Images de page
PDF
ePub

vue par l'article 230, lorsqu'il est commis successivement avec des complices différentes? En d'autres termes, des adultères isolés du mari, réitérés dans la maison conjugale avec des complices différentes, constituent-ils l'entretien de concubine dans la maison conjugale?

On a dit à l'appui de la solution affirmative : quand le texte parle du mari qui a tenu sa concubine dans la maison commune, il vise le quod plerumque fit. Ce qu'il entend atteindre, c'est l'adultère du mari aggravé par une double circonstance, sa permanence et le lieu où il est perpétré, circonstances aggravantes qui se rencontrent au plus haut degré dans l'hypothèse proposée. Le caractère particulier de mépris qui résulte, suivant l'expression de Treilhard dans le passage cité au texte, de l'établissement de la concubine dans la maison conjugale, existe avec la plus grande force dans cette hypothèse.

Nous ne pensons pas toutefo's pouvoir nous rallier à cette opinion.

Comme le dit Laurent (n° 180), il faut que la concubine soit établie à côté de la femme, que la rivale prenne la place qui est due à l'épouse, pour que l'adultère du mari devienne une cause de divorce. Or, si le mari n'a pas habituellement des relations intimes avec une même maîtresse en la maison conjugale, jamais une femme n'a pris la place de l'épouse légitime; dès lors la circonstance aggravante de la continuité des relations adultères, continuité qui assimile la maîtresse à la femme légitime, n'existe pas, et il n'y a pas lieu à divorce. Certes, en commettant une série d'adultères dans le domicile conjugal avec des complices différentes, le mari a d'une façon continue commis la faute d'adultère; précisément parce que les complices sont différentes, il n'y a que de multiples infractions à l'obligation de fidélité; il n'y a pas infraction à la défense d'installer une maîtresse à la place de l'épouse légitime.

La thèse contraire perd de vue que la cause de divorce, ce n'est pas l'adultère permanent du mari, c'est le fait par lui d'établir une maîtresse à la place de l'épouse.

Sic Cass. B., 19 octobre 1896, Pasic., 1896, I, 291.

Tome III

no 186.

No 2. EXCÈS ET SÉVICES.

620. L'excès est l'attentat d'un époux contre la vie de l'autre.

[ocr errors]

Sic Montpellier, 5 février 1895, D. P., 1896, 2, 101; Paris, 20 octobre 1886, D. P., 1888, 2, 101; - Pand. belges, vo Divorce, no 39; — Pand. fr., pér., vo Divorce, nos 390 et s.; · AUBRY et RAU, t. V, § 491, p. 175; — Huc,

t. II no 293.

Tome III

621. Par sévices il faut entendre un acte de cruauté. nos 187,188. Qu'il s'agisse d'excès ou de sévices, un seul fait suffit pour que le divorce puisse être prononcé. Les voies de fait constituent des injures et non des sévices.

On enseigne généralement que si, pour les excès, un seul fait suffit, il en faut plusieurs s'il s'agit de sévices. Cette théorie provient de ce que, contrairement à l'opinion de Laurent, les auteurs regardent les mauvais traitements, même s'ils ne sont pas des actes de cruauté, comme constituant des sévices, tandis que Laurent les considère comme étant des injures.

Nous ne pensons pas devoir insister sur la question; elle n'a guère d'importance, car la solution de Laurent n'est pas contestée pour le cas où il a été établi que le défendeur a commis un acte de cruauté. Les juges ont, pour qualifier les faits, un pouvoir d'appréciation; aucune Îoi n'exigeant, même pour les injures graves, que plusieurs faits soient relevés, la seule obligation des juges est, sous réserve de l'application de l'article 259 du code civil (art. 246 nouveau en France), de faire droit à la demande, s'ils constatent qu'une injure grave, un excès ou un acte de cruauté a été commis.

Cass. Fr.,

Comp. Montpellier, 5 février 1895, D. P., 1896, 2, 101; 18 juillet 1892, SIR. et J. Pal., 1895, 1, 308; D. P., 1893, 1, 392; — 24 février 1892, SIR. et J. Pal., 1892, 1, 367; Pand. fr., 1893, I,.392; 2 juin 1890, Pand. fr., 1890, I, 315; D. P., 1891, 1, 299; SIR., 1890, 1, 364; J. Pal., 1890, 1, 815; - 22 juin 1880, SIR., 1881, 1, 268; J. Pal., 1881, 638; D. P., 1881, 1, 104; Pand. belges, vo Divorce, nos 41 et s. et 53 et s.; ARNTZ, t. Ier, no 402; DALL., Rép., Supp., vo Divorce, no 56 et s.;—

Pand. fr., Rép., vo Divorce, nos 340, 392 et s.; - Huc, t. III, no 293;
AUBRY et RAU, t. V, p. 177, § 491.

[ocr errors]

622. Il n'y a pas excès ou sévices quand l'époux qui Tome III les a commis, est privé de la raison.

Sic supra, no 614.

No 3. INJURES GRAVES.

no 189.

623. L'injure grave suppose qu'il y a dol et intention Tome III de nuire.

Il ne faut pas donner à la règle ainsi formulée un sens trop absolu; Laurent n'entend pas dire que l'injure grave n'existe que s'il y a intention spéciale de nuire.

Toute violation volontaire d'une obligation essentielle du mariage est outrageante de sa nature et constitue par conséquent une injure grave, peu importe que son auteur ait eu ou non la volonté de léser l'autre époux; il n'y aura d'exception que si les circonstances de la cause sont telles qu'elles font disparaître le caractère injurieux appartenant à l'acte par son essence. Donc si le mari, sans entretenir une concubine dans la maison conjugale, se rend coupable d'adultère dans des conditions de publicité injurieuses pour l'épouse, il y a injure grave, même dans le cas où le mari n'a pas eu l'intention de léser ou d'injurier sa femme, pourvu, bien entendu, que, comme nous l'avons vu, cet adultère ait été conscient et volontaire.

L'intention dolosive sera, au contraire, nécessaire lorsque l'acte en lui-même n'est pas outrageant pour le conjoint et ne revêt ce caractère que précisément à raison de l'intention qui le dicte; dans cette hypothèse, la volonté de nuire à l'autre époux constitue la violation des devoirs du mariage.

Comp. Cass. B., 15 avril 1897, Pasic., 1897, I, 145; — Bruxelles, 9 juillet 1890, Belg. jud., 1890, 989; -Pand. belges, vo Divorce, nos 46 et s.; Pand. fr., Rép., vo Divorce, nos 285, 400 et s., 643 et s. Voy. supra, no 614 et infra, no 624.

no 190.

624. Il n'y a pas injure grave quand le fait, quoique Tome III de sa nature injurieux, est l'exercice d'un droit. Tel est le

no 191.

cas lorsque le mari annonce dans les journaux qu'il ne payera plus les dettes de sa femme, ou lorsque, durant une instance en divorce, un époux articule contre l'autre des faits outrageants qui ne dépassent pas les nécessités de la demande ou de la défense.

La question est purement de fait.

Il y a injure si le mari a publié l'annonce dans l'unique but de nuire à sa femme; si l'époux, en imputant au cours d'une procédure un fait injurieux à son conjoint, a agi méchamment ou s'il était de mauvaise foi.

Il n'y a, au contraire, nulle injure si le mari a voulu sauvegarder ses droits, si les imputations étaient nécessaires pour l'instruction de la cause, si leur auteur était de bonne foi et pouvait l'être sans légèreté; la facilité en effet avec laquelle un des époux a cru à la réalité des faits injurieux articulés par lui, peut, suivant les circonstances, être considérée comme une injure grave.

Quant à l'annonce par le mari que les dettes de la femme ne seront plus reconnues par lui, sic Pand. fr., Rép., vo Divorce, nos 565 et s. — Comp. Bruxelles, 5 février 1883, J. Trib., 1883, 206.

Quant aux imputations dirigées ou aux mesures prises par un époux contre l'autre au cours d'une instance pendante entre les époux, sic trib. Verviers, 3 avril 1895, Pand. pér. belges, 1895, 1611; trib. Bruxelles,

Paris,

22 avril 1893, Pand. belges, 1893, 1098; Pasic., 1893, III, 198; - Bruxelles, 21 mai et 25 juin 1890, Belg. jud., 1890,983; Pand. pér. belges, 1890, 1749, 1751; trib. Bruxelles, 10 décembre 1881, Belg. jud., 1882, 150; Paris, 27 mars 1896, D. P., 1896, 2, 222; Cass. Fr., 23 décembre 1895, D. P., 1896, 1,95; — Paris, 6 février 1895, D. P., 1895, 2, 261; - Rennes, 18 juillet 1893, SIR. et J. Pal., 1895, 1, 309; D. P., 1894, 2, 7; 19 mars 1887, Pand. pér. fr., 1887, II, 245; Caen, 11 février 1880, D. P., 1881, 2, 183-184; Pau, 27 février 1871, D. P., 1872, 5, 403; Paris, 13 juillet 1870, SIR., 1870, 2, 268; J. Pal., 1870, 1065; D. P., 1871, 2, 129; — trib. Lyon, 19 mars 1870, D. P., 1871. 5, 258; Pand. fr., Rep., vo Divorce, nos 570 et s.

[ocr errors]
[ocr errors]

Quant au principe et ses applications, Pand. belges, v° Divorce, nos 88 et s., 91 et s.; Pand. fr.. Rép., vo Divorce, nos 286, 374 et s.; DALL., Rép., Supp., vo Divorce, nos 48, 64 et s.; — Huc, t. II, no 298; — AUBRY et RAU, t. V, S 491, p. 175, notes 11 et 12.

Par application du principe que l'exercice normal d'un droit ne peut motiver le divorce, il a été jugé que le mari,

ayant le devoir encore plus que le droit de diriger sa femme, de compléter son éducation lorsqu'elle est jeune, et de prendre, pour cela, toutes les mesures nécessaires, on ne saurait toujours ranger parmi les injures et sévices graves les actes de correction ou même de vivacité maritale.

C'est, à notre avis, mal poser la question. Le devoir de protection imposé au mari vis-à-vis de sa femme ne lui donne le droit ni de l'injurier ni de la maltraiter, fût-ce dans la meilleure intention du monde (supra, no 551). Ce qui est vrai c'est que, comme nous l'avons dit au numéro précédent, cette absence d'intention dolosive pourra être prise en considération si, envisagés en eux-mêmes, les injures ou les sévices ne sont pas assez graves pour avoir le caractère de manquements sérieux à une obliga

tion matrimoniale.

Comp. trib. Seine, 23 décembre 1885, SIR., 1887, 2, 23; Chambéry, 4 mai 1872, SIR., 1873, 2, 217; J. Pal., 1873, 885; D. P., 1873, 2, 129; Pand. fr. chron., 1, 2, 12; — Pand. fr., Rép., vo Divorce, nos 624 et s.

no 192.

625. Violation des devoirs imposés par le mariage, Tome III l'injure ne peut résulter que d'un fait postérieur au mariage.

Le divorce ne peut donc être prononcé parce que, lors de la célébration du mariage, une femme a caché à son mari qu'elle était inscrite sur les registres de la prostitution, ou parce qu'elle a, étant à ce moment enceinte des œuvres d'un autre que son futur époux, dissimulé sa

grossesse.

La question continue à être controversée.

Les adversaires de la thèse enseignée au texte confondent la passation et l'exécution du contrat appelé mariage.

Celui des époux qui, pour amener l'autre à consentir à la convention du mariage, dissimule un fait dont la révélation en empêcherait la conclusion, trompe son cocontractant; mais cette fraude, ne portant que sur la naissance du contrat, est étrangère à son exécution qui

« PrécédentContinuer »