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APPENDICE.

DOCUMENTS HISTORIQUES.

PARTIE OFFICIELLE.

FRANCE.

INTÉRIEUR.-LOIS ET ORDONNANCES.

ORDONNANCE du roi, concernant la portion accordée sur le produit de leur travail aux condamnés détenus dans les maisons centrales de force et de correction.

De cinq dixièmes pour les condamnés à l'emprisonnement de plus d'un an.

ART. 2. Les détenus qui auront subi une première condamnation profiteront seulement, savoir :

Les condamnés aux travaux forcés,

Au palais des Tuileries, le 27 dé- s'ils ont été condamnés précédemment cembre 1843.

LOUIS-PHILIPPE, roi des Français, etc.

Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'Etat au département de l'intérieur ;

Vu les art. 16, 21, 41 et 72 du Code pénal;

Vu l'ordonnance du 2 avril 1817;
Notre Conseil d'Etat entendu,
Nous avons ordonné et ordonnons ce
qui suit?

ARTICLE 1. A partir du 1er avril 1844, la portion accordée sur le produit de leur travail aux condamnés détenus dans les maisons centrales de force et de correction sera, savoir:

De trois dixièmes pour les condamnés aux travaux forcés détenus conformément aux art.16 et 72 du Code pénal. De quatre dixièmes pour les condam nés à la reclusion;

Ann. hist. pour 1844. App.

à la même peine, du disième du produit de leur travail, et de deux dixièmes, si la première peine était la reclusion ou l'emprisonnement à plus d'un

an;

Les condamnés à la reclusion, s'ils ont été précédemment condamnés aux travaux forcés, de deux dixièmes; et de trois dixièmes, si la première peine était la reclusion ou l'emprisonnement de plus d'un an;

Les condamnés à l'emprisonnement de plus d'un an, s'ils ont été précédemment condamnés aux travaux forcés ou à la reclusion, de trois dixièmes, et de quatre dixièmes, si la première peine était l'emprisonnement de plus d'un an.

ART. 3. La portion du produit du travail attribuée conformément à l'article qui précède sera diminuée d'un dixième pour chaque coudamnation qui aura suivi la première. Dans aucun cas

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cette portion ne pourra être inférieure au dixième du produit du travail.

ART. 4. Des retenues totales ou par tielles sur le pécule pourront être prononcées par arrêté du préfet, soit à titre de punition individuelle, soit pour assurer la réparation du dommage causé. 1. Contre les condamnés qui se seront rendus coupables d'infraction à la discipline;

2° Contre ceux qui auront commis des dégâts au préjudice du trésor, de l'entreprise générale du service des fabricants ou toute autre personne, ou qui n'auront pas accompli leur tâche de travail.

ART. 5. Le pécule des condamnés sera divisé en deux parties égales: l'une sera employée à leur profit, pendant leur captivité, par les soins de l'administration; l'autre sera mise en réserve pour l'époque de leur sortie.

Les objets auxquels pourra être employée la portion du pécule dont il peut être disposé dans la prison seront déterminés par notre ministre-secrétaire d'Etat de l'intérieur.

ART. 6. Notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur est chargé de l'exécution de la présente ordonnance.

LOUIS-PHILIPPE.

Par le Roi:

Le ministre secrétaire d'Éau département de l'intérieur

T. DUCHATEL.

L'ordonnance était précédée du rapport suivant.

SIRE,

Dans son rapport sur le budget de 4844, la commission de la Chambre des députés s'est exprimée dans les termes suivants, au sujet des travaux

des condamnés :

La commission est d'avis qu'il y a lien de réviser l'ordonnance du 2 avril 1817, en ce qui concerne la répartition du salaire des condamnés, répartition dans laquelle il lui paraît qu'il n'a pas

été tenu un compte suffisant des sacrifices que s'impose l'Etat, sous toutes les formes, pour l'entretien et la surVeillance des détenus.

Le gouvernement de Votre Majesté a reconnu depuis longtemps la nécessité de donner des bases nouvelles à la répartition du produit du travail des condamnés. Diverses instructions relatives à l'administration des prisons ont annoncé l'intention d'accroître la part du Trésor. Des considérations de haute moralité publique, dit la circulaire du 10 mai 1839, qui accompagne le règlement disciplinaire des maisons centrales, exigeront un jour, et bientôt peut-être la réforme d'un ordre de choses qui consiste à fournir aux condamnés, aux frais de la société qu'ils ont troublée, une nourriture suffisante et saine, des vêtements, un coucher, en un mot, tous les premiers besoins de la vie, et à mettre en même temps à leur disposi tion les deux tiers du produit de leur travail. Ce n'est pas là, il faut bien le reconnaître, la condition pénale qu'a voulu faire la loi. »

L'instruction du 28 août 1842, sur le projet de sociétés de patronage pour les libérés adultes, s'est exprimée dans les termes suivants:

. Mon administration est depuis long-temps pénétrée de la nécessité de modifier les bases d'une répartition aussi onéreuse pour le Trésor.

La France est aujourd'hui le seul pays où la société ne demande aux condamnés que le tiers du produit de leur travail, en échange des dépenses qu'elle fait pour eux. A Berne, tout Condamné doit d'abord gagner 75 c. par jour, avant de rien recevoir pour son compte, et cette disposition est même d'obligation rigoureuse dans nos pénitenciers militaires. En présence de ces faits, en présence surtout de ce qui se passe au pénitencier militaire de Saint-Germain, vous comprendrez sans peine, monsieur le Préfet, que le gouvernement ait pris la résolution de faire rapporter incessamment par une ordonnance spéciale les dispositions de celle du 2 avril 1817, relatives au salaire des condamnés, ▾

Dans l'exposé des motifs du projet de loi sur les prisons, présenté à la

Chambre des Députés au mois de mai par l'ordonnance de 1817, fera une
chose juste et morale.
dernier, il est dit encore :

Aujourd'hui l'administration ne
retient aux condamnés que le tiers du
produit de leur travail. Cette propor-
tion n'est pas
suffisante, et le principe
qui attribue aux détenus un droit de
propriété sur une partie des fruits de
leur travail n'est ni vrai ni moral...
Toutefois, comme il ne faut pas ap-
pliquer les principes avec rigueur, et
comme, d'un autre côté, le succès
des projets qui pourront être adoptés
pour le patronage des libérés exige
que l'administration soit investie d'une
Certaine latitude, quant à la disposi-
tion du produit du travail des détenus,
le projet de loi, après avoir posé le
principe général, porte qu'une partie
du produit pourra leur être accordée,
en vertu d'un règlement d'administra-
tion publique, qui déterminera la pro-
portion selon les diverses catégories
de détenus et les conditions... »

La majorité de la commission de la chambre des députés, chargée de l'examen du projet, a adopté sur ce point les principes du gouvernement. Cependant, dit le rapport, comme elle trouvait utile d'établir dans la loi, quant au salaire, une gradation analogue à celle du Code pénal, après avoir adopté l'article du projet, elle y a ajouté une disposition d'après la quelle l'administration ne peut accorder aux condamnés aux travaux forces plus des trois dixièmes du produit de leur travail; aux condamnés à la réclusion plus des quatre dixièmes, et aux condamnés à l'emprisonnement plus des cinq dixièmes, »

J'ai pensé, Sire, que le moment était venu, sans attendre la nouvelle législation qui se prépare sur l'administration des prisons du royaume, de procéder à une répartition plus juste du produit du travail des condamnés qui subissent leur peine dans les maisons de forcé et de correction. Un projet d'ordonnance, qui a pour objet dé réaliser cette réforme, vient d'être soumis à l'examen du conseil d'Etat, dont il a obtenu l'assentiment.

Le nouveau règlement d'administration publique, en réduisant la portion si large accordée sans distinction à toutes les catégories de condamnés

Si ce réglement a été préparé en vue des dispositions du projet de loi il présenté dans la dernière session, est, d'un autre côté, en parfaite barmonie avec les principes de législation actuelle.

Voici quel est aujourd'hui l'état de la legislation:

« Les produits du travail de chaque détenu pour délit correctionnel seront appliqués, partie aux dépenses communes de la maison, partie à lui procurer quelques adoucissements, s'il les mérite, partie à former pour lui, au temps de sa sortie, un fonds de réserve; le tout ainsi qu'il sera ordonné par des règlements d'administration publique. (Code pénal, art. 4).

D

« Tout individu de l'un ou de l'autre sexe, condamné à la peine de reclusion, sera renfermé dans une maison de force et de correction, et employe à des travaux dont le produit pourra être appliqué en partie à son profit, ainsi qu'il sera réglé par le gouvernement. (Code pénal, art. 21.)

» Les hommes condamnés aux travaux forcés seront employés aux tra vaux les plus pénibles.» (Art, 15.)

» Les femmes et les filles condam.

nées aux travaux forcés n'y seront employées que dans l'intérieur d'une maison de force.» (Art. 16.)

Ainsi toute latitude est laissée au gouvernement par le Code pénal pour la répartition du produit du travail des reclusionnaires et des correctionnels. Quant aux condamnés aux travaux forcés la loi se borne à dire qu'ils seront employés aux travaux les plus pénibles. Si elle ne dit pas qu'il pourra leur être accordé une part quelconque du produit de leur travail, elle ne défend pas non plus au gouvernement de leurrien accorder, et l'usage adopté à cet égard depuis tant d'années par l'administration de l'intérieur, comme par celle de la marine, n'a rien de contraire à la loi.

Le projet d'ordonnance a dû naturellement adopter les bases indiquées dans le rapport de la commission de la chambre des députés ; ces bases concilient d'une manière convenable les intérêts du Trésor et la nécessité d'établir des distinctions entre les diverses

catégories de condamnés. Ainsi l'article 1er de l'ordonnance accorde aux condamnés, sur le produit de leur travail :

Trois dixièmes pour les condamnés à perpétuité ;

Quatre dixièmes pour les réclusionnaires;

Cinq dixièmes pour les correctionnels.

nations. Cette mesure sévére, mais juste et indispensable, exercera une notable influence sur les effets de la répartition adoptée en principe. Au 1er juillet dernier la population des maisons centrales comprenait 7,830 récidivistes, savoir: 6,486 hommes et 1,344 femmes. On peut évaluer aux six dixièmes la portion du produit du travail des condamnés, dont profitera le Trésor. Cette portion n'est aujour d'hui que du tiers. Le travail des condamnés a donné en 1842 un produit de 2 millions 200,000 fr., et pour 1843 le chiffre de la main-d'œuvre s'élèvera probablement à 2 millions 500.000 fr. Le Trésor n'a retenu en 1842, pour le tiers qui lui est attribué dans l'état actuel des choses, que 730.000 fr. environ. D'après les bases de la nouvelle ordonnance, la part de l'Etat aurait été de 1 million 320,000 fr. Il s'agit donc de diminuer les charges du bad14,336 get d'au moins 600 000 fr. par an, et il s'en faut que les produits de la maind'œuvre dans les maisons centrales aient atteint leur derniere limite.

Il n'est pas sans intérêt de savoir dans quelles proportions les trois catégories des condamnés se trouvent dans les maisons centrales de détention. L'état numerique de la population de ces maisons présentait, au 1er juillet dernier, les résultats sui

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L'attribution aux condamnés d'une portion du produit de la main-d'œuvre doit être subordonnée à certaines con4,011 ditions. Aussi est-il déclaré par l'art. 4 qu'ils pourront en être privés pendant un certain temps, soit en totalité, 18,347 soit en partie seulement, lorsqu'ils auront été punis de la peine du cachot, lorsqu'ils auront commis des dégâts, ou lorsqu'ils n'auront pas fait leur tâche de travail. Le comité de l'intèrieur du conseil d'Etat a reconnu, par un avis du 11 novembre 1842. qu'il était juste que les condamnés payassent, sur la portion du travail dont ils sont appelés a profiter, les dépenses personnelles qu'ils font pendant qu'ils subissent une punition qui les met hors d'état de travailler. Il est tout aussi juste de les punir de la même manière pour le paiement des dégâts qu'ils commettent, ou lorsqu'ils ne travaillent pas autant qu'ils doivent le faire.

Total général de la population des maisons centrales au 1er juillet 1843......... 19,212

D'après cette situation, sur une population de 48,347 condamnés adultes, 965 recevraient trois dixiemes du produit de leur travail; 4,672 détenus quatre dixièmes, et 12,710 cinq dixiemes ou la moitié.

Mais les principes de justice et de morale veulent qu'il soit tenu compte des récidives dans le partage des produits du travail. Les art. 2 et 3 de l'ordonnance réduisent la part des condamnés en première récidive et frappent de réductions nouvelles ceux qui auront encouru plus de deux condam

L'art. 5 porte que le pécule sera divisé en deux parties égales, dont l'ane sera mise en réserve pour l'époque de la libération, ainsi que l'exige le Code pénal; l'autre servira, suivant les expressions de la loi elle-même, à procurer aux condamnés quelques adoucissements, s'ils les méritent, et encore

à pourvoir à quelques dépenses communes de la maison. Une certaine latitude doit être laissée à l'administration pour tous ces détails. L'Etat ne doit aux condamnés qu'une nourriture suffisante et saine, des vêtements et u'n coucher propres et convenables; ils subissent une peine en expiation d'un délit ou d'un crime; la société ne doit faire pour eux que les dépenses absolument indispensables.

Telles sont, Sire, les principales dispositions de l'ordonnance que j'ai l'honneur de soumettre à l'approbation de Votre majesté.

Je suis avec le plus profond respect, Sire. de Votre Majesté le très humble, très-obéissant et très-fidèle serviteur.

Le ministre-secrétaire d'Etat au département de l'intérieur.

DUCHATEL.

DISCOURS prononcé par le roi à l'ouverture de la session des Cham. bres législatives, le 27 décembre

1843.

MM. les Pains, MM. les DÉPUTÉS,

L'heureux accord des pouvoirs de l'État et le loyal concours que vous avez prété à mon gouvernement ont porté leurs fruits. Au sein de l'ordre maintenu sans effort et sous l'empire des lois, la France déploie avec confiance sa féconde activité. La condition de toutes les classes de citoyens s'améliore et s'élève. Les effets de cette prospérité nous permettront de rélablir, entre les dépenses et les revenus de l'Etat, dans les lois de finance qui vous seront incessamment présentées, un équilibre justement désiré.

Nous pouvons jouir avec sécurité de ces biens de la paix, car elle n'a jamais été plus assurée. Nos relations avec toutes les puissances sont pacifiques et amicales.

Des événements graves sont survenus en Espagne et en Grèce. La reine Isabelle II, appelée si jeuns au

fardeau du pouvoir, est, en ce moment, l'objet de toute ma sollicitude et de mon intérêt le plus affectueux. J'espère que l'issue de cet événement sera favorable à deux nations amies de la France, et qu'en Grèce, comme en Espagne, la monarchie s'affermira par le respect mutuel des droits du trône et des libertés publiques. La sincère amitié qui m'unit à la reine de la Grande-Bretagne et la cordiale entente qui existe entre mon gouvernement et le sien me confirment dans cette confiance.

J'ai conclu avec le roi de Sardaigne et les républiques de l'Equateur et de Venezuela des traités de commerce (1), et je poursuis avec d'autres états, dans les diverses parties du monde, des négociations qui, en maintenant au travail national la sécurité qui lui est due, ouvriront de nouvelles carrières à son intelligente activité.

J'ai eu la satisfaction de voir le cercle de ma famille agrandi par le mariage de mon fils le prince de Joinville avec la princesse Françoise, sœur de l'empereur du Brésil et de la reine de Portugal. Cette union, en assurant le bonheur de mon fils, ajoute une consolation de plus à celles que Dieu m'a

réservées.

Notre domination dans l'Algérie sera bientôt générale et tranquille. Sous la conduite de chefs éprouvés, parmi les quels je suis fier de compter un de mes fils, nos braves soldats ailient avec une constance admirable les fatigues de la guerre et les travaux de la paix.

Les mesures necessaires pour l'exécution du système général des chemins de fer, et pour diverses entreprises d'utilité nationale, seront soumises à vos délibérations. Un projet de loi sur l'instruction secondaire satisfera au vœu de la Charte pour la liberté d'enseignement, en maintenant l'autorité et l'action de l'Etat sur l'éducation publique.

Je contemple, MM., avec une profonde reconnaissance envers la Providence, cet état de paix honorable et de prospérité croissante dont jouit notre patrie. Toujours guidés par notre dévoument et notre fidélité à la France,

1) Voy. l'Annuaire de 1843, App, doe, hist., part. offie.

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