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à mesure qu'ils se jugent éclairés et convaincus. On nous répond: «Il ne s'agit pas pour avoir la foi et pour être sauvé de croire exactement comme tel ou tel docteur; il y a quelques articles, il y en avait cinq il y a six ans, aujourd'hui il n'y en a plus guère que quatre, qui sont plus importants que les autres; ce sont ces articles, bases de la foi, qu'il faut admettre sous peine d'être hors du salut et des promesses. » Je remarque d'abord que l'on n'a jamais pu s'entendre sur ces articles réputés fondamentaux. Locke a prouvé dans son Christianisme raisonnable,

que le seul article qui méritât le nom de fondamental dans le Christianisme, était que Jésus a été le Messie promis par les prophètes; on a voulu combattre son ouvrage, mais on n'a pu le réfuter. J. A. Turrettini a montré aussi dans son Traité sur les articles fondamentaux, que nul n'avait le droit de fixer pour les autres ce que lui jugeait être fondamental, que chacun savait et devait faire ce travail pour soi, mais qu'il ne pouvait imposer à d'autres les résultats de ses recherches. Mais ensuite je prie que l'on se rappelle les principes que j'ai posés plus haut. Si l'Ecriture Sainte est la seule règle de notre foi, si les vérités importantes doivent y être clairement contenues, de manière à ne pas échapper aux plus simples, les quatre ou cinq doctrines dont on parle, seront généralement admises aussi bien que l'immortalité de l'ame, la mission céleste de Jésus, et la résurrection des morts; si vous trouvez, au contraire, bon nombre de Chrétiens qui les nient, c'est

une preuve qu'elles sont obscures, et qu'elles ne sont pas comme on veut le dire, les bases de la foi. Autrement, que deviendraient les artisans, les gens sans études, ceux qui se bornent sur des sujets pareils, à répéter des phrases qu'ils ne comprennent pas? Pour croire une doctrine, il faut y ajouter un sens; et celles que l'on déclare indispensables, sont tellement obscures, tellement enveloppées de locutions abstraites, que, pour en avoir une idée tant soit peu précise, il faut avoir étudié la théologie scolastique et des termes scientifiques, travail qui est évidemment au-dessus de la portée de la multitude; et cependant pour être sauvée, elle devrait dans l'hypothèse croire ces articles de foi, base de la doctrine, mais croire et ne pas se borner à répéter des mots. Je conclus, fondé sur la sagesse de Dieu et sur le simple bon sens, que ces articles difficiles à entendre et de tout temps contestés, sont plus nécessaires au crédit du théologien, qui ne veut point que l'on puisse se passer de lui, qu'ils ne le sont au salut, et que ceux qui ne les voient pas enseignés dans l'Écriture ne doivent pas y ajouter foi. Je passe aux applications et aux exemples.

SIV. Applications et exemples. Inconséquences et aberrations qui résultent de l'exclusion de la raison en matière de foi.

Les Méthodistes déclament contre la raison, et ne veulent pas que chaque Chrétien puisse consulter la sienne dans les matières de foi; cependant ils ne la condamnent pas d'une manière absolue, et il y

a des limites à leur interdiction. Cela est si vrai que, malgré les principes qu'ils posent, ils expliquent plusieurs passages des livres saints, qu'il est impossible de prendre à la lettre, et ils le font sans scrupule quand ces passages ne se rapportent point à leurs systèmes et à leurs dogmes de prédilection. Demandez leur comment et pourquoi ils expliquent les paroles sacramentelles de la Cène : Ceci est mon corps? vous verrez avec quelle force d'arguments ils légitimeront leur glose. Mais alors il ne faudrait pas abandonner cette méthode, sans autre motif que celui de conserver à tout prix des opinions favorites; il ne faudrait pas dire dans d'autres circonstances: «N'écoutez pas votre raison, et croyez tout ce que je crois; » c'est ébranler la Réformation jusque dans ses bases.

Nous pouvons nous vanter de posséder à Genève les plus ardents agitateurs qui se démènent à présent pour renforcer les rangs des Méthodistes; eh bien! demandez-leurs'ils n'interprètent pas, c'està-dire, s'ils ne recourent pas au bon sens pour expliquer les passages que je vais énumérer, et qu'il n'est pas possible de prendre à la lettre, à moins de prouver sur plusieurs points une grande ignorance ou de faire dire à la Révélation des choses dangereuses ou inexécutables.

Le premier chapitre de la Genèse raconte que notre globe a été organisé en six jours. Or le mot jour, dans son sens habituel, embrasse un espace de temps de douze ou de vingt-quatre heures. Si vous pré

tendez que notre terre a été desséchée et rendue habitable en six jours de douze ou de vingt-quatre heures, vous n'aboutissez qu'à faire savoir que vous ne vous êtes jamais occupés de géologie. Le mot hébreu i que l'on a traduit par jour, signifie encore une saison, l'année entière, une époque plus ou moins longue, et en y réfléchissant vous conclurez, conformément à la langue et aux faits, que le mot traduit par jour signifie une époque quelconque dans le premier chapitre de la Genèse ; ce qui signifie que vous ferez usage de votre raison pour déterminer quel est entre les sens du mot hébreu

, celui que vous devez choisir dans la circons

tance dont il s'agit ici.

On sait, en effet que, dans plusieurs montagnes les couches sont formées d'une succession de dépôts marins et de dépôts d'eau douce, et que la régularité des couches indique le changement tranquille du liquide. Or de semblables mutations n'ont pu avoir lieu tout-à-coup; il leur a fallu le laps de bien des siècles.

M. Cuvier, dans son Discours sur les ossements fossiles, p. 7, nous enseigne positivement ce fait, que ne peuvent expliquer les eaux du déluge, qui couvrirent à peine douze mois les régions submergées. « Les terrains les plus bas, les plus unis, ne nous montrent même à de grandes profondeurs, dit-il, que des couches horizontales de matières plus ou moins variées, qui enveloppent presque toutes d'innombrables produits de la mer. Des couches pa

reilles, des produits semblables, composent les collines jusqu'à d'assez grandes hauteurs. Quelquefois les coquilles sont si nombreuses qu'elles forment à elles seules presque toute la masse du sol; elles s'élèvent à des hauteurs supérieures au niveau de toutes les mers, et où nulle mer ne pourrait être portée aujourd'hui par des causes existantes: elles ne sont pas seulement enveloppées dans des sables mobiles, mais les pierres les plus dures les incrustent souvent et en sont pénétrées de toutes parts. Toutes les parties du monde, tous les hémisphères, tous les continents, toutes les îles un peu considérables, présentent le même phénomène. Il n'y a pas la moindre différence entre les coquilles fossiles et celles que mer nourrit; l'on n'y observe ni détrition, ni rupture, rien qui annonce un transport violent; les plus petites d'entre elles gardent leurs parties les plus délicates, leurs crêtes les plus subtiles, leurs pointes les plus déliées; ainsi, c'est la mer qui les a déposées où elles sont ; elle a séjourné dans ces lieux assez long-temps, assez paisiblement, pour y former les dépôts singuliers, et en partie si solides, que remplissent ces dépouilles d'animaux aquatiques.

la

Soyez sûrs que, d'après ces faits, constatés par un savant tel que M. Cuvier, ceux qui s'élèvent contre les commentaires que donne la raison, seront conduits à prendre entre les significations du mot celle qui ne sera pas contraire aux faits, et qu'ils auront ainsi recours à leur raison, quelque antipathie qu'ils ressentent pour elle; ou enfin s'ils persistent à nier

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