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Non.

GORGIBUS.

LE DOCTEUR.

Adieu donc, puisque ainsi est; bonsoir : latine, bona nox

VILLEBREQUIN.

Allons-nous-en souper ensemble, nous autres.

FIN DE LA JALOUSIE DU BARDOUILLE,

COMÉDIE.

NOTICE.

Les pièces italiennes dont le goût s'était propagé en France dans la seconde moitié du seizième siècle, servirent longtemps, avec les pièces du théâtre latin, de modèles aux écrivains dramatiques français. La comédie des Abusés, de l'Académie siennoise, traduite par Charles Estienne, fut représentée à Blois, devant Henri II avec un grand succès; Pierre de Mesmes et Jean de la Taille traduisirent les Supposés et le Négromant de l'Arioste. Le Champenois Pierre de Larivey, s'inspira également de l'Italie; et dans le siècle suivant, lorsque Molière débuta dans la carrière dramatique, il fit comme ses devanciers, il imita les compatriotesde l'Arioste, de Machiavel et de Bibbiena. Le Médecin volant, l'une des premières pièces qu'il ait composées, n'est que l'imitation d'un canevas italien, il Medico volante, dont il s'inspira plusieurs fois, même dans ses ouvrages les plus sérieux. Le Médecin volant, dont l'authenticité est incontestable, a été retrouvé en 1819, et publié par M. de Soer.

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Hé bien! Sabine, quel conseil me donnes-tu?

SABINE.

Vraiment, il y a bien des nouvelles. Mon oncle veut reso

lument que ma cousine épouse Villebrequin, et les affaires sont tellement avancées, que je crois qu'ils eussent été mariés dès aujourd'hui, si vous n'étiez aimé; mais, comme ma cousine m'a confié le secret de l'amour qu'elle vous porte, et que nous nous sommes vues à l'extrémité par l'avarice de mon vilain oncle, nous nous sommes avisées d'une bonne invention pour différer le mariage. C'est que ma` cousine, dès l'heure que je vous parle, contrefait la malade; et le bon vieillard, qui est assez crédule, m'envoie querir un médecin. Si vous en pouviez envoyer quelqu'un qui fût de vos bons amis, et qui fût de notre intelligence, il conseilleroit à la malade de prendre l'air à la campagne. Le bon homme ne manquera pas de faire loger ma cousine à ce pavillon qui est au bout de notre jardin, et, par ce moyen, vous pourriez l'entretenir à l'insu de notre vieillard, l'épouser, et le laisser pester tout son soûl avec Villebrequin.

VALÈRE.

Mais le moyen de trouver si tôt un médecin à ma poste, et qui voulût tant hasarder pour mon service! Je te le dis franchement, je n'en connois pas un.

SABINE.

Je songe à une chose; si vous faisiez habiller votre valet en médecin il n'y a rien de si facile à duper que le bon homme.

:

VALÈRE.

C'est un lourdaud qui gâtera tout; mais il faut s'en servir, faute d'autre. Adieu, je le vais chercher. Où diable trouver ce maroufle à présent? mais le voici tout à propos.

SCÈNE II.

VALÈRE, SGANARELLE,

VALÈRE.

Ah! mon pauvre Sganarelle, que j'ai de joie de te voir! J'ai besoin de toi dans une affaire de conséquence; mais, comme je ne sais pas ce que tu sais faire...

SGANARELLE.

Ce que je sais faire, monsieur? employez-moi seulement en vos affaires de conséquence, ou pour quelque chose d'importance par exemple, envoyez-moi voir quelle heure il est à une horloge, voir combien le beurre vaut au marché,

abreuver un cheval, c'est alors que vous connoîtrez ce que je sais faire.

VALÈRE.

Ce n'est pas cela; c'est qu'il faut que tu contrefasses le médecin.

SGANARELLE.

Moi, médecin, monsieur! Je suis prêt à faire tout ce qu'il vous plaira; mais, pour faire le médecin, je suis assez votre serviteur pour n'en rien faire du tout; et par quel bout m'y prendre, bon Dieu ? Ma foi, monsieur, vous vous moquez de moi.

VALÈRE.

Si tu veux entreprendre cela, va, je te donnerai dix pistoles.

SGANARELLE.

Ah! pour dix pistoles, je ne dis pas que je ne sois médecin; car, voyez-vous bien, monsieur, je n'ai pas l'esprit tant, tant subtil, pour vous dire la vérité. Mais, quand je serai médecin, où irai-je?

VALÈRE.

Chez le bon homme Gorgibus, voir sa fille qui est malade; mais tu es un lourdaud qui, au lieu de bien faire, pourrois bien...

SGANARELLE.

Hé! mon Dieu, monsieur, ne soyez point en peine; je vous réponds que je ferai aussi bien mourir une personne qu'aucun médecin qui soit dans la ville. On dit un proverbe, d'ordinaire après la mort le médecin; mais vous verrez que, si je m'en mêle, on dira: après le médecin gare la mort! Mais, néanmoins, quand je songe, cela est bien difficile de faire le médecin; et si je ne fais rien qui vaille?

:

VALÈRE.

Il n'y a rien de si facile en cette rencontre; Gorgibus est un homme simple, grossier, qui se laissera étourdir de ton discours, pourvu que tu parles d'Hippocrate et de Galien, et que tu sois un peu effronté.

SGANARELLE.

C'est-à-dire qu'il lui faudra parler philosophie, mathématique. Laissez-moi faire, s'il est un homme facile, comme vous le dites, je vous réponds de tout; venez seulement me

faire avoir un habit de médecin, et m'instruire de ce qu'il me faut faire, et me donner mes licences, qui sont les dix pistoles promises.

(Valère et Sganarelle s'en vont.)

SCÈNE III.

GORGIBUS, GROS-RENÉ.

GORGIBUS.

Allez vitement chercher un médecin, car ma fille est bien malade, et dépêchez-vous.

GROS-RENÉ.

Que diable aussi! pourquoi vouloir donner votre fille à un vieillard? Croyez-vous que ce ne soit pas le desir qu'elle a d'avoir un jeune homme qui la travaille? Voyez-vous, la connexité qu'il y a, etc. (galimatias.)

GORGIBUS.

Va-t'en vite; je vois bien que cette maladie-là reculera bien les noces.

GROS-RENÉ.

Et c'est ce qui me fait enrager; je croyois refaire mon ventre d'une bonne carrelure, et m'en voilà sevré. Je m'en vais chercher un médecin pour moi, aussi bien que pour votre fille; je suis désespéré.

SCÈNE IV.

(Il sort.)

SABINE, GORGIBUS, SGANARELLE.

SABINE.

Je vous trouve à propos, mon oncle, pour vous apprendre une bonne nouvelle. Je vous amène le plus habile médecin du monde, un homme qui vient des pays étrangers, qui sait les plus beaux secrets, et qui sans doute guérira ma cousine. On me l'a indiqué par bonheur, et je vous l'amène. Il est si savant, que je voudrois de bon cœur être malade, afin qu'il me guérît.

Où est-il donc?

GORGIBUS.

SABINE.

Le voilà qui me suit; tenez, le voilà.

GORGIBUS.

Très humble serviteur à monsieur le médecin. Je vous envoie querir pour voir ma fille qui est malade; je mets toute mon espérance en vous.

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