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Sur le chemin vingt beautés en gémirent.
Dieu sait alors où ma Zaïre alla.

De l'Amitié le prix fut laissé là ;
Et la déesse en tous lieux célébrée,
Jamais connue et toujours désirée,
Gela de froid sur ses sacrés autels :
J'en suis fâché pour les pauvres mortels.

ENVOI.

Mon cœur, ami charmant et sage,
Au vôtre n'était point lié

Lorsque j'ai dit qu'à l'Amitié

Nul mortel ne rendait hommage.

Elle a maintenant à sa cour

Deux cœurs dignes du premier âge:
Hélas! le véritable amour

En a-t-il beaucoup davantage1?

1. « J'ai le Temple d'Amitié tout entier, et c'est une plaisante idée d'en avoir chassé tout le monde pour y demeurer avec son amie (Mme de Fontaine-Martel, en l'honneur de qui ce morceau avait été composé) à geler de froid. Ce n'est pas ainsi que La Fontaine bâtissait ses temples, quand il disait sur le Temple de l'Hymen ou de l'Amitié conjugale:

Ah! si.... mais autre part j'ai porté mes présents!

(Lettre de Mathieu Marais au président Bouhier; à Paris, ce 4 janvier 1733. Correspondance du président Bouhier, t. VII, p. 561, manuscrits de la Bibliothèque nationale.)

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Vers 402 :

Près de l'autel ensemble ils accouraient.
Nos étourdis pour rien se querellèrent,
Flamberge au vent, dans le temple escrimèrent;
Et le moins fou, etc.

*Plus loin venaient, d'un air de complaisance,
Nonchalamment clochant sur leurs patins,
*Lise et Chloé, qui, dès leur tendre enfance,
Se confiaient tous leurs petits desseins,
'Se caressant, etc.

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1. Maisons de campagne des archevêques de Paris et de Rouen. Ces deux prélats étaient alors des gourmands célèbres. (K.) - L'archevêque de Paris, en 1732, était Charles-Gaspard-Guillaume de Vittimille, mort en 1746, dans sa 91e année. L'archevêque de Rouen était Louis de La Vergne de Tressan. (B.)

AVERTISSEMENT'

POUR LES DISCOURS EN VERS SUR L'HOMME.

Les trois premiers sont de l'année 1734; les quatre derniers sont de l'année 1737.

Le premier prouve l'égalité des conditions, c'est-à-dire qu'il y a dans chaque profession une mesure de biens et de maux qui les rend toutes égales; Le second, que l'homme est libre, et qu'ainsi c'est à lui à faire son bonheur;

Le troisième, que le plus grand obstacle au bonheur est l'envie;
Le quatrième, que, pour être heureux, il faut être modéré en tout;
Le cinquième, que le plaisir vient de Dieu;

Le sixième, que le bonheur parfait ne peut être le partage de l'homme en ce monde, et que l'homme n'a point à se plaindre de son état;

Le septième, que la vertu consiste à faire du bien à ses semblables, et non pas dans de vaines pratiques de mortification.

1. Si cet Avertissement n'est pas de plusieurs mains, il est du moins de divers temps (de 1745 à 1752). Ce fut en 1745, dans le tome VI des OEuvres de Voltaire, que les six premiers discours furent recueillis. On trouve à leur suite: Ce que c'est que la vertu, discours en vers; mais il n'est pas donné comme septième. Dans les éditions de 1742, 1746, 1748, 1751, le septième discours est séparé des autres. L'édition de Dresde, 1752, sept volumes in-12, est la première qui les donne tous à la suite les uns des autres.

Malgré ce qui est dit dans l'Avertissement, on ne trouve dans la correspondance de Voltaire trace de ces discours, qui étaient d'abord intitulés Épitres, qu'au commencement de 1738. Les deux premières furent envoyées à Frédéric le 23 janvier; il y en avait alors quatre de faites. Cependant la troisième ne fut envoyée que le 8 mars; la quatrième, en avril.

Les deux premières furent imprimées sous le titre de Épîtres sur le Bonheur, Paris, Prault, 1738, in-8°. Chacune a sa pagination séparée et son approbation du censeur, datée du 1er mars. L'approbation de la troisième est du 28 avril. Ces trois épîtres furent réimprimées en Hollande avec le nom de l'auteur; ce qui le contraria beaucoup. La quatrième épître, aussi imprimée séparément, porte une approbation de Crébillon, datée du 2 août 1738.

La cinquième épître doit être de juin 1738; la sixième, du mois de juillet. Ce qui forme aujourd'hui le septième discours était composé dès juin 1738, si toutefois la lettre de Frédéric n'est pas altérée ou mal classée. (B.)

DISCOURS EN VERS

SUR

L'HOMME

PREMIER DISCOURS.

DE L'ÉGALITÉ DES CONDITIONS.

Tu vois, sage Ariston, d'un œil d'indifférence La grandeur tyrannique et la fière opulence; Tes yeux d'un faux éclat ne sont point abusés. Ce monde est un grand bal où des fous, déguisés Sous les risibles noms d'Éminence et d'Altesse, Pensent enfler leur être et hausser leur bassesse. En vain des vanités l'appareil nous surprend : Les mortels sont égaux1; leur masque est différent. Nos cinq sens imparfaits, donnés par la nature, De nos biens, de nos maux sont la seule mesure. Les rois en ont-ils six? et leur âme et leur corps Sont-ils d'une autre espèce, ont-ils d'autres ressorts? C'est du même limon que tous ont pris naissance; Dans la même faiblesse ils traînent leur enfance? Et le riche et le pauvre, et le faible et le fort, Vont tous également des douleurs à la mort.

«Eh quoi! me dira-t-on, quelle erreur est la vôtre ! N'est-il aucun état plus fortuné qu'un autre?

1. Voltaire a dit dans Mahomet, acte Ier, scène IV:

Les mortels sont égaux; ce n'est pas la naissance,
C'est la seule vertu qui fait la différence.

On lit dans l'Épitre au peuple, par Thomas:

Les mortels sont égaux; la vertu fait le rang,

Et l'homme le plus juste est toujours le plus grand. (B.)

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