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Bagage lourd, Houdatt a succombé.
A l'aide! à moi! criait ce bon aveugle.
Le commis borgne à ses oreilles beugle,
Maudit le jour qu'il quitta le comptoir
Pour s'embarquer dans l'ambulant manoir.
Le vieux syndic des bourgeois de Cythère,
S'évertuant pour sortir de l'ornière,
Pleure un habit de vieux velours tanné,
Qu'une Sibylle au cancre avait donné.
Ah! dégagez l'esprit de la matière,
Disait un autre. A ce style inconnu,
Qui n'était pas entendu du vulgaire,
A son secours,
hélas! qui fût venu?
Certain farceur voulut faire l'ingambe;
Les brodequins lui blessèrent la jambe:
C'est cet auteur chez les Suisses prôné,
Et de la farce encore enfariné.

Vous êtes là, petit Pharmacopole:
Chez votre père aviez pris une fiole,
Qui, se cassant, vous effleura la peau;
Mais n'avez plus besoin d'être si beau;
L'affaire est faite; oubliez le service,
Et retournez à votre bénéfice.

Détaillerai-je ici les menus

par

De chacun d'eux les bosses, les blessures, Tel que Virgile étale en ses peintures

Les

coups portés aux soldats de Turnus? Mon cher lecteur, à tes yeux je dérobe

Masques plus laids que n'était Déiphobe
Mais que fait-on de messieurs du panier?
On les entend leur maître renier.
Jurez, leur dit Momus; cela console.
Puis en sifflant dans les airs il s'envole.

Par Rox.

Tome X.

13

SATIRE IV.

J'IRAIS

IRAIS au fond des bois et des antres sauvages
Pour fuir ces imposteurs qu'on place au rang des sages.
Combien de tems encore, hypocrites flatteurs,
Vous verrai-je encenser notre honte et nos mœurs?
Lorsque tout vous dément oserez-vous sans cesse
Du siècle où vous régnez nous vanter la sagesse?

Et quel siècle en effet de mollesse abattu,
Si riche en beaux discours, fut si pauvre en vertu?

Amitié, nœuds du sang, amour de la patrie,
Vous n'êtes rien pour nous; l'intérêt seul nous lie:
L'avare soif de l'or a séché tous les cœurs;
L'honneur se voit fermer la porte des honneurs.
La fraude s'enrichit des publiques ruines,
Et s'élève aux grandeurs sur des tas de rapines.
Tous les rangs sont vendus à qui peut les payer:
Aux mains du lâche on voit le sceptre du guerrier;

Du glaive de Thémis l'injustice est armée;
Dans les lieux les plus saints la Débauche allumée,
Sous le froc scandaleux lève un front libertin,

Et l'Impiété marche une crosse à la main.

Dieu n'est plus qu'un fantôme, et l'ame est un vain songe. Ainsi sans nul remoids dans le crime on se plonge; Et tous, lâchant la bride aux plus affreux penchans, Corrompus par systême, avec art sont méchans.

Ecoutez-les pourtant d'une voix empirique
Nommer ce siècle impie âge philosophique:
Chacun est philosophe et n'en prend que le nom,
On vit en scélérat, et l'on parle en Caton;
Et, bornant la sagesse à de belles maximes,
Da manteau des vertus on habille ses crimes.

Que dis-je? rien n'est mal à qui sait raisonner.
Au vice hardiment on peut s'abandonner;
Le philosophe a l'art de disculper le vice:
Il n'est corbeau si noir que cet art ne blanchisse.

Demandez à Crispin par quel heureux talent
Plutus l'a fait monter sur son char opulent:
Crispin fait de sa femme un trafic adultère,
Et de son lit vénal Plutus est tributaire..
Si vous vous indiguez il sourit de mépris:

« Vieux préjugé, dit-il, dont nous sommes guéris: Quand on est philosophe on brave sans scrupule « Un chimérique affront, un honneur ridicule.

« L'hyménée est un joug incommode et pesant;
S'il peut nous enrichir c'est un joug bienfaisant.
Sur l'opinion seule ici bas tout se fonde;
L'opinion volage est la reine du monde:

<< Ce qui chez nous est mal est souvent bien ailleurs.
Le Lapon sous sa hutte, à l'abri des railleurs,
« Vous offre sa compagne, et même avec prière
« Vous presse d'honorer sa couche hospitalière.
« Cet
autre,
plus heureux, en de plus doux climats,
« De sa fille avec soin cultive les appas,
Pour vendre cette fleur du sultan recherchée,
« Que l'ennui du sérail aura bientôt séchée.
«Quel est donc cet honneur par vous si révéré,
«Que vingt peuples divers ont toujours ignoré,

Qui change avec le lieu l'habit et le langage?
« C'est le tyran des sots, et l'esclave du sage. »
Partout vous entendrez ces raisonneurs hardis,
Hardis contre l'honneur et du vice applaudis,
Jugeant à leur profit les vertus arbitraires,
Et de leur déshonneur tirant des honoraires.

Un jour l'ami sensé d'un prélat peu chrétien
Le gourmandait ainsi dans un libre entretien :

« Vous qui n'avez de foi qu'aux plaisirs de ce monde, « Qui raillez de Beauvais la piété profonde,

Qui traînez le scandale en habit de prélat,

Et diffamez la croix qui fait tout votre éclat,

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