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Tome III no 305.

La question est de pur fait.

Y a-t-il eu libéralité réelle, c'est-à-dire enrichissement véritable de l'époux coupable? Il n'y a aucune raison de déroger à la règle générale.

Au contraire, ces cadeaux n'ont-ils, eu égard à la fortune des parties, aucune valeur? Ont-ils été faits, non pour enrichir le donataire, mais pour lui donner un souvenir de l'affection du donateur? Rentrent-ils, en d'autres termes, dans la catégorie des présents d'usage visés à l'article 852? Il n'y aura pas révocation, car il n'y a pas libéralité réelle. C'est pour le même motif que ces cadeaux ne doivent pas être rapportés (art. 852) et ne sont pas révocables pour cause de survenance d'enfant. (LAURENT, t. XIII, no 71.)

Sic trib. Orange, 18 novembre 1890, D. P., 1891, 3, 111; Pand. fr., Rep., vo Divorce, nos 2670 et s.; - DALL., Rép., Supp., vo Divorce et séparation de corps, no 575.

799. La déchéance établie par l'article 299 est une peine prononcée par la ioi et a lieu de plein droit. L'époux, au profit duquel elle se produit, ne peut y renoncer d'avance; it peut y renoncer après qu'elle s'est produite, en ce sens qu'il peut faire une nouvelle donation ou un nouveau testament.

Au cours de l'instance en divorce, le demandeur pourrait il valablement s'engager, à titre gratuit, à payer, après le divorce, une pension au défendeur?

Pareille convention serait nulle, comme immorale et comme contraire à l'article 299.

Elle serait immorale. Le divorce ne peut être prononcé que si le défendeur a violé la loi du mariage; lui promettre une libéralité pour le cas où le divorce serait admis revient donc à s'obliger à le gratifier, s'il est établi par jugement que cet époux s'est rendu coupable d'une action défendue dans l'intérêt de l'ordre public par la loi; semblable obligation, subordonnée à la preuve de l'immoralité de celui en faveur de qui elle est prise, est contraire aux bonnes mœurs.

De plus, pareil engagement violerait l'article 299. Cet article frappe l'époux coupable d'une peine consistant à le priver des avantages que lui a consentis, durant le mariage, son conjoint; or, le droit de créance que la promesse donne à l'époux coupable, est évidemment un avantage fait pendant le mariage; il doit donc être révoqué.

On objecte, il est vrai, que l'article 299 du code ne vise que les avantages faits en vue du mariage et qu'il s'agit ici d'une libéralité consentie en vue du divorce.

Cette objection d'une part introduit dans le texte de l'article 299 une distinction qui ne s'y trouve pas; d'autre part, elle démontre le caractère immoral de la stipulation, en lui donnant comme cause déterminante la preuve de l'inconduite de l'époux coupable ou un consentement frauduleux à une rupture injustifiée du lien conjugal.

Sic Pand. belges, vo Divorce, no 1423.

Contrà Gand, 22 mars 1885, Pasic., 1885, II, 215; J. Trib., 1885, 493, réformant trib. Bruges, 26 mars 1884, Pasic., 1884, III, 211.

Comp. Douai, 24 février 1887, DALL., Rép., Supp., vo Divorce et sépa ration de corps, no 577.

Sic, quant à la déchéance de plein droit, Douai, 24 février 1887, DALL., Rép., Supp., vo Divorce et séparation de corps, no 577.

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Sic, quant à la renonciation faite d'avance ou lorsque le divorce est prononcé, ARNTZ, t. Ier, no 466; - DALL., Rép., Supp., vo Divorce et séparation de corps, no 571; - Huc, t. II, no 410. Comp. Douai, 24 février 1887 précité, et le numéro suivant.

800. Les époux ne peuvent insérer, dans leur contrat de mariage, une clause dérogeant à l'article 299 en tant qu'il commine une déchéance contre l'époux coupable.

Mais ne pourraient-ils pas déroger à l'article 300, en tant qu'il maintient à l'époux innocent les donations reçues par lui, et convenir qu'en cas de divorce, tous les avantages, qu'ils se consentent réciproquement, seront révoqués?

Pareille stipulation serait nulle comme contraire aux bonnes mœurs. En effet, son sens est que si l'un des époux a violé la loi du mariage, par exemple en étant adultère, et si l'autre époux établit la chose en justice et

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obtient le divorce, l'époux coupable, contre lequel cette preuve aura été faite et parce qu'elle aura été faite, en tirera le bénéfice de rentrer en possession de tout ce qu'il a donné à son conjoint. (Voy. le numéro précédent.)

Sic Huc, t. II, no 410.

Contrà: DALL., Rép., Supp., vo Divorce et séparation de corps, no 571.

801. La révocation n'a pas d'effet rétroactif. Avant qu'elle ait eu lieu, l'époux coupable peut donc valablement disposer des choses données, mais il sera, envers l'époux donateur, débiteur de l'avantage retiré de l'aliénation. Les actes de disposition, postérieurs au divorce, sont nuls, bien que les tiers aient traité dans l'ignorance du divorce, aucune loi ne prescrivant des mesures de publicité.

Sic Pand. belges, vo Divorce, nos 1401 et s.; DALL., Rép., Supp., vo Divorce et séparation de corps, no 582; — Huc, t. II, no 408.

802. C'est avec le caractère, qu'ils avaient, que l'époux qui a obtenu le divorce conserve les avantages que l'autre lui a faits. (Voy. art. 1452, 1518 du code civ.) Les donations faites pendant le mariage restent donc révocables.

L'article 300 n'a pas pour objet de donner à l'époux, qui a obtenu le divorce, une situation pécuniaire meilleure que celle qui eût été la sienne, si le mariage n'avait pas été dissous; cette disposition a uniquement pour but d'empêcher que, par suite du divorce, cet époux n'éprouve un préjudice.

Comme le disait Treilhard, dans l'Exposé des motifs, << on a dû distinguer l'époux demandeur dont les plaintes sont justifiées, de l'époux défendeur dont les excès « sont reconnus constants. Le premier ne peut et ne doit « être exposé à la perte d'aucun des avantages à lui faits par le second il les conservera dans toute leur intégrité ». (Séance du Corps législatif du 30 ventôse an XI.)

Or, si les donations faites pendant le mariage devenaient irrévocables, l'époux qui a obtenu le divorce ferait plus qu'éviter une perte; il réaliserait un bénéfice, chose que la loi n'a pas voulue.

Sic trib. Fougères, 4 janvier 1893, SIR. et J. Pal., 1895, 2, 285; — Pand.

belges, vo Divorce, nos 1441 et s.;— Pand. fr., Rép., vo Divorce, no 2699; DALL., Rép., Supp., vo Divorce et séparation de corps, no 584;

t. II, n° 409.

Contrà ARNTZ, t. Ier, no 468.

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- HUC,

803. Lorsque les deux époux obtiennent le divorce, ils perdent chacun, par application de l'article 299, les avantages que l'autre lui a faits; le divorce en effet aura été admis contre chacun d'eux.

Sic Besançon, 28 avril 1875, D. P., 1878, 2, 63; — Pand. fr., Rép., vo Divorce, no 2689; DALL., Rép., Supp., vo Divorce, no 585. Comp. infra, no 809.

No 2. DE LA PENSION ALIMENTAIRE.

804. L'époux qui a obtenu le divorce, a le droit, s'il est dans le besoin et même si ses parents peuvent lui fournir des aliments, de réclamer une pension alimentaire à son conjoint (art. 301). Elle doit être accordée par le jugement qui admet le divorce. Régie par les principes généraux sur les aliments, elle peut, contrairement au texte de l'article 301, dépasser le tiers des revenus de l'époux défendeur, doit être fixée en tenant compte non seulement des revenus, mais encore du capital du débiteur, donc d'après les besoins du créancier et les ressources du débiteur. Elle prend fin à la mort de ce dernier.

L'interprétation de l'article 301 du code fait encore l'objet d'une vive controverse; nous ne pouvons nous rallier à la solution adoptée par Laurent.

Le savant auteur, après avoir, avec raison, constaté que l'époux innocent ne peut exercer son droit à une pension alimentaire que dans les limites établies par l'article 301, en dé luit, à tort comme nous le verrons, que la pension doit étre accordée par le jugement admettant le divorce; puis, abandonnant aussitôt les principes qu'il vient de poser, il assimile complètement l'obligation dérivant de l'article 301 à l'obligation résultant des articles 212,214 du code, la considère comme régie par les règles qui gouvernent les créances alimentaires ordinaires et aboutit

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à cette conclusion, que la pension doit être calculée en tenant compte du capital comme du revenu, et qu'elle peut dépasser le tiers des revenus, bien que l'article 301 dise expressément qu'elle ne peut l'excéder.

Cette conclusion, manifestement contraire au texte de la loi, doit faire douter de la justesse de l'assimilation faite par Laurent entre le droit à la pension accordée par l'article 301 et l'obligation alimentaire, assimilation dont cette conclusion est la conséquence nécessaire.

Par suite du divorce, les obligations qui dérivent du mariage disparaissent; de même que les époux ne se doivent plus fidélité, ils ne se doivent plus secours et assistance. (Voy. supra, no 758.) Toutefois, il y aurait eu évidente injustice à permettre que l'époux innocent, forcé par l'inconduite de son conjoint à poursuivre la dissolution du mariage, subisse à raison de ce fait un préjudice; pour ce motif, l'article 300 lui assure la conservation des avantages que l'autre époux lui a fait. Il se peut toutefois qu'aucun avantage ne lui ait été consenti, ou que ceux qui ont été stipulés, soient insuffisants pour assurer sa subsistance; dans ce cas, le divorce causera une perte à l'époux innocent, parce qu'il aurait pu, si le mariage avait continué, exiger, en vertu de l'article 212, que son conjoint lui fournisse des secours; pour l'indemniser de ce dommage, l'article 301 lui donne, dans ce cas, droit à une pension alimentaire.

Ce droit a certains caractères communs avec les créances alimentaires, précisément parce qu'il est accordé pour dédommager l'époux qui a obtenu le divorce du préjudice que lui cause la privation du droit, ouvert à ce moment à son profit, de réclamer des aliments à son conjoint. Donné pour réparer une perte, il s'éteindra si le dommage est réparé; c'est pourquoi la loi dit que la pension est révocable si elle cesse d'être nécessaire.

A raison de cette affinité entre le droit concédé par l'article 301 et le droit aux aliments, la pension, dont l'octroi est autorisé par cette disposition, est appelée alimentaire par la loi, mais il ne faut pas déduire de là une identité complète entre elle et les aliments.

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