenu par quelque philosophe.

Les sciences exactes ne tiennent pas dans cet abatis général, et ne peuvent trouver grâce aux yeux de l'auteur; il s'irrite contre ce nom d'exactes dont elles se parent; la géométrie repose comme toutes les autres sciences sur le consentement commun; elle ne subsiste qu'au moyen de la convention d'admettre quelques bases nécessaires, et on la détruirait complètement si on la forçait à prouver les axiomes et les théorèmes sur lesquels on la fonde.

Il n'y a que l'autorité qui puisse faire connaître aux hommes la vérité et la religion véritable; nonseulement l'homme ne peut connaître son existence que par l'autorité, mais Dieu lui-même est dans ce cas, ce n'est que par une semblable révélation qu'il se connait lui-même (tom. II, p. 97); or l'autorité est la raison générale manifestée par le témoignage, c'est-à-dire par une autorité hors de nous. Tous les hommes doivent parvenir à connaître la vraie religion, il faut pouvoir la discerner; il n'y a que l'autorité qui en donne les moyens; toute raison individuelle est faillible, parce qu'elle est finie; elle ne peut avoir que des opinions; il n'y a de certain que ce qui est de foi, et la seule foi certaine est celle qui repose selon le genre de vérité qui en est l'objet, sur le témoignage, sur la plus grande autorité ou sur la rai

son la plus générale; le témoignage n'existe que dans la société. L'homme a des rapports relatifs au temps et à l'éternité; il y a donc deux sociétés, une politique et une spirituelle; la société spirituelle atteste les vérités immuables; et son témoignage est certain, puisqu'il est l'expression de la raison générale. Avant Jésus-Christ, il existait une société spirituelle et visible qui conservait le dépôt des vérités primitives; elle reposait sur le témoignage du genre humain manifestation de la raison générale. Depuis Jésus, cette société, de domestique qu'elle était, est devenue publique; elle est la plus grandė autorité, puisque son témoignage pour les anciennes traditions se confond avec celui du genre humain, et sur le reste, c'est le témoignage de Dieu. Parmi les diverses communions chrétiennes, le caractère essentiel de la plus grande autorité réside dans l'Église catholique; c'est cette société visible et spirituelle en qui seule se trouvent les marques de la vraie religion; elle seule l'a conservée par un enseignement invariable. Ainsi, l'autorité conduit au Catholicisme, comme la négation de ce principe conduit au scepticisme absolu. Tel est ce système auquel se rattachent encore de nos jours des hommes distingués.

Lors même que M. de la Mennais décrète qu'on ne pourra rien répondre aux preuves sur lesquelles il a établi ce qu'il appelle la vérité, nous nous bornerons à dire, en face de cette extraordinaire logique, qu'il est plus d'un moyen donné à l'homme pour parvenir à la connaissance de la vérité ; si les

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