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trop long-temps qu'on diffère à remettre les choses sur l'ancien pied pourquoi différer encore? C'est une chose conclue et arrêtée. Vue la présente ordonnance, qu'on procède à l'exécution. Telle est notre volonté. »

Cette volonté eut son effet. Il resta peu de bonzeries dans toute l'étendue de la Chine : on en conserva deux grandes à chaque cour du Nord et du Midi, et une dans chaque gouvernement. Trente bonzes desservoient les plus grandes ; les plus petites l'étoient par un moindre nombre.

Lois civiles.

CHAPITRE VII.

Lois et procédure criminelles.

dure crimi

RIEN de plus terrible que les lois pénales Lois et procéchezles Chinois, si l'on en croit quelques-uns de nelles. nos écrivains, qui connoissoient peu la Chine. Comment un peuple naturellement doux auroit-il pu les imaginer? Sans doute l'horreur du crime pourroit les suggérer aux législateurs. On demandoit à Dracon, auteur des premières lois d'Athènes, pourquoi il attachoit la peine de mort aux plus légères fautes : C'est,

dure crimi

nelles.

Lois et procé- répondit-il, que les moindres me semblent dignes de mort, et que je n'ai pas trouvé d'autre punition pour les plus grandes. Ses lois furent adoucies par Solon; mais celles des Chinois ont rarement eu besoin de l'être.

Lenteur de la procédure.

Soin des prisons.

Ces lois sont tellement combinées, que nulle faute ne reste impunie, et que jamais le châtiment n'excède la faute. Il y a tel délit, puni de mort en France, qui n'est à la Chine qu'un sujet de correction.

La procédure criminelle des Chinois est peut-être la plus parfaite de toutes celles qui existent. Sa lenteur devient la sauve-garde de ceux qu'on accuse injustement. Les criminels n'y gagnent rien, puisque le temps découvre la vérité, et qu'elle ne peut pas leur être favorable. Tout accusé est soumis à l'examen de cinq à six tribunaux; chacun d'eux revoit la procédure, et l'information n'est pas uniquement dirigée contre l'accusé, elle l'est aussi contre les accusateurs et contre les témoins; genre de précaution aussi louable que nécessaire, et qui n'existe qu'à la Chine.

Il est vrai que l'accusé reste en prison jusqu'à la fin du procès; mais ces prisons ne sont point d'horribles et sales repaires, comme celles de tant d'autres nations. Elles sont spa

Lois et procé

nelles.

cieuses, commodes même jusqu'à un certain point. Un mandarin est chargé de les visiter dure crimisouvent; il le fait avec d'autant plus d'exactitude, que s'il y a des malades, il est obligé d'en répondre. C'est lui qui préside aux soins qu'on leur donne, qui fait venir les médecins, et fournit les remèdes aux dépens de l'empereur. Si l'un de ces malades meurt, le prince en doit être instruit, et souvent, il ordonne aux mandarins supérieurs d'examiner sile mandarin, inspecteur des prisons, a fait son devoir.

La différence des délits règle celle des châtiments. La moindre de toutes les punitions, c'est la bastonnade. Elle n'est destinée à châ- Bastonnade. tier que les fautes les plus légères. Leur plus ou moins de gravité détermine le nombre des coups de bâton; mais le moindre nombre est toujours de vingt alors elle n'est envisagée que comme une simple correction paternelle ; elle n'a plus rien d'infamant. Souvent même l'empereur la fait donner à quelques-uns de ses courtisans; ce qui n'empêche pas qu'il ne les reçoive ensuite, et ne les traite aussi bien qu'auparavant.

Ce bâton, ou pane-tsée, est de bambou, un peu aplati et large du bas, poli vers le haut,

nelles.

et

Lois et procé pour être manié plus aisément. Tout mandadure crimi- rin, dans l'exercice de ses fonctions, peut infliger ce châtiment, et le nombre des coups est déterminé selon la nature des fautes. Lorsqu'il tient son tribunal, il est assis devant une table, sur laquelle est placée une bourse remplie de petits bâtons : il est entouré d'officiers subalternes, munis chacun d'un pane-tsée, qui n'attendent que le signal du mandarin pour en faire usage. Lorsque le cas se présente, celui-ci tire de la bourse un des bâtonnets qu'elle renferme, et le jette dans la salle d'audience. Aussitôt on saisit le coupable, on l'étend ventre contre terre, on abaisse son haut-dechausse sur ses talons, et un estafier lui applique fortement cinq coups de pane-tsée. Un autre lui succède, et applique cinq autres coups au patient, si le mandarin tire un autre bâtonnet de son étui; et ainsi de suite, jusqu'à ce que le juge ne fasse plus aucun signal. Ce n'est pas tout, le coupable doit se mettre à genoux devant le magistrat, se courber trois fois jusqu'à terre, et le remercier du soin qu'il prend de le corriger.

La peine du carcan est aussi en usage à la Chine; mais le criminel n'y est point attaché; il le porte avec lui. Ce carcan, que les Por

nelle.

crimi

tugais ont nommé cangue, est composé de Lois et procédeux morceaux de bois échancrés par le mi- dure lieu, et qui, lorsqu'on les rapproche, peuvent contenir dans leur centre le cou d'un homme ou d'une femme. On les pose sur les épaules du coupable, on les réunit, et dès-lors il ne peut plus ni voir ses pieds, ni porter ses mains à sa bouche; il ne mange plus qu'avec le secours d'autrui, et il ne peut quitter ce triste fardeau ni le jour ni la nuit. Son poids ordinaire est de cinquante à soixante livres; mais on en a vu qui pesoient jusqu'à deux cents. Sa pesanteur est plus ou moins considérable, selon que le délit est plus ou moins grand.

La durée de ce supplice, pour le vol, pour avoir troublé ou l'ordre public ou le repos d'une famille, pour avoir été reconnu joueur de profession, etc., est communément de trois mois. Le coupable n'a point la liberté de se réfugier chez lui : il est en station, durant tout ce temps, soit dans une place publique, soit à la porte d'une ville ou d'un temple, ou même du tribunal qui l'a condamné. Le temps de sa punition expiré, on le présente de nouveau au mandarin : ce magistrat l'exhorte amicalement à se corriger, le débarrasse de la cangue, et le congédie après lui avoir fait administrer vingt coups de bâton.

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