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sont plus ou moins rapprochés des Sabelliens dans des explications souvent obscures. Le nombre des anti-Trinitaires s'est beaucoup accru, à mesure que les lumières ont augmenté, et ils sont destinés, selon toute apparence, à prendre des accroissements toujours plus considérables. Servet paya bien cher l'exposé de son système dans deux ouvrages qu'il publia en 1531 et 1532, sur la Trinité : malheureusement il ne fut pas la seule victime de l'inconséquence et de l'intolérance des Réformateurs.

Lælius et Fauste Socin propagèrent leurs opinions en Pologne. Selon eux, Dieu est un; Christ est un homme par sa nature; mais il est Fils de Dieu en tant que conçu du Saint-Esprit, il est né de la Vierge d'une manière extraordinaire. Le Père l'a sanctifié ; il a été instruit par la puissance et la sagesse divine; il a été revêtu d'une haute autorité, afin de s'acquitter de sa mission; il est ressuscité des morts; il a été élevé à la gloire divine, et rendu semblable à Dieu par l'empire et la puissance. Non-seulement il est Fils unique de Dieu; mais à cause de l'autorité qu'il déploya et des vertus qui brillèrent en lui sur la terre, il était déjà Dieu, et il l'est bien plus encore depuis que toute puissance lui a été donnée dans le ciel et sur la terre. Les Sociniens croient que le Saint-Esprit n'est pas une personne, mais une force divine. Ils se sont divisés sur l'adoration du Christ; les uns, et Socin a été de ce nombre, ont voulu l'adoration; les autres s'y sont opposés.

Samuel Clarke a imaginé une explication de la

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Trinité qui a eu beaucoup d'approbateurs. Il enseigne qu'il y a une seule cause de tout, le Dieu suprême, avec lequel dès le commencement a existé le logos et l'esprit du Père, l'un et l'autre doivent recevoir le nom de personne; on ignore leur nature et leur essence; tout ce que nous apprenons des saints livres, c'est que le Père seul existe par lui-même; il est le premier auteur de toute essence, de la majesté dont jouit le Fils, et des actions de l'Esprit saint; puisque les auteurs inspirés se taisent, il serait absurde de définir ou l'essence du Fils, ou la manière dont il l'a reçue avant la création du monde; cependant on ne peut nier que le Fils ne participe aux attributs communicables du Père, qu'il ne soit l'instrument de la création subordonné au Père; cette association lui mérite le nom de Dieu, nous devons l'honorer et l'adorer; le Saint-Esprit procède du Père, il est intermédiaire entre le Fils et les Anges, inférieur au Fils, supérieur aux Anges en dignité; il dépend de Dieu dont il exécute la volonté, et du Fils par l'autorité duquel il agit.» D'après ce système, le Fils a été créé, il est subordonné au Père, le SaintEsprit à tous les deux. C'est pourquoi on a souvent appelé les sectateurs de ce système partisans de la subordination.

On a élevé quelques objections contre le système de Clarke. On trouve peu net et peu clair ce qui est dit de la nature du Fils et du Saint-Esprit. On conçoit difficilement que le culte dû au Créateur puisse être transporté à des créatures; aussi les Cal

vinistes rigides appellent-ils les partisans de Clarke des idolâtres. C'est une politesse qu'on pourrait leur rétorquer en leur prouvant qu'ils sont Polytheistes ou Sabelliens.

Il serait trop long d'énumérer les différentes manières dont récemment des hommes habiles et pieux ont voulu rendre compte du système de la Trinité.

Quand je développerais ici les explications de Meier, de Toellner, de Seiler, de Schlegel, d'Eichhorn, de Henk, d'Eckermann, de Storr, de Griesbach, de Yates, de Gifford, etc., etc., etc., toutes leurs opinions, celles de leurs devanciers ou de leurs contemporains, se réduiraient pour les points essentiels aux quatre suivantes : Le Fils et le Saint-Esprit sont des attributs du Tout-Puissant ;- le Fils est un homme né de Joseph et de Marie, sur lequel le Père a répandu ses dons en abondance; le Fils est le premier des êtres créés, auquel le Père a communiqué, à différents degrés, tous les dons communicables; le Fils est le Dieu suprême, de la même essence, de la même substance que le Père et le Saint-Esprit. Chacune de ces hypothèses a des adversaires et des défenseurs. Mon but principal dans ce Traité est de combattre la dernière que je regarde comme inadmissible et contradictoire, comme propre à éloigner du Christianisme les Mahométans, les Juifs, et à multiplier le nombre des incrédules. Les Païens seuls, parmi les peuples non chrétiens, doivent éprouver du penchant à l'admettre, s'il leur est

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possible de s'en former une idée nette. J'ai déjà prouvé que l'Église primitive ne la connaissait point; j'ai montré par quels degrés successifs elle s'était introduite et fortifiée; je vais démontrer qu'elle est en pleine contradiction avec la raison, et qu'elle aboutit nécessairement au Sabellianisme ou au Trithéisme. Ce sera le sujet de la seconde partie.

SECONDE PARTIE.

LE SYSTÈME THÉOLOGIQUE DE LA TRINITÉ EST

CONTRAIRE A LA RAISON.

Je vais prouver que le système de la Trinité est contraire à la raison, 1o par des preuves directes, 2o par les explications mêmes que donnent les Trinitaires pour concilier la contradiction..

SI. Preuves directes.

On me dira que ce système est au-dessus de la raison, mais qu'il n'est pas en contradiction avec elle ; que c'est un mystère, et qu'il doit être admis comme tous les autres.

Je réponds qu'il ne faut pas abuser du mot mystère, comme si à ce seul mot l'intelligence perdait tous ses droits, et en était privée par une fin de nonrecevoir. Le mot mystère ne doit pas être un asile,. sous la protection duquel on soit autorisé à tout admettre et à tout croire. Ce mot a plusieurs sens que ce n'est pas le lieu d'énumérer ici. Nous savons que dans l'Évangile il y a des mystères qui ont une face obscure et qui présentent des difficultés insolubles ou très-difficiles à résoudre, sans qu'il faille pour

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