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leurs succès mutuels. C'est là, messieurs, un grand et nouveau spectacle, si grand, si nouveau, permettez-moi de le dire, que les hommes qui n'ont pas l'esprit un peu gran d, l'âme un peu haute ne veulent pas y croire.

» On nous dit tous les jours que cela est impossible. Notre réponse à nous, la voici: cela est.

» Notre temps est destiné à offrir de grands spectacles, à donner bien des démentis à ceux qui ne le croient pas capable de grandes choses. Le monde a vu notre révolution de 1830, sa modération, sa magnanimité. Qui l'aurait cru? C'est là un grand, c'est un immense spectacle. Nous en avons donné un autre, la conduite de notre gouvernement depuis 1830, sa modération, sa générosité, un gouvernement libéral et conservateur le lendemain d'une révolution, et qui reste pendant quatorze ans libéral et conservateur. C'est aussi là un grand spectacle.

» Eh bien! nous en donnons encore un autre, le spectacle de la paix, de la paix sincère et sérieuse entre deux grandes nations fières et jalouses. C'est là un spectacle qui fait l'orgueil de notre temps et l'orgueil du cabinet auquel j'ai l'honneur d'appartenir, du cabinet qui n'a fait à ce grand résultat aucune concession, aucun sacrifice qui puisse être regardé comme une perte réelle, comme une perte illegitime pour les intérêts du pays.

» Messieurs, si pour obtenir de tels résultats il fallait savoir être patient et attendre longtemps la justice du pays, nous saurions nous y résigner et attendre mais la justice du pays ne nous a pas manqué; c'est elle qui nous a encouragés et soutenus dans cette difficile carrière; nous attendrons avec désir, mais avec patience, la justice de l'opposition. »

Après ces débats politiques, la discussion générale fut close et la Chambre s'occupa de la question financière.

L'art. 1er du projet, qui portait à 23 millions 87,620 fr. la totalité des crédits supplémentaires pour 1843, fut adopté (1er juin).

Les crédits relatifs aux départements de l'Intérieur et des Travaux publics furent votés sans discussion.

L'examen des crédits relatifs à la marine fut renvoyé à la discussion du projet de loi portant demande d'un crédit spécial de 8 millions pour les dépenses de la marine en 1844 (1).

(1) Voy. pour ce département la discussion du budget de 1845, où nous avons réuni tout ce qui est relatif à la marine.

Les débats portèrent ensuite sur une demande d'indemnité faite par les maîtres de poste. L'année dernière, le gouvernement avait alloué aux maîtres de poste une somme de 136,000 fr., non pas à titre d'indemnité, mais à titre de subvention. Cette année, il proposait de leu rallouer encore une subvention de 180,000 fr. La commission conclut à la ratification de la première allocation, mais au rejet de la seconde. La Chambre alla plus loin, elle rejeta jusqu'au premier crédit et adopta ensuite le projet de loi pour 1843 et 1844, à la majorité de 163 votants contre 67.

Le crédit extraordinaire de 7 millions 673,859 fr. pour dépenses de l'Algérie en 1844 devait être l'occasion de plus sérieux débats.

Le rapport de M. le général Bellonet signalait un heureux accord entre la commission de la Chambre et M. le ministre de la Guerre. Voici les points principaux sur lesquels portaient les observations de la commission : 1° la question de l'effectif; 2° une réduction de 10,000 fr. sur les travaux extraordinaires à exécuter en 1845; 3° un article additionnel qui ordonnerait qu'à dater de 1846 le budget spécial de l'Algérie et le compte définitif de ce service seraient annexés au budget de l'État et au compte du département de la Guerre.

Quant à l'effectif, le gouvernement demandait 15,000 hommes. Il était convenu entre les commissions de finances de la Chambre et le gouvernement que ce n'était pas là une nouvelle augmentation de l'effectif, mais le maintien de ce qui avait déjà été voté. L'effectif total pour 1844 serait par là porté au chiffre de 354,340.

Par le retranchement de 10,000 fr., applicable aux travaux des postes de Reniet-el-Ibad, Bogar, Tiaret, Saïda et Sebdou, sur un crédit total de 90,000 fr., la commission avait voulu restreindre le système de colonisation étendue et le système de fortification.

La discussion s'ouvrit sous l'impression de victoires récentes remportées dans le Jurjura sur la puissante tribu des Flissas (voy. Colonies), et des menaces prochaines d'une guerre plus sérieuse avec le Maroc (voy. chapitre VII). Toutefois le temps n'est plus où l'on voyait se succéder à la tribune les adversaires de la colonisation et les partisans moins absolus de l'occupation restreinte. C'est à peine si M. Joly persista, quoiqu'avec une plus grande modération qu'à l'ordinaire, dans ses préjugés contre une conquête désormais consacrée par le succès (5 juin).

Un des anciens adversaires de l'occupation française en Algérie, M. Gustave de Beaumont, récemment arrivé d'un voyage dans notre colonie, en rapportait des préventions tout opposées et des espérances toutes nouvelles. L'éminent publiciste vint appuyer de ses lumières et de l'autorité de sa parole les demandes que la commission proposait de réduire. Les postes militaires auxquels s'appliquait le crédit de 90,000 fr. étaient destinés à maintenir les arabes du désert; ils gardaient l'extrême limite du Tell; et en Algérie, disait M. de Beaumont, qui est maître du Tell est maître du Sahara, car c'est dans les plaines du Tell que les arabes du désert viennent chercher les grains nécessaires à leur subsistance.

La réduction proposée par la commission fut repoussée par la Chambre à une grande majorité.

L'autre amendement de la commission, relatif à l'annexion du budget particulier de l'Algérie, à la comptabilité générale du pays, fut, sur la proposition de M. Odilon-Barrot et de l'aveu du ministère, retiré par la commission, sous la réserve expresse que la question soulevée par cet amendement serait examinée et, au besoin, résolue par la commission du budget.

Les crédits de l'Algérie furent votés par la Chambre à la majorité de 190 voix contre 53 (7 juin).

Budget. Le budget des dépenses et des recettes pour 1845 avait été hautement annoncé par le discours du Trône comme réalisant enfin l'équilibre si désirable entre les dépenses et les recettes. M. le ministre des finances vint renouveler cette assurance, accueillie, il faut le dire, avec quelque incrédulité. Ce n'était pas, dit M. Lacave-Laplagne, en atténuant provisoirement les besoins, à charge de recourir aux crédits supplémentaires ; ce n'était pas non plus en grossissant les évaluations des ressources qu'on était parvenu à ce résultat. L'accroissement des produits indirects, les ressources que procureraient diverses dispositions de lois ou d'ordonnances; les économies qu'un examen sévère avait permis de réaliser sur quelques parties des dépenses publiques, tels étaient les moyens par lesquels on avait pourvu aux augmentations et rempli l'intervalle de 23 millions environ qui séparait de l'équilibre la balance du budget précédent.

Mais avant d'entrer dans les détails du budget, M. le ministre examinait quelle serait la situation financière au moment de l'ouverture de l'exercice 1845, et quelles modifications elle avait subies depuis la présentation du budget de 1844.

Le découvert de l'exercice 1840 avait été définitivement fixé par la loi à 138 millions 4,530 fr.; celui de l'exercice 1841, porté d'abord à 24 millions 500,570 fr., avait été réduit par des rectifications postérieures à 18 millions 695,725 fr., et cependant le chiffre primitif, lors de la présentation du budget de 1843, avait été de 99 millions 969,594 fr. L'énorme diminution de plus de 80 millions qu'il avait subie ne pouvait évidemment provenir en entier des annulations définitives de crédits. Le transport à l'exercice suivant de crédits non encore employés y entrait pour une somme considérable, sur laquelle il avait été dépensé, en 1842, 42 millions 686,203 fr. pour travaux extraordinaires et fortifications.

Par suite de ce transport, le découvert de l'exercice 1842, évalué par la loi du budget à 115 millions 804,934 fr., avait été porté en prévision à 157 millions 103, 72 fr. Tout portait à croire que cette évaluation était exagérée, et les faits reconnus en janvier 1844 faisaient espérer une amélioration de 47 millions 287,317 fr.

Mais, de plus, l'exercice 1842 avait eu à supporter, comme on vient de le voir, des dépenses léguées par les exercices antérieurs. Si l'on dégageait cet élément étranger, on trouvait que l'excédant des dépenses sur les recettes propres à cet exercice n'était plus que de 67 millions 130,452 fr., ce qui donnait, entre l'évaluation primitive du découvert de 1842 et sa fixation actuelle, une amélioration réelle de 44 millions 284,975 fr.

Quant au budget de 1843, se réglerait-il aussi dans une condition meilleure que lorsqu'il avait été voté? On pouvait espérer, selon M. le ministre, une amélioration notable, sans toutefois se flatter d'obtenir une atténuation aussi considérable que sur l'exercice 1842. Tous reports et crédits supplémentaires compris, le découvert de l'exercice 1843 semblait devoir atteindre environ 69 millions.

L'exercice 1844 ne pouvait donner lieu qu'à des appréciations conjecturales, et M. Lacave-Laplagne pensait pouvoir réduire, par aperçu, à 25 millions environ le découvert de cet exercice, qui s'élevait, d'après le budget et trois lois spéciales votées dans la session dernière, à 27 millions 427, 836 fr.

En résumé, à la présentation du budget de 1843, le découvert des trois exercices 1840, 1841 et 1842 avait été évalué à 372 millions 443,207 fr.

L'année suivante le découvert des quatre exercices, 1840 à 1843, était présumé devoir s'élever à 371 millions 609,072 francs.

Aujourd'hui on trouvait, pour le total des découverts des

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