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LA MULE DU PAPE1

(1733)

Frères très-chers, on lit dans saint Matthieu
Qu'un jour le diable emporta le bon Dieu
Sur la montagne, et puis lui dit : « Beau sire,
Vois-tu ces mers, vois-tu ce vaste empire,
L'État romain de l'un à l'autre bout? >>
L'autre reprit : « Je ne vois rien du tout,
Votre montagne en vain serait plus haute. »>
Le diable dit : « Mon ami, c'est ta faute.
Mais avec moi veux-tu faire un marché?
— Oui-dà, dit Dieu, pourvu que sans péché
Honnêtement nous arrangions la chose.
- Or voici donc ce que je te propose,
Reprit Satan. Tout le monde est à moi;
Depuis Adam j'en ai la jouissance;
Je me démets, et tout sera pour toi,
Si tu me veux faire la révérence. »

Notre Seigneur, ayant un peu rêvé,
Dit au démon que, quoique en apparence
Avantageux le marché fût trouvé,
Il ne pouvait le faire en conscience:
Car il avait appris dans son enfance
Qu'étant si riche on fait mal son salut.

Un temps après, notre ami Belzébut
Alla dans Rome : or c'était l'heureux àge

1. Cette pièce est de 1733 si une lettre à Mme de La Neuville est bien classée. 2. Le jésuite Bouhours se servit de cette expression: Jésus-Christ fut emporté par le diable sur la montagne; c'est ce qui donna lieu à ce noël qui finit ainsi :

Car sans lui saurait-on, don, don,

Que le diable emporta, la, la,

Jésus notre bon maitre?

(Note de Voltaire.)

Où Rome avait fourmilière d'élus;
Le pape était un pauvre personnage,
Pasteur de gens, évêque, et rien de plus.
L'Esprit malin s'en va droit au saint-père,
Dans son taudis l'aborde, et lui dit : « Frère,
Je te ferai, si tu veux, grand seigneur. »
A ce seul mot l'ultramontain pontife
Tombe à ses pieds, et lui baise la griffe.
Le farfadet, d'un air de sénateur,
Lui met au chef une triple couronne :

« Prenez, dit-il, ce que Satan vous donne;
Servez-le bien, vous aurez sa faveur. »
O papegots, voilà la belle source
De tous vos biens, comme savez. Et pour ce
Que le saint-père avait en ce tracas.
Baisé l'ergot de messer Satanas,

Ce fut depuis chose à Rome ordinaire
Que l'on baisat la mule du saint-père.
Ainsi l'ont dit les malins huguenots
Qui du papisme ont blasonné l'histoire :
Mais ces gens-là sentent bien les fagots;
Et, grâce au ciel, je suis loin de les croire.
Que s'il advient que ces petits vers-ci
Tombent és mains de quelque galant homme,
C'est bien raison qu'il ait quelque souci

De les cacher, s'il fait voyage à Rome1.

1. Dans une note sur la première scène de Tancrède, les éditeurs de Kehl donnent une autre origine au baisement de la mule du pape; voyez tome IV du Théâtre, page 502.

VARIANTES

DE LA MULE DU PAPE.

Vers 15:

Vers 47.

Depuis longtemps: et tout sera pour toi;

Tu tiendras tout de ma pleine puissance.

Dans les OEuvres de Grécourt, on trouve de ce conte une

autre version que voici :

Frères très-chers, on lit en saint Matthieu
Qu'un jour le diable emporta le bon Dieu
Sur la montagne, et là lui dit : « Beau sire,
Vois-tu ces mers, vois-tu ce vaste empire,
Ce nouveau monde inconnu jusqu'ici,
Rome la grande et sa magnificence?
Je te ferai maître de tout ceci,

Si tu me veux faire la révérence. »

Lors le Seigneur, ayant un peu rêvé,

Dit au démon que, quoique en apparence
Avantageux le marché fût trouvé,
Il ne pouvait le faire en conscience;
Qu'étant trop riche on fait mal son salut.

Un temps après, notre ami Belzébut
S'en fut à Rome. Or c'était l'heureux àge
Où Rome était fourmilière d'élus :
Le pape était un pauvre personnage,
Pasteur de gens, évêque, et rien de plus.
L'Esprit malin s'en va droit au saint-père,
Dans son taudis l'aborde, et lui dit : « Frère,
Si tu voulais tâter de la grandeur?...

Si j'en voudrais ? oui, parbleu! monseigneur.
Marché fut fait: or voilà mon pontife

Aux pieds du diable, et lui baisant la griffe.
Le farfadet, d'un air de sénateur,

Lui met au chef une triple couronne :

« Prenez, dit-il, ce que Satan vous donne;

Servez-le bien, vous aurez sa faveur. »

Or, papagais, voilà l'unique source
De tous vos biens, comme savez; et pour ce
Que le saint-père avait en ce tracas
Baisé l'ergot de messer Satanas,

Ce fut depuis chose à Rome ordinaire

Que l'on baisât la mule du saint-père.

Que s'il advient, etc.

Cette pièce n'est pas la seule de Voltaire que l'on ait attribuée à Grécourt. (B.)

FIN DES PREMIERS CONTES EN VERS.

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AVERTISSEMENT des éditeurs de l'édition de Kehl..
PREFACE de dom Apuleius Risorius, bénédictin

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CHANT PREMIER. Argument. Amours honnêtes de Charles VII et
d'Agnès Sorel. Siége d'Orléans par les Anglais. Apparition de saint

Denis, etc..

VARIANTES du chant premier..

Pages.

3

15

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19

25

37

1

CHANT DEUXIÈME. Argument. Jeanne, armée par saint Denis, va
trouver Charles VII à Tours; ce qu'elle fit en chemin, et comment elle
eut son brevet de pucelle.
VARIANTES du chant deuxième.

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40

55

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CHANT TROISIÈME. Argument. Description du palais de la Sottise.
Combats vers Orléans. Agnès se revêt de l'armure de Jeanne pour aller
trouver son amant : elle est prise par les Anglais, et sa pudeur souffre
beaucoup.
VARIANTES du chant troisième.

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CHANT QUATRIÈME. Argument. Jeanne et Dunois combattent les
Anglais. Ce qui leur arrive dans le château d'Hermaphrodix.
VARIANTES du chant quatrième.

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Argument. Le cordelier Grisbourdon, qui avait
voulu violer Jeanne, est en enfer très-justement. Il raconte son aven-
ture aux diables.

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Argument. Aventure d'Agnès et de Monrose. Temple
de la Renommée. Aventure tragique de Dorothée.
VARIANTES du chant sixième.

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93

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