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passage cité de Treilhard le montre clairement, que le demandeur en séparation de corps ne puisse, par son fait et en vertu du jugement, obliger son conjoint à rester plus de trois ans séparé de corps. Dans l'hypothèse où le refus de cohabitation est basé sur l'entretien d'une concubine par le mari, la chose que le législateur a voulu empêcher, ne se produit pas. Ce n'est pas le fait du demandeur originaire, ce n'est pas le jugement de séparation de corps qui empêche la femme de réintégrer le domicile conjugal, c'est le fait du défendeur originaire, du mari qui tient une concubine. Aussi, même en cas d'inexistence d'un jugement de séparation de corps, la femme pourrait agir pareillement; la seule différence entre les deux hypothèses est que, si la séparation de corps n'existe pas, elle peut être demandée, tandis que la chose est inutile, si elle est déjà prononcée; dans les deux cas, le fait du mari empêche la réunion des époux; dans l'un il sert à motiver la séparation de corps, dans l'autre il l'empêche de prendre fin (LAURENT, t. III, nos 357 et s.).

Vainement alléguera-t-on que pareil système aboutit à permettre au demandeur originaire de consentir conditionnellement à la cessation de la séparation de corps et à la reprise de la vie commune, alors que la loi ne lui donne pas ce droit.

Il est certain que le demandeur ne peut conditionner son consentement à la cessation de la séparation de corps; il ne pourrait donc dire qu'il consent, si tel avantage pécuniaire lui est alloué.

Mais la situation que nous envisageons, est autre, et l'objection se produit parce qu'on confond la reprise de la vie commune avec le fait de cesser d'invoquer le jugement de séparation de corps. La loi ne dit pas que le divorce ne peut être rejeté qu'en cas de reprise de la vie commune; elle se borne à décider qu'il doit être repoussé si le demandeur originaire consent à faire cesser la séparation de corps, c'est-à-dire renonce à faire durer les effets du jugement de séparation, règle qui se comprend parfaitement, puisque le législateur veut éviter qu'un scrupule

de conscience du demandeur n'impose le célibat perpétuel à l'autre époux. Dans notre espèce, répétons-le, la situation que le législateur a voulu empêcher ne se produit pas; le demandeur a renoncé au bénéfice du jugement; si les conséquences de cette renonciation, c'est-à-dire la reprise de la vie commune, la cessation de la séparation de corps, la mise à néant du jugement de séparation ne se réalisent pas, c'est non par le fait du demandeur originaire, mais par celui du défendeur; l'article 310, qui a pour objet de protéger le défendeur contre le fait du demandeur originaire, est donc inapplicable.

Sic trib. Bruxelles, 11 mai 1895, Pasic., 1895, III, 214; Pand.pér. belges, 1895, 1484; trib. Anvers, 2 février 1893, Pasic., 1893, III, 219; Pand. pér. belges, 1893, 1220; Bruxelles, 6 juillet 1892, Pasic., 1893, II, 17; Belg. jud., 1892, p. 1277; trib. Bruxelles, 4 juillet 1891, Pasic., 1892, III, 47; Pand. pér. belges, 1892, 424.

Contrà : Gand, 30 mars 1895, Pasic., 1895. II, 283; Pand. pér. belges, 1895, 1537; — trib. Bruges, 5 mars 1894, Pasic., 1894, III, 178.

Comp. Pand. belges, vo Divorce, no 348.

652. L'article 310 ancien et l'article 310 nouveau subordonnent tous deux la conversion de la séparation de corps en divorce à la condition que la séparation ait duré trois ans.

Quel est le point de départ de ce délai?

Il est certain que, conformément au principe général, le dies à quo ne compte pas; mais celui-ci est-il le jour où a été prononcé le jugement accordant la séparation, ou la date à laquelle cette décision est devenue exécutoire ?

Cette dernière solution doit être adoptée.

Le but de l'article 310 est d'empêcher l'époux qui, par scrupule de conscience, a préféré la séparation de corps, de maintenir plus de trois ans la situation qu'il a créée (voy. au numé o précédent, les paroles de Treilhard); or, celle-ci n'existe qu'à partir de l'instant où le jugement de séparation est devenu définitif; si jusqu'à cette date les époux ont vécu séparés, c'est non pas en exécution du jugement, car celui-ci ne peut être exécuté tant qu'il n'est pas exécutoire, mais en vertu des décisions provisoires qui

ont, avant le jugement, autorisé cette séparation provisoire et qui produisent leurs effets tant que l'instance en séparation n'est pas terminée par un jugement exécutoire.

Vainement dira-t-on que le jugement de séparation étant devenu définitif, ses effets doivent se produire rétroactivement à partir de l'intentement de l'action. Cette règle ne peut faire qu'une situation, causée par une décision autre que le jugement de séparation, doive être regardée comme motivée par celui-ci. De plus, si l'objection était fondée, le délai devrait courir à partir de l'intentement de l'action et, par suite, si l'instance avait duré trois ans, le divorce pourrait être immédiatement demandé; or, il est certain que tel n'est pas le vœu de la loi. Le texte primitif du nouvel article 310 (législation française portait: « Tout jugement de séparation de corps devenu définitif depuis trois ans au moins, sera converti en jugement de divorce. » Cette rédaction, qui consacre notre thèse, fut adoptée par la Chambre et modifiée au Sénat; il ressort toutefois de discussions que ce changement n'a nullement été motivé par le désir de substituer pour le calcul du délai de trois ans un point de départ nouveau à celui qu'indiquait clairement le texte primiti

vement voté.

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Sic Cass. Fr., 28 décembre 1891 (solut. implic.), SIR. et J. Pal., 1892, 1, 120; — Douai, 22 avril 1891, D. P., 1891, 2, 278; Sır., 1891, 2, 245; J. Pal., 1891, 1363; — note sous Bourges, 3 novembre 1890, D. P., 1891, 2, 277; J. Pal., 1891, 1363.

Contrà Bourges, 3 novembre 1890, D. P., 1891, 2, 277; SIR., 1891, 2, 245; J. Pal., 1891, 1363.

Comp. Cass. Fr., 28 novembre 1887, Pand. pér. fr., 1888, 1, 38; D. P., 1888, 1, 433; J. Pal., 1890, 1, 268; SIR., 1890, 1, 113.

Voy., sur les travaux préparatoires, SIREY, Lois annotées, 1884, p. 666, note 32; D. P., 1884, 4, 107, note 7.

653. En France, l'article 310 nouveau donne au juge, lorsque la demande en conversion de la séparation de corps en divorce réunit les conditions de droit requises, le pouvoir d'apprécier s'il y a lieu de l'admettre.

Cette interprétation résulte clairement des travaux préparatoires et est consacrée par la jurisprudence.

La question de savoir quand la conversion doit être accordée, est essentiellement une question de fait; le juge doit la trancher d'après les circonstances de chaque espèce, en se guidant uniquement par l'intérêt des parties en cause, par l'intérêt de la moralité publique et en faisant abstraction de ses idées personnelles sur la préférence qui doit, en théorie, être donnée à la séparation de corps ou au divorce.

Sic Cass. Fr., 12 janvier 1887, D. P., 1887, 1, 160; Pand. per. fr., 1887, 1, 388; SIR., 1888, 1, 374; J. Pal., 1888, 918; — DALL., Rép., Supp., vo Divorce, nos 668 et s. et 694 et s.

Voy. également Dijon, 3 juillet 1895, D. P., 1896, 2, 287; 13 juillet 1891, SIR. et J. Pal., 1892, 1, 503; D. P., 1894, 1, 66.

Cass. Fr.,

nos 201 à

204.

§ II. DES PREUVES DES CAUSES DÉTERMINÉES. 654. La preuve littérale est admise. Les lettres confi- Tome III dentielles ne peuvent toutefois être produites en justice. Les lettres adressées à des tiers sont confidentielles en ce sens que des personnes étrangères ne peuvent s'en prévaloir. Les lettres écrites par un des conjoints à l'autre peuvent être invoquées, car elles sont la propriété du destinataire, qui a le droit d'en faire usage pour justifier une demande qu'il forme en justice.

La tendance de la jurisprudence est de repousser le système préconisé par Laurent et d'admettre la production en justice des lettres confidentielles, pourvu qu'il ne soit pas établi que la partie qui les invoque, en a acquis la possession d'une manière illicite.

La solution de la question nous paraît dépendre essentiellement de la nature du droit de propriété dont les lettres missives sont l'objet. Nous examinerons cette difficulté dans le Commentaire du livre II du code civil.

655. La preuve testimoniale et les présomptions sont indéfiniment admissibles.

Sic Cass. B., 29 décembre 1881, Pasic., 1882, I. 21; Belg. jud., 1882, 1203; — Cass. Fr., 13 novembre 1889, D. P., 1890, 1, 36; SIR., 1890, 1, 338; J. Pal., 1890, 946; — Pand. fr., Rép., vo Divorce, nos 417, 419 et s.

Tome III

no 205.

SUPPL. - T. I.

29

Tome III no 206.

Tome III no 207.

Tome III n 208.

656. L'aveu peut être admis comme preuve si les circonstances de la cause donnent au juge la conviction que le défendeur est de bonne foi et qu'il n'y a pas collusion entre les époux.

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Sic trib. Louvain, 24 novembre 1877, Belg. jud., 1878, 12; Cour provinciale de la Nouvelle-Hollande, 4 janvier 1872, Belg. jud., 1872, p. 899; --- Pand. fr., Rép., vo Divorce, nos 427 et s.; — Huc, t. II, no 289; — AUBRY et RAU, t. V, § 491, p. 181.

Comp. trib. Liège, 26 juillet 1882, CL. et BONJ., t. XXXII, 828; — Pand. belges, vo Divorce, nos 316 et s.; — DALL., Rép., Supp., vo Divorce et séparation de corps, nos 437 et 438; — Infra, no 662.

657. Le serment litisdécisoire ni le serment supplétoire ne sont admis.

Sic DALL., Rép., Supp., v° Divorce, no 438; Huc, t. II, no 291. Comp. Pand. fr., Rép., vo Divorce, nos 436 et 437, qui repoussent le serment litisdécisoire, mais semblent admettre le serment supplétoire.

§ III. DES FINS DE NON-RECEVOIR.

658. Les fins de non-recevoir concernent le fond de la cause et écartent la demande sans même en permettre l'examen. La réconciliation, en un certain sens la compensation, la prescription sont des fins de non-recevoir.

Les articles 272 à 274 du code civil ont été abrogés en France par l'article 4 de la loi du 18 avril 1886; ils sont remplacés par l'article 244, dont la portée est pareille.

Sic Pand. fr., Rép., vo Divorce, no 1942.

Tome III no 209.

No 1. DE LA RÉCONCILIATION.

659. La réconciliation, qui implique le pardon par l'époux offensé de l'injure qui lui a été faite, éteint l'action en divorce.

Le pardon suppose essentiellement la connaissance de l'injure; par conséquent la réconciliation est inopérante si, au moment où elle a eu lieu, les faits qui servent de base à l'action, étaient ignorés de l'époux qui pardonnait.

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