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D. Pourquoi le pape change-t-il de nom dès qu'il a donné son consentement à son élévation? — R. Parce qu'il devient le successeur de saint Pierre, dont le nom fut changé par Jésus-Christ.

EXPLICATION.- Autrefois, lorsque Dieu voulut faire alliance avec Abraham, et l'établir le père des croyants, il commença par changer son nom : « Vous ne vous « appellerez plus Abram ( pater excelsus, père élevé), « mais vous vous appellerez Abraham (pater multitudinis, « père de la multitude), parce que je vous ai établi pour « être le père de plusieurs nations. » (1) De même JésusChrist changea le nom de celui qu'il avait choisi, entre ses apôtres, pour être le père et le chef de tous les fidèles, lorsqu'il lui dit : « Vous êtes Simon, fils de Jean; < vous serez appelé Céphas, c'est-à-dire Pierre. » (2) Pierre! ce nom s'explique de lui-même : emblème naturel de la force et de la durée, seule matière capable de résister à tous les éléments, seule arrêtant la force de la tempête...

Le pape, en montant sur la chaire de saint Pierre, devient le successeur de cet apôtre dont Jésus-Christ changea le nom; il devient un homme élevé au-dessus de tous les autres hommes; il devient le représentant de Dieu et le vicaire de Jésus-Christ. C'est pour cela que, dès qu'il a donné son consentement au choix qui a été fait de lui, il adopte un nom différent de celui qu'il portait auparavant. (3) Cet usage, toutefois, est loin d'avoir toujours existé. Selon Fleury, (4) Sergius IV, couronné l'an 1009, est le premier qu'on trouve avoir changé de nom, parce que, s'appelant Pierre, il voulut respecter le nom de ce saint apôtre. Dom Mabillon (5) fait remonter le changement de nom jusqu'au pape Adrien III, qui fut élu en 884 et se nommait Agapit. Au Ie siècle, ce

(1) Gen., xvII, 5.

(2) Joan., 1, 42. — Imposuit Simoni nomen Petrus. (Marc., 111, 16.) (3) Corsetti, p. 475.

(4) Hist. Eccl., t. x1, p. 385.

(5) Præf. in Sæc. vi, benedictorum, p. 2.

changement passa en coutume, du moins après le pontificat de Benoît IX; depuis, à l'exception de Marcel II, tous les papes ont suivi cet usage. (1)

D. Le pape peut-il renoncer à sa dignité? peut.

R. Oui, il le

EXPLICATION. Le pape, même après avoir exercé le souverain pontificat, peut renoncer à sa dignité, et cela n'est pas sans exemple dans l'histoire de l'Eglise. Saint Célestin V, qui de simple ermite devint le chef de l'Eglise en 1294, ne tarda pas à être effrayé de la pesanteur du fardeau qui lui avait été imposé. Plusieurs habiles canonistes qu'il consulta, ayant tous assuré qu'un pape avait le droit d'abdiquer, il abdiqua en effet dans un consistoire qui se tint à Naples. Il quitta ensuite les marques de sa dignité, reprit son nom, qui était celui de Pierre, et son babit de religieux; puis, se prosternant aux pieds des cardinaux, il demanda pardon des fautes qu'il avait commises, et les conjura de les réparer en faisant le meilleur choix qu'il leur serait possible pour remplir la chaire de saint Pierre. Il n'avait siégé que quatre mois, et il eut pour successeur Boniface VIII. L'histoire ecclésiastique parle de plusieurs autres papes qui pour des motifs divers ont renoncé à leur dignité. (2)

Nopoléon, après avoir été sacré par Pie VII, en 1804, pensa à en faire le premier évêque de son empire; il conçut le projet de prendre Rome pour lui-même et de donner au pape Notre-Dame de Paris. « Tout a été prévu, répondit Pie VII dès qu'il eut connaissance de ce qui se tramait contre lui; avant de quitter Rome, nous avons signé une abdication régulière, valable à l'instant même où nous serions retenu captif; elle est hors de votre pouvoir, au delà des mers, à Palerme; et

(r) V. les Annales de philosophie chrétienne, no d'août 1851. (2) Muratori, Scriptores italici, t. 1, p. 613. Carerius, de Potestate romani pontificis, p. 8o.

quand on nous aura signifié ce qu'on médite contre nous, il ne vous restera plus dans les mains qu'un misérable moine qui s'appelle Barnabé Chiaramonti. » Devant cette sublime humilité, l'empereur n'insista plus, et le pontife retourna libre à Rome. (1)

Le pape peut renoncer à sa dignité; pourrait-il en être privé malgré lui? Le concile de Constance, convoqué l'an 1414 pour l'extinction du grand schisme d'Occident, déposa Jean XXIII; mais ce pape, outre que sa légitimité était douteuse, avait adhéré d'avance à la sentence du concile. Puis il se soumit à sa déposition par un acte dans lequel il déclare que si la dignité pontificale lui a jamais appartenu ou lui appartient encore aujourd'hui, il l'abdique et y renonce purement et simplement. (2) Ce fait ne prouve point, par conséquent, que le pape, lorsque sa légitimité est certaine, puisse être déposé et privé de sa dignité, même par un concile général. (3) — Cela dépend d'ailleurs d'une autre question : Le concile général est-il au-dessus du pape ? Celui qui se prononcerait pour l'affirmative, ne serait certainement pas hérétique, puisque la supériorité du pape sur le concile n'est point un dogme de foi catholique, et qu'il n'y a jamais eu de décision formelle et solennelle de l'Eglise sur ce sujet. Mais il soutiendrait une doctrine qui n'est point celle du saint-siége, et que, tout récemment encore, le souverain pontife Pie IX a déclaré, en plein consistoire, ne point avoir en estime, comme tendant à restreindre les droits du siége apostolique, et n'étant point d'accord avec la tradition de la sainte Eglise

(1) Histoire de Pie VII, par Artaud.

(2) Catalani, Sacrosancta oecumenica concilia commentariis illustrata, t. iv, p. 169, 180.

(3) Il est douteux que le concile de Constance ait été œcuménique, au moins dans toutes ses sessions, et tout ce que ce concile a fait et décrété n'a pas été confirmé par le saint-siége. (Voir le P. Perrone, t. vIII, p. 445.

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romaine. (1) Nous reviendrons bientôt sur ce sujet : bornons-nous, pour le moment, à dire avec un auteur: Soyons romains, mais seulement comme le pape, et rien de plus, (2) et ne nous permettons pas de donner à telle ou telle proposition, à telle ou telle maxime, une note que le juge suprême de la foi s'est abstenu jusqu'ici de lui infliger. TRAIT HISTORIQUE.

LES ÉTOUPES.

Le couronnement du pape se fait avec une pompe extraordinaire qu'il serait trop long de décrire ici; nous en rapporterons seulement une circonstance. Au moment où le pape, revêtu de ses ornements sacrés et accompagné d'un nombreux cortége, se dirige vers l'autel de la Confession, (3) un maître des cérémonies, tenant à la main un long bâton argenté, à l'extrémité duquel sont liées des étoupes, fait une génuflexion devant le pape; en même temps un clerc, à l'aide d'un flambeau, allume ces étoupes. Le maître des cérémonies, se relevant, chante ces paroles : Pater sancte, sic transit gloria mundi; O Père saint, ainsi passe la gloire du monde! » La même chose est répétée trois fois, et à chaque fois on chante : Pater sancte, etc. Ces paroles rappellent naturellement au pontife, au milieu de la pompe qui l'environne, combien passe rapidement la gloire de ce monde, qui ressemble à une flamme d'étoupe, finissant au moment même où elle commence. (4)

DES

LEÇON XXIII.

ÉVÊQUES, DES ARCHEVÊQUES, DES PATRIARCHES, DES GRANDS
VICAIRES, DES CHANOINES ET DES CURÉS.

PARAGRAPHE PREMIER.

DES ÉVÊQUES.

D. Par qui le pape est-il secondé dans le gouvernement de l'Église? R. Par les évêques, qui sont avec lui, et sous sa dépendance, les pasteurs de l'Eglise.

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(1) Allocution de notre très-saint père Pie IX, dans le consistoire du 17 décembre 1847.

(2) Voir la Voix de la vérité, no du 17 septembre 1847.

(3) Voir au tome iv ce que nous disons de la fête de saint Pierre à Rome.

(4) Histoire des chapelles papales, p. 93.

EXPLICATION. Le gouvernement de l'Eglise est monarchique, c'est-à-dire que l'Eglise est gouvernée par un seul chef, qui est le pape. Cette proposition est de foi, et elle a été définie comme telle par plusieurs conciles œcuméniques. (1) Ecoutons celui de Florence: « Le << pape est le vrai vicaire de Jésus-Christ, le chef de a toute l'Eglise, le père, le docteur de tous les chrétiens, « et il a reçu de Jésus-Christ, dans la personne de saint « Pierre, le plein pouvoir de régir et de gouverner «<l'Eglise universelle. » (2)

Mais il est impossible que le pape exerce dans toute l'Eglise, immédiatement et par lui-même, les fonctions du ministère pastoral. Les différentes contrées ont été, en conséquence, divisées en plusieurs parties qu'on appelle diocèses. On choisit pour gouverner chaque diocèse, un prêtre éminent en science et en vertu ; ce choix est fait ou ratifié par le pape, qui donne à l'élu l'institution canonique, et lui confère la juridiction sur le territoire qui lui est assigné.

Le nom d'évêque, que porte le chef de chaque diocèse, vient du grec ἐπίσκοπος, formé de ἐπί, sur, et de σκοπέω, je regarde, j'inspecte; il signifie la même chose que surveillant, surintendant. (3)

Autrefois, les évêques changeaient de nom à leur ordination. Dom Martène (4) en donne des exemples depuis 696 jusqu'à la fin du XIe siècle. Cet usage n'a plus lieu qu'à l'égard des papes. (5) — A l'imitation de nos rois, les évêques ont retenu l'ancienne coutume de ne signer que leurs noms de baptême avec celui de leur

(1) OEcuménique signifie la même chose que général. Concile œcuménique, concile de l'Eglise universelle.

(2) Catalani, Sacrosancta concilia oecumenica illustrata, t. IV, p. 264.

commentariis

(3) Rocca, t. 11, p. 120. — Engel, Collegium universi juris canonici, t. 1, p. 234. — Schmalzgrueber, t. 1, part. sec., p. 228.

(4) De antiq. Eccl. ritibus, t. 11, col. 84.

(5) V. ci-dessus, p. 426.

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