SCÈNE XVI. TRUFALDIN, ANSELME, PANDOLFE, CÉLIE, HIPPOLYTE, LÉLIE, LÉANDRE, ANDRÉS, MASCARILLE. MASCARILLE, à Lelie. Voyons si votre diable aura bien le pouvoir LÉLIE. Croirai-je que du ciel la puissance absolue...... TRUFALDIN. Oui, mon gendre, il est vrai. PANDOLFE. La chose est résolue. ANDRES, à Lélie. Je m'acquitte par là de ce que je vous dois. LÉLIE, à Mascarille. Il faut que je t'embrasse et mille et mille fois, MASCARILLE. Ahi! ahi! doucement, je vous prie. Il m'a presque étouffé. Je crains fort pour Célie, TRUFALDIN, à Lélie. Vous savez le bonheur que le ciel me renvoie; Mais puisqu'un même jour nous met tous dans la joie, Et que son père aussi nous soit vite amené. MASCARILLE. Vous voilà tous pourvus. N'est-il point quelque fille A voir chacun se joindre à sa chacune ici, J'ai ton fait. ANSELME. MASCARILLE. Allons donc; et que les cieux prospères Nous donnent des enfants dont nous soyons les pères. PIN DE L'ÉTOURDI. COMÉDIE EN CINQ ACTES, REPRÉSENTÉE A BÉZIERS EN 1656, ET A PARIS EN 1658. NOTICE. Les trois années qui s'écoulèrent entre la représentation de l'Étourdi et celle du Dépit amoureux, montrent combien Molière à ses débuts se défiait de lui-même, et combien il était lent et timide à produire. Cela tient peut-être à ce qu'il n'avait point encore reçu pour la première de ces pièces les encouragements de la capitale, encouragements nécessaires, quoi qu'on en ait dit, à toutes les époques de notre histoire au développement des grands talents. Comme l'Étourdi, le Dépit amoureux fut joué dans la province, à Béziers, non pas en 1654, comme on l'a écrit souvent, mais en 1656, lors de la tenue des états du Languedoc, avec un succès complet. Quand Molière, deux ans plus tard, représenta cette seconde pièce sur le théâtre du Petit-Bourbon, les applaudissements des Parisiens ratifièrent pleinement le jugement qu'en avait porté la province. Les deux comédies valurent à chacun des acteurs soixante-dix pistoles, tous frais déduits, et comme ces acteurs étaient au nombre de dix, on voit que les recettes, eu égard à la modicité du prix des places, ne laissaient pas que d'être assez rondes. On a dit avec raison que le Dépit amoureux manquait souvent de clarté ; que les récits, qui n'avaient d'autre but que d'expliquer le sujet, récits qui se trouvent jusque dans le cinquième acte, ne prouvaient que trop que l'auteur sentait lui-même combien ce sujet était mal exposé; enfin, que plusieurs scènes étaient faibles et traînantez. Ces remarques sont justes, mais une fois ces réserves faites, il faut reconnaître que les beautés compensent largement les défauts. La scène des deux vieillards, celle où Lucile est accusée en présence de son père, celle encore où Lucile et Éraste ne se fàchent que pour se réconcilier, sont dignes des plus beaux jours et des plus belles œuvres de Mo dère; et M. Auger a dit justement qu'on applaudissait toujours avec transport « cette admirable scène de brouillerie et de rac commodement, délicieuse image d'une nature charmante, que Molière a reproduite plusieurs fois sans la surpasser, et qu'on a mille fois répétée d'après lui sans l'égaler jamais. » Nous ajouterons que le Dépit amoureux est l'une des pièces de notre ancien répertoire qui ont gardé à la scène le plus de fraîcheur et de jeunesse. - « Dans cette pièce, dit M. Bazin, on ne saurait encore signaler aucune intention de satire contemporaine, si ce n'est peut-être le passage où un bretteur, du nom de la Rapière, vient offrir ses services à Éraste, qui les refuse avec mépris. Un des meilleurs services qu'avait rendus le prince de Conti aux états de Montpellier, moins de deux ans avant l'époque où nous sommes, était d'avoir obligé, non sans peine, la noblesse de Languedoc à souscrire la promesse d'observer les édits du roi contre les duels. Cette disposition pacifique contrariait singulièrement (comme le remarque Loret, lettre du 6 février 1655) les gentilshommes à maigre pitance qui se faisaient un revenu de leur assistance dans les rencontres meurtrières, et la scène de l'acte V pourrait bien regarder ces spadassins récalcitrants. »> Le sujet du Dépit amoureux est emprunté à l'Interesse de Nicolò Secchi. Mais si l'auteur italien a donné l'idée première et quelques-uns des ressorts romanesques de la pièce, la disposition générale, le dialogue, les détails appartiennent entièrement à l'auteur français, qui reste dans les meilleures scènes complétement original. M. Viardot indique encore comme ayant fourni quelques traits à Molière, le Chien du jardinier, el Perro del Hortelano, de Lope de Vega; enfin, d'après Riccoboni et Cailhava, la célèbre scène des deux amants serait prise dans un caneva italien: gli Sdegni Amorosi, les Dépits amoureux. Cailhava cile cette scène dans son traité de l'Art de la comédie; mais, selon M. Aimé Martin, la situation y est à peine indiquée, et ce n'est pas là que Molière a pu trouver des inspirations. Le véritable modèle de ce tableau charmant est, comme l'a remarqué Voltaire, l'ode d'Horace, Donec gratus eram tibi, etc. Veux-tu que je te die? une atteinte secrète Pour moi, me soupçonner de quelque mauvais tour, 'DU PARC. Acteurs de la troupe de Molière: 'BEJART aîné. — MOLIÈRE. - 'BÉJART jeunc. - Mademoiselle DE BRIE. 'Madeleine BEJART. — ' DU CROISY. DE BRIE. GROS-RENE, nom de théâtre de du Parc. Il paroît que Molière vouloit donner le nom de Gros-René aux rôles qu'il faisoit pour cet acteur, comme Jodelet avoit pour lui. (Aimé Martin.) donné le sien aux rôles que Scarron avoit faits Mot grec il signifie, qui traduit d'une langue dans une autre. Ce nom ex prime parfaitement la manie de Métaphraste. |