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de la nationalité française à ce fils d'étranger: il doit d'abord être né en France, et ensuite y être domicilié à sa majorité. Ce n'est donc qu'à ce dernier instant qu'il peut réunir les conditions requises par la loi; c'est par conséquent à ce moment-là seulement qu'il est Français.

C'est une erreur, dit-on; la loi le déclare Français dès sa naissance, mais subordonne cette qualité à une condition résolutoire : il peut à sa majorité décliner la nationalité française, et, s'il le fait, il sera par suite de l'effet rétroactif de la condition regardé comme n'ayant jamais été Français.

Cette objection est contraire au texte de la loi : celuici ne déclare Français l'enfant né en France d'un étranger que s'il y est domicilié à sa majorité; c'est donc en envisageant l'instant de la majorité de l'enfant, et non celui de sa naissance, que la loi a fixé sa nationalité.

L'article 9 prouve l'exactitude de notre solution; il dit, en effet, que l'enfant mineur, né en France d'un étranger, peut réclamer la qualité de Français par une déclaration faite en son nom par son père; c'est donc que durant sa minorité il n'est pas Français.

Sic Cass. Fr., 22 décembre 1894, la Loi, 12 avril 1895; J. Pal., SIR., et Pasic. fr., 1895, I, 155; 19 décembre 1891, D. P., 1893, 1, 329; Pasic. fr., et SIR., 1892, I, 107, et la note; - Paris, 29 juin 1893, SIR., et Pasic. fr., 1894, 2, 303; - LE SUEUR et DREYFUS, la Nationalité, p. 161.

Il est à remarquer, toutefois, que l'individu né en France d'étrangers qui n'y sont pas nés, est Français dès sa majorité, si à cette époque il est domicilié en France; il a cette qualité de plein droit; il ne peut la perdre qu'en faisant la déclaration exigée par la loi, et alors il est considéré comme un Français qui a perdu sa nationalité (art. 17, 2o, et voy. infra no 196). En se plaçant à ce point de vue, on peut dire, comme l'a fait le rapporteur de la loi à la Chambre des députés, que la qualité de Français appartient à cet individu de par sa naissance sur le sol français.

Mais si à sa majorité il ne réalise pas la condition de domicile, il reste étranger, même si c'est malgré lui qu'il

n'est pas domicilié, par exemple parce qu'il est expulsé du pays.

Sic Cass. Fr., 22 décembre 1894, la Loi, 12 avril 1895, J. Pal., SIR., et Pasic. fr., 1895, 1, 155 et comp. la note (1).

Voy. SIR., Lois annotées, 10o série, notes 9-10, p. 580, les paroles de M. Dubost, rapporteur à la Chambre.

137. La réalisation de la condition de domicile prévue par l'article 8, 4° a-t-elle un effet rétroactif, de telle sorte que l'individu resté étranger jusqu'à sa majorité doit être, si à ce moment il est domicilié en France, considéré comme ayant été Français depuis sa naissance? Nous ne le pensons pas.

Le principe de la rétroactivité des conditions, établi pour les conventions (art. 1179 du code civil) et étranger par conséquent à notre matière, ne peut être invoqué.

La loi se borne à dire que l'individu qui réunira à telle époque certaines conditions, sera Français; il n'y a aucune raison pour admettre que parce que cet individu a accompli ces conditions à la date fixée, il sera regardé comme ayant toujours été Français; ce serait consacrer une fiction dont la loi ne parle pas et qui ne pourrait cependant exister que si elle avait été créée par la loi.

L'article 20, il est vrai, déclare expressément que dans certains cas qu'il détermine, l'acquisition de la nationalité française n'aura pas d'effet rétroactif, et il ne vise pas l'article 8, 4°. Cette circonstance est sans importance; elle résulte, en effet, de ce qu'au moment où a été rédigé l'article 20, l'article 8, 4° n'existait pas et que l'article 9 contenait seul les règles relatives à l'individu né en France d'un étranger.

Il serait, au surplus, incompréhensible que dans le cas de l'article 8, 4°, l'acquisition de la qualité de Français ait un effet rétroactif, alors qu'elle ne l'a pas dans les hypo

(1) Nous ne pouvons, dans un ouvrage de droit civil, discuter la question de savoir si le gouvernement a le droit d'expulser l'individu qui se trouve dans le cas prévu par l'articl 8; 4o nouveau et de le mettre ainsi dans l'impossibilité d'accomplir la condition de domicile prévue par cette disposition.

Tome Jer

thèses prévues par l'article 9: Il est possible, en effet, que l'individu né en France d'un étranger qui n'y est pas né, soit avant sa majorité devenu Français parce que la déclaration prévue par l'article 9 aura été faite en son nom; celle-ci n'aura pas eu d'effet rétroactif (art. 20); si à 21 ans cet individu est domicilié en France, il est certain qu'à cause de ce fait, lui qui jusqu'alors n'avait été Français que depuis l'époque de sa déclaration, ne pourra être considéré comme ayant été Français depuis sa naissance; dès lors, il est clair que le même fait n'aurait pu avoir pareil effet si au lieu de devenir Français pendant sa minorité, cet individu avait attendu sa majorité pour obtenir cette qualité.

Sic LE SUEUR et DREYFUS, la Nationalité, p. 164.

No 4. DE L'ENFANT NÉ D'UN FRANÇAIS QUI A PERDU SA QUALITÉ
DE FRANÇAIS.

138. Si l'enfant naît avant que le père perde la quanos 340,341. lité de Français, il est Français; s'il naît après, il peut

acquérir la qualité de Français en remplissant les formalités prescrites par l'article 9 (art. 10). Ce privilège lui est accordé en faveur de son origine; c'est à cause de celle-ci que la loi dit qu'il recouvre la nationalité française et non qu'il l'acquiert. Cet enfant peut se prévaloir de l'adage qui attribue à la conception le même effet qu'à la naissance.

La question de savoir si cet adage peut être invoqué par l'enfant conçu avant l'abdication que le père fait de sa nationalité, doit recevoir la solution admise supra no 116.

En France, en vertu du nouvel article 10, le bénéfice de cette disposition ne peut plus être demandé par l'individu qui, domicilié en France et appelé sous les drapeaux lors de sa majorité, a revendiqué la qualité d'étranger.

Cette déchéance ne peut toutefois atteindre celui qui pendant sa minorité a demandé, à titre d'étranger, à ne pas être soumis aux obligations du recrutement en France,

Sic Cass. Fr., 26 octobre 1891, SIR., 1891, 1, 537; D. P., 1892, 1, 41; – Douai, 9 juillet 1890, SIR., et Pasic. fr., 1892, 2, 272.

139. L'article 10 est-il applicable à l'enfant d'un Français ayant perdu cette qualité par suite d'un démembrement du territoire?

Incontestablement oui : le texte ne fait pas de distinction, et toute distinction serait en contradiction avec les motifs de la loi celle-ci accorde un privilège à l'enfant étranger qui peut invoquer la faveur de son origine française; or, quelle que soit la cause de la perte par le père de sa qualité de Français, l'origine française de l'enfant existe; et si le père a changé de nationalité malgré lui, c'est une raison pour que cette origine soit d'autant plus prise en considération. (Voy. observations de Regnaud de Saint-Jean d'Angély au conseil d'Etat, séance du 6 thermidor an Ix.)

Cependant la jurisprudence belge admet la solution contraire. Elle se base sur les travaux préparatoires.

Certes, au cours de ceux-ci, il a été surtout question de l'enfant du Français, qui a volontairement abandonné sa nationalité, et il est compréhensible qu'on ait déduit de là l'inapplicabilité de l'article 10 à l'enfant du Français qui contre sa volonté a été dépouillé de sa nationalité. Mais un examen attentif des discussions montre que celles-ci ne sont pas suffisamment explicites pour permettre d'introduire dans le texte une distinction que l'esprit de la loi repousse les auteurs du code, en effet, semblent avoir considéré avec Pothier que les naturels des provinces cédées perdaient volontairement leur nationalité, attendu qu'il dépendait d'eux de la conserver en venant s'établir dans une province non cédée : « Comme ils ne perdraient », enseignait Pothier, - la qualité de citoyens, qui leur était acquise, en continuant de demeurer dans la province démembrée, que parce qu'ils seraient passés sous une domination étrangère et qu'ils reconnaîtraient un autre souverain, il s'ensuit que, s'ils restent toujours sous la « même domination, s'ils reconnaissent le même souverain, << ils continuent d'être citoyens. » (Traité des personnes, - partie 1re, tit. II, sect. 1re, critiqué par LAURENT, t. Ier, n° 361. Voy. observations du premier consul au conseil d'Etat, séance du 14 thermidor an Ix).

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Tome Ier no 342.

Le plus souvent d'ailleurs, le sort de ces enfants est réglé par des lois spéciales.

Les passages des travaux préparatoires analysés ci-dessus sont rapportés dans LOCRÉ, t. Ier, p. 351, no 7; p. 361, no 4; p, 365, no 22.

Voy., dans notre sens, Cass. Fr., 26 octobre 1891, SIR., 1891, 1, 537 et la note; D. P., 1892, 1, 41; - Douai, 3 juillet 1889, SIR, 1890, 2, 229 et la note; Pand. fr., 1890, V, 46; · Huc, t. Ier, no 263; · LE SUEUR et DREY

FUS, la Nationalité, p. 141.

Comp. DALL., Rép., Supp., vo Droits civils, no 104; — infra no 202.

Contrà: Cass. B., 13 mai 1889, Pasic., 1889, I, 218; Pand. pér. belges, 1889, p. 1694; -2 mai 1887, Pasic., 1887, I, 223.

140. L'article 10 est-il applicable à l'enfant né d'un étranger qui, après avoir été naturalisé Français, est redevenu étranger?

L'affirmative nous paraît certaine.

L'étranger naturalisé est Français; si plus tard il redevient étranger, son enfant, né après ce nouveau changement de nationalité, est évidemment né d'un Français qui a perdu cette qualité.

Sic DALL., Rép., Supp., vo Droits civils, no 104.

141. L'enfant né d'un Français qui a perdu cette qualité peut toujours, après sa majorité, devenir Français. Cette majorité est fixée par le statut étranger.

Quant au premier point: Sic AUBRY et RAU, t. Ier, § 70, 240, note 15; DALL., Rép., Supp., vo Droits civils, no 101. Contrà: GUICHARD, Tr. des Droits civils, t. Ier, no 70; · DELVINCOURT, t. Ier, p. 23, no 6. Ces auteurs enseignent que le droit de faire la déclaration est ouvert à l'enfant pendant sa minorité.

Quant au deuxième point: voy supra, no 129.

La loi belge du 16 juillet 1889 a modifié l'article 9 du code civil et a admis que la déclaration pouvait être faite dès l'âge de 18 ans, moyennant certaines conditions (supra n° 130). L'article 10 du code se réfère à l'article 9; par conséquent la déclaration qu'il prévoit pourra désormais être faite dès l'âge de 18 ans.

Cette solution qui découle du texte même de l'article 10, résulte également des motifs de la loi de 1889. Celle-ci a eu pour cause le désir de faire disparaître les

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