LA PUCELLE D'ORLÉANS CHANT PREMIER. ARGUMENT. Amours honnêtes de Charles VII et d'Agnès Sorel. Siége d'Orléans par les Anglais. Apparition de saint Denis, etc. Je ne suis né pour célébrer les saints1: Et le fit oindre au maître-autel de Reims. 1. Plusieurs éditions portent : Vous m'ordonnez de célébrer des saints. Cette leçon est correcte; mais nous avons adopté l'autre, comme plus récréative. De plus, elle montre la grande modestie de l'auteur. Il avoue qu'il n'est pas digne de chanter une pucelle. Il donne en cela un démenti aux éditeurs qui, dans une de leurs éditions de ses OEuvres, lui ont attribué une ode A sainte Geneviève, dont assurément il n'est pas l'auteur. (Note de Voltaire, 1773.) — L'ode A sainte Geneviève est incontestablement de Voltaire. (R.) Mais Jeanne d'Arc eut un cœur de lion: Vieux Chapelain, pour l'honneur de ton art, Je n'en veux point; c'est pour Lamotte-Houdart2, Le bon roi Charle, au printemps de ses jours, 1. Tous les doctes savent qu'il y eut, du temps du cardinal de Richelieu, un Chapelain, auteur d'un fameux poëme de la Pucelle, dans lequel, à ce que dit Boileau, Il fit de méchants vers douze fois douze cents. Boileau ne savait pas que ce grand homme en fit douze fois vingt-quatre cents, mais que, par discrétion, il n'en fit imprimer que la moitié. La maison de Longueville, qui descendait du beau bâtard Dunois, fit à l'illustre Chapelain une pension de douze mille livres tournois. On pouvait mieux employer son argent. (Note de Voltaire, 1762.) Le manuscrit du poëme de la Pucelle, composé de vingtquatre chants, se trouve à la Bibliothèque royale. (R.) 2. Lamotte-Houdart, auteur d'une traduction en vers de l'Iliade, traduction très-abrégée, et cependant très-mal reçue. Fontenelle, dans l'éloge académique de Lamotte, dit que c'est la faute de l'original. (Note de Voltaire, 1762.) — Fontenelle n'a point composé d'éloge de Lamotte; mais en répondant, au nom de l'Académie française, à l'évêque de Luçon, successeur de Lamotte, il dit que le défaut le plus essentiel qui empêcha sa traduction de réussir, et peut-être le seul, c'est d'être l'Iliade. (R.) 3. Agnès Sorel, dame de Fromenteau, près de Tours. Le roi Charles VII lui donna le château de Beauté-sur-Marne, et on l'appela dame de Beauté. Elle eut deux enfants du roi son amant, quoiqu'il n'eût point de privautés avec elle, suivant les historiographes de Charles VII, gens qui disent toujours la vérité du vivant des rois. (Note de Voltaire, 1762.) Voltaire avait probablement en vue l'historien Jean Chartier, qui parle ainsi (Histoire de Charles VII; Paris, 1661, in-folio, page 191) des relations de Charles VII et de sa maitresse : « Quand le roy alloit voir les dames et damoiselles, mesmement en l'absence de la reyne, ou qu'icelle belle Agnès le venoit voir, il y avoit tousjours grande quantité de gens presens, qui oncques ne la virent toucher par le roy au-dessous du menton; mais s'en retournoit, après les ebattements licites et honestes faits comme à roy appartient, chacun en son logis par chacun soir, et pareillement ladite Agnès au sien. » (R.) Jamais l'Amour ne forma rien de tel. La taille et l'air de la nymphe des bois, L'art d'Arachné, le doux chant des sirènes : 1. Personnage feint. Quelques curieux prétendent que le discret auteur avait en vue certain gros valet de chambre d'un certain prince; mais nous ne sommes pas de cet avis, et notre remarque subsiste, comme dit Dacier. (Note de Voltaire, 1762.) Quelques annotateurs prétendent que ce gros valet de chambre est Dangeau, favori de Louis XIV. Nos deux amants, pleins de trouble et de joie, Le souper fait, on eut une musique Déjà la lune est au haut de son cours; Point trop obscure, et point trop éclairée, O vous, amants, vous qui savez aimer, 1. Le chromatique procède par plusieurs semi-tons consécutifs, ce qui produit une musique efféminée, très-convenable à l'amour. (Note de Voltaire, 1762.) ་ La pudeur passe, et l'amour seul demeure, Sous un cou blanc qui fait honte à l'albâtre Lui donne encore une grâce nouvelle; : Et le plaisir embellit toute belle. Trois mois entiers nos deux jeunes amants Du lit d'amour ils vont droit à la table. Pâtes, parfums, odeurs de l'Arabie, Qui font la peau douce, fraîche, et polie', 1. Dans une lettre au comte de Tressan (9 décembre 1736), Voltaire se plaint de ce que, dans les copies du Mondain, on ait écrit : Rendent sa peau douce, fraîche, et polie; tandis qu'il fallait mettre : Rendent sa peau plus fraîche et plus polie. En composant le vers de la Pucelle auquel cette note se rapporte, il n'aperçut pas, à ce qu'il paraît, le pléonasme que semblent offrir les mots douce et polie, et qui l'avait choqué dans le vers du Mondain. (R.) |