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VARIANTES

DU CHANT QUATORZIÈME.

Vers 44.

Après ce vers on lit, dans quelques éditions, ceux-ci, qui se rapportent à l'épisode de Corisandre:

Calmes les flots, fais naître sous tes pas
Tous les plaisirs qui consolent la terre;
Tendre Vénus, c'est par un muletier
Que tu formas l'esprit de Corisandre:
Depuis ce jour, spirituelle et tendre,
A tes autels prompte à sacrifier,

Son cœur instruit ne se laissa plus prendre
Que dans des noeuds dignes de la lier.
Ainsi l'on voit un artisan grossier
Tourner, polir, d'une main rude et noire,
L'or, le rubis, et le jaspe, et l'ivoire,
Que porte ensuite un galant chevalier.
D'un air modeste et mêlé d'assurance,
Noble, engageant, poli, respectueux,
Elle reçoit le monarque de France.

Un feu charmant anime ses beaux yeux;

Les grâces sont dans sa démarche leste,

Dans son maintien, dans son ris, dans son geste;

Puis ayant fait les honneurs du château

Au possesseur du bon sens de Bonneau,

Aux beaux Français dont la troupe aguerrie

Unit l'audace à la galanterie,

Sur les Anglais elle étendit ses soins,

Selon leurs goûts, leurs mœurs et leurs besoins.
Un gros rostbeef que le beurre assaisonne,
Des plum-puddings, des vins de la Garonne,
Leur sont offerts; et les mets plus exquis,
Les ragoûts fins dont le jus pique et flatte,
Et les perdrix à jambe d'écarlate,
Sont pour le roi, les belles, les marquis.
Elle fit plus son heureuse entremise

Sut ménager avec douce accortise

Les deux partis; obtint que chacun d'eux,
Mettant à part sa folie héroïque,

Fit de chez elle un départ pacifique,
A droite, à gauche, et la Loire entre deux,
Sans nul reproche et sans forfanterie,

Vers 43.

Selon les lois de la chevalerie.

Le preux Chandos, suivant les mêmes lois,
Sur son beau page a repris son empire;

Charle et Chandos sont rentrés dans leurs droits.
Agnès Sorel tout doucement soupire;

Son tendre cœur, près du plus grand des rois,
Du page heureux se souvient quelquefois,
Toujours docile au roi qui toujours l'aime.
Heureux ceux-là qu'on peut tromper de même !
Quand le château fut bien débarrassé
Du grand dégât qu'avaient fait de tels hôtes,
La belle alors n'eut rien de plus pressé
Que de songer à réparer ses fautes.
Elle appela les plus jeunes amants
Qui, l'ayant vue, avaient couru les champs.
Le dieu d'Amour voulut une vengeance;
Elle honora d'un choix plein de prudence
Un bachelier beau, bien fait, et dispos;
Mais revenons, lecteurs, à nos héros.

*Le roi des Francs avec sa garde bleue... (R.)

Édition de 4756:

*Des ennemis qui l'ont persécutée.

Tendre Vénus, c'est par un muletier
Que tu forças le cœur de Corisandre.
Depuis ce jour, douce, avisée et tendre,
A tes autels prompte à sacrifier,
Elle sut plaire, et jouir, et se rendre
A tous les nœuds dignes de la lier.

Ainsi l'on voit un artisan grossier

Tourner, polir, d'une main rude et noire,

L'or, le rubis, et le jaspe, et l'ivoire

Dont se pavane un brillant chevalier.

Aux beaux Français, dont la troupe aguerrie
Unit l'audace à la galanterie,

Au possesseur du bon sens de Bonneau,

La belle fait les honneurs du château,
Et puis conclut un accord pacifique
Entre Charlot et Chandos le cynique.
Elle obtint d'eux... (K.)

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Offrait aux yeux de Chandos qui regarde,
A découvert, deux jambes que l'Amour
Refit depuis pour porter Pompadour,
Cette beauté que pour Louis Dieu garde,
Et qu'au couvent il mettra quelque jour :
Jambes d'ivoire...

Ces deux derniers vers sont des éditeurs. (K.)

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Vers 264 et 265. — On lit dans toutes les éditions:

Les deux héros fièrement se relèvent,

Les yeux en feu, se regardent, s'observent.

Ces vers ne riment point ensemble. J'ai reporté dans le texte les deux premiers vers de la variante qui suit, et qu'avaient notée les éditeurs de Kehl d'après un manuscrit :

Pareils aux flots que les autans soulèvent,

Avec fureur nos guerriers se relèvent.
Leurs coups pressés font jaillir en éclairs

L'acier poli dont tous deux sont couverts.

*Déjà le sang...

Un éditeur du poëme de la Pucelle s'est trompé en présentant comme défectueuse la rime des mots soulèvent et relèvent; car, par une bizarrerie inexplicable, les dérivés riment entre eux sans rimer avec le radical. R.

Vers 347, 348.

Manuscrit :

Quand par Chandos, hélas! si maltraitée,
Elle se vit abattue et ratée. (K.)

CHANT QUINZIÈME.

ARGUMENT.

Grand repas à l'hôtel de ville d'Orléans, suivi d'un assaut général,
Charles attaque les Anglais. Ce qui arrive à la belle Agnès et à
ses compagnons de voyage 1.

Censeurs malins, je vous méprise tous,
Car je connais mes défauts mieux que vous.
J'aurais voulu dans cette belle histoire,
Écrite en or au temple de Mémoire,
Ne présenter que des faits éclatants,
Et couronner mon roi dans Orléans
Par la Pucelle, et l'Amour, et la Gloire.
Il est bien dur d'avoir perdu mon temps
A vous parler de Cutendre et d'un page,
De Grisbourdon, de sa lubrique rage,
D'un muletier, et de tant d'accidents
Qui font grand tort au fil de mon ouvrage.
Mais vous savez que ces événements

Furent écrits par Trithême le sage2;

Je le copie, et n'ai rien inventé.

Dans ces détails si mon lecteur s'enfonce,

Si quelquefois sa dure gravité

Juge mon sage avec sévérité,

A certains traits si le sourcil lui fronce,

3

Il peut, s'il veut, passer sa pierre ponce 3
Sur la moitié de ce livre enchanté;

1. Voyez la Préface en tête de cette édition. (R.)

2. Nous avons déjà remarqué que l'abbé Trithême n'a jamais rien dit de la Pucelle et de la belle Agnès; c'est par pure modestie que l'auteur de ce poëme attribue à un autre tout le mérite de ce poëme moral. (Note de Voltaire, 1773-1774.)

3. Dit-on pierre ponce ou de ponce? C'est une grande question. (Id., 1762.)

Mais qu'il respecte au moins la vérité.

O Vérité ! vierge pure et sacrée !
Quand seras-tu dignement révérée?
Divinité qui seule nous instruis,

Pourquoi mets-tu ton palais dans un puits?
Du fond du puits quand seras-tu tirée ?
Quand verrons-nous nos doctes écrivains,
Exempts de fiel, libres de flatterie,
Fidèlement nous apprendre la vie,

Les grands exploits de nos beaux paladins?
Oh! qu'Arioste étala de prudence,
Quand il cita l'archevêque Turpin '!
Ce témoignage à son livre divin
De tout lecteur attire la croyance.

Tout inquiet encor de son destin,
Vers Orléans Charle était en chemin,
Environné de sa troupe dorée,
D'armes, d'habits richement décorée,
Et demandant à Dunois des conseils,
Ainsi que font tous les rois ses pareils,
Dans le malheur dociles et traitables,
Dans la fortune un peu moins praticables.
Charles croyait qu'Agnès et Bonifoux
Suivaient de loin. Plein d'un espoir si doux,
L'amant royal souvent tourne la tête
Pour voir Agnès, et regarde, et s'arrête;
Et quand Dunois, préparant ses succès,
Nomme Orléans, le roi lui nomme Agnès.
L'heureux bâtard, dont l'active prudence
Ne s'occupait que du bien de la France,
Le jour baissant, découvre un petit fort

1. L'archevêque Turpin, à qui l'on attribue la Vie de Charlemagne et de Roland, était archevêque de Reims sur la fin du vir siècle : ce livre est d'un moine nommé Turpin qui vivait dans le onzième, et c'est de ce roman que l'Arioste a tiré quelques-uns de ses contes. Le sage auteur feint ici qu'il a puise soa poëme dans l'abbé Tritheme. (Note de Voltaire, 1762.) — Le judicieux et savant M. Daunou, auteur de l'article TURPIN de la Biographie universelle, a démontré d'une manière péremptoire que l'archevêque de Reims ne peut être l'auteur d'u livre de Vita Caroli Magni et Rolandi qui lui est attribué, et que les conjectures de divers historiens sur le véritable auteur de cet ouvrage ne sont fondées sur aucun renseignement positif. L'édition la plus récente de ce livre est celle que M. Sébastien Ciampi a publiée à Florence en 1822, in-8° de xxxvi et 154 pages. (R.)

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