Images de page
PDF
ePub

Descrimes du

l'infanticide à

la Chine.

parce que le préjugé public attache je ne sais quelle gloire de magnanimité à attenter sur suicide et de soi-même, pour sé venger d'un ennemi qu'on ne peut écraser; on est sûr, en se tuant, de lui susciter une affaire terrible, et l'on n'est pas toujours sûr de le tuer, quelques mesures qu'on prenne; en trempant les mains dans le sang de son ennemi, on exposé toute sa famille, on la flétrit, et l'on se prive soi-même des honneurs funèbres; au lieu qu'en se donnant la mort avec intrépidité, on laisse sa femme et ses enfants avec quelque espoir d'obtenir des dédommagements, et l'on descend soimême dans le tombeau avec une sorte de gloire.

On avoit commencé, dès le temps de Confucius, à se donner volontairement la mort, pour ne pas survivre aux personnes chéries qu'on pleuroit; mais cet illustré moraliste à condamné cet excès de la piété filiale, et a proscrit le suicide comme un attentat contre nature et une frénésie aussi barbare qu'insensée. Cependant cette folie subsiste, et la sagesse des maximes du philosophe a cédé au fanatisme des passions.

On a vivement reproché à la Chine l'infanticide et l'exposition des enfants. Celui de tous

Infanticide moins

fréquent à la Chi

ne

blie.

qu'on ne le pu

Des crimes du

l'infanticide à

la Chine.

les écrivains qui a mis le plus d'amertume et suicide et de de mauvaise foi dans ce reproche, est M. John Barrow, auteur d'une relation particulière de l'ambassade de lord Macartney, dont il a fait partie (1). Il dit beaucoup de mal des Chinois; mais c'est surtout en parlant de l'exposition des enfants, qu'il se permet contre eux les assertions les plus flétrissantes: Quelles plus sinistres idées peut-on donner d'une nation que celles présentées par ce voyageur dans le hideux tableau qu'il trace de l'infanticide des Chinois ? Si ce qu'il en raconte étoit vrai, loin de compter ce premier peuple de l'Asie au rang des nations civilisées, il faudroit l'assimiler aux tribus les plus sauvages et les plus cruelles des déserts de l'Afrique.

Ecoutons le récit mensonger de M. John Barrow: « J'ose dire que l'infanticide est en» couragé par le gouvernement de la Chine, >> parce que toutes les fois que le souverain » ne cherche pas à prévenir les crimes, on » peut dire avec assurance qu'il leur prête » son appui.... L'une des obligations essen» tielles de la police de Pé-kin, c'est d'em

(1) Voyage à la Chine, trad. de l'anglais. Paris, 1805; 3 vol. in-8°.

[ocr errors]
[ocr errors]

ployer, tous les matins de bonne heure, Descrimes du >> un certain nombre de personnes à faire leur suicide et de

l'infanticide à

» ronde avec des charrettes, et à ramasser la Chine. >> tous les enfants jetés dans les rues pendant » la nuit. On ne fait jamais de recherches sur >> les parents qui ont exposé ces foibles et » innocentes créatures. On met ces enfants » dans les charrettes, et on les porte dans » une voirie hors de l'enceinte de la ville, où » on les entasse, dit-on, pêle-mêle, non-seu» lement ceux qui sont morts, mais ceux qui » vivent encore. Les missionnaires catholi»ques, établis à Pé-kin, mettent au rang de >> leurs devoirs le soin d'aller, tour-à-tour, » visiter cette horrible fosse de destruction. >> afin d'y choisir, ainsi qu'un de ces prêtres » me l'a dit lui-même, les enfants qui parois>> sent avoir plus de vivacité et de gentillesse, » pour en faire des prosélytes, et d'adminis» trer le baptême au reste de ceux qui sont >> encore vivants, pour sauver leur ame. (Tome I, page 281.).... Quand je dirai que » les chiens et les cochons se promènent li» brement dans les rues étroites de Pé-kin, » mes lecteurs pourront aisément concevoir » ce qui doit quelquefois arriver aux enfants exposés, avant que les charrettes de la

[ocr errors]

>>

Des crimes du suicide et de l'infanticide à la Chine.

>>

police aient eu le temps de les enlever.... » Il faut porter à neuf mille le nombre des >> enfants exposés, qui périssent annuellement

dans la capitale, sans compter ceux du reste » de l'empire. (Tome Iet, page 284.).... Ceux » des Chinois qui demeurent constamment » sur l'eau, s'y prennent, dit-on, d'une autre >> manière pour commettre un acte aussi dé>> naturé. Ils exposent les enfants sur un canal » ou une rivière, après leur avoir attaché une >> callebasse au cou, afin que leur tête se sou>> tienne au-dessus de l'eau, et qu'ils res» tent en vie jusqu'à ce que quelqu'un soit >> assez charitable pour les recueillir, etc. >> (Tome I, page 286.)

»

Voilà sans doute des accusations graves; on devra même les regarder comme atroces, si je prouve qu'elles sont dénuées de vérité, et qu'elles n'ont d'autre fondement que la malveillance et la haine. Je n'emploierai que le témoignage des missionnaires, sur-tout celui des célèbres jésuites Amiot et Cibot, si souvent cités dans cet ouvrage, et dont la correspondance savante et variée nous a fourni, pendant plus de trente ans, les notions les plus exactes et les plus modernes sur la Chine (1).

(1) Mém. sur les Chinois, t. II, p. 481, et t. VI, p. 320.

Jamais, au rapport de ces missionnaires • Descrimes du l'infanticide n'a été autorisé ni encouragé par suicide et de le gouvernement chinois, et il s'en faut bien la Chine. que ce crime soit aussi fréquent dans cet empire qu'on se plaît à le publier en Europe. 1o. Il est inoui qu'il se commette dans les villages et les campagnes : à la Chine, comme partout ailleurs, les enfants sont la richesse du laboureur et des gens de travail. 2o. Ce crime n'a lieu communément que dans les grandes villes et parmi ceux qui, destinés à vivre sur les eaux, n'ont d'autre habitation que les barques. 3°. Il n'est jamais commis que par des particuliers extrêmement pauvres, et par ce que les dernières classes du peuple renferment de plus vil et de plus immoral. Le gouvernement chinois n'a porté aucune loi pour rechercher les auteurs de l'exposition des enfants, et punir l'infanticide qui en est quelquefois la suite. Il a supposé que ce crime, blessant les plus douces affections de la nature, il ne pouvoit être commis que par des malheureux sans ressources, poussés au désespoir par l'impuissance de nourrir ceux auxquels ils donnent le jour. Il a fait mieux que de porter des lois rigoureuses, qui eussent été sans effet: il a cherché à

« PrécédentContinuer »