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la fin du XVIe siècle, d'après les renseignements dont on vient de parler, cette famille étoit divisée en deux branches, dont l'une avoit retenu le nom de Mercurian et l'autre avoit celui de De Marcour, Celle-ci mettoit souvent un à la fin de son nom De Marcourt; quoiqu'il soit plus correct d'écrire Marcour. Les deux familles ont donné plusieurs magistrats à la haute cour du comté de Montaigu en Ardennes, dont le siége s'est trouvé transféré à Marcour par suite de la destruction du château des comtes de Montaigu qui ont fourni plusieurs chevaliers des croisades et qui étoient célèbres dans ce qu'on peut appeler aujourd'hui la Belgique wallonne, la Gaule ou la France et une bonne partie de la Germanie.

On ne peut rejeter l'opinion qui donne la même origine aux deux familles, quoique celle qui a pris le nom de Marcour, ait toujours fait précéder son nom de la particule de en la séparant du nom, comme font les familles nobles. La langue française commençoit à se répandre à cause des grands hommes de lettres que produisoit déjà la France alors, mais surtout à cause des guerres continuelles de nos princes avec les souverains de ce dernier pays. Il ne seroit donc pas surprenant qu'un membre de la famille, soit par fantaisie, soit par vaine gloire, soit pour être estimé du souverain de la France même, ait changé son nom du latin en français. Jusqu'alors la langue la plus usitée étoit la langue latine, pour les diverses relations et le récit des gestes et faits divers des peuples.

Pendant environ 150 ans, la famille des De Marcour a fourni à la haute cour de Marcour, ceux qu'on appeloit alors greffiers, parmi lesquels l'un s'est rendu remarquable par son intervention dans presque toutes les affaires du temps, même des environs de sa cour, et parce qu'il étoit mayeur de la ville de Marche en Famenne : il se nommoit et signoit: « Mamilian De Marcourt » et vivoit en 1660 et plus tard, En 1662, c'étoit un C.-L. Mercurian qui étoit greffier, à Marcour, du comté et de la cour de Montaigu. A cette époque, on trouve aussi un Mercurian dit Lardenois, ce qui indiqueroit qu'il avoit épousé une des Lardenois, seigneurs de Hotton, de Porcheresse en Ardennes, de Masbourg, etc. Il est vrai qu'en 1591, il y avoit déjà au même lieu un Lardenois, nommé Lambert; mais rien ne s'oppose à ce que celui-ci fut également de la famille des Lardenois de Ville.

On ne doit pas être surpris de cette union que nous supposons avoir été faite entre les Mercurian de Marcour et les Lardenois de Ville de Hotton, parce que les Mercurian n'auroient pas eu de de avant leur nom. Ils étoient membres d'une famille qui étoit noble aussi, la famille des De Marcour. Ensuite la famille des Mercurian étoit respectable; elle avoit donné plusieurs mayeurs à la cour de Montaigu. Lambert Lardenois de Marcour, mayeur de Marcour en 1591, pendant qu'un autre de Marcour y étoit greffier depuis au moins 4 ans et après celui-ci, comme on l'a vu ci-dessus, d'autres De Marcour ont été échevins, officiers, mayeurs et greffiers de leur cour; parmi ces derniers, c'est-à-dire les De Marcour, on trouve un Maximilien, un F.-J., un Guillaume, un Henri. En l'année 1660, dans les documents dont il est parlé plus haut, on trouve un S Mer

turian, officier du comté de Montaigu et dans presque tous ces påpiers on ne voit le mot abrégé Sr devant aucun autre nom. Enfin la famille des Mercurian étoit dans une position de fortune à pouvoir aller de pair avec plusieurs petits seigneurs rentiers. Il n'y auroit donc rien de déshonorant pour une famille portant quelque prédicat de faire alliance avec une famille telle qu'étoit celle des Mercurian et des de Marcour. D'ailleurs la famille des Lardenois de Ville a encore prouvé, il n'y a pas longtemps, qu'elle étoit loin de réprouver de telles unions. Une fille d'un de ces Lardenois de Ville, seigneur de Porcheresse en Ardennes, de Hotton. etc., avoit épousé un officier de troupes autrichiennes, le baron Charles-Emmanuel-François de Minekwitz, saxon, et une de ses enfants à été mariée à M. Fosses, ex-commissaire d'arrondissement à Philippeville et cependant M. Fosses ne porte pas de titre de noblesse. Il est bieu vrai qu'il y a des MM. Fosses qui sont nobles, un baron, un vicomte; mais ce ne sont pas les mêmes que M. le commissaire de Philippeville.

a

Il résulte de ce qui précède que la famille des Mercurian occupoit une position honorable, pour le temps, dans le pays, et que l'on ne peut reprocher au P. Mercurian d'ètre entré dans l'état ecclésiastique, ni dans l'état religieux pour échapper à la gène ou à la pauvreté. Peu importe que l'on exige maintenant la preuve que le religieux dont nous parlons provient de la famille des Mercurian de Marcour; car ce point est facile à éclaircir. Voici comment nous l'établissons. Un curé de Marcour, Charles Jamotte, qui étoit de Villance près de Saint-Hubert et qui étoit curé de Marcour de 1657 à 1669, a écrit un livre pour raconter de quelle manière saint Thibauld étoit honoré sur la montagne de Montaigu et comment fit ce curé pour y bâtir en l'honneur de ce saint la chapelle et la demeure de l'ermite, qui sont actuellement au sommet, qu'on nomme aujourd'ui montagne de Saint-. Thibauld ou thier di Saint-Thiba. Le livre du curé Jamotte prouve la quantité de recherches de son auteur et l'exactitude des renseignements qu'il contient, Charles Jamotte étoit très instruit et un curé distingué, puisqu'il étoit vice archidiacre et official du Condroz luxembourgeois dans l'évêché de Liége. De plus, il étoit à Marcour, lorsqu'il y avoit encore deux Mercurian, jésuites, frères, et ensuite parents rapprochés du P. Evrard Mercurian, l'objet de cette notice Ces deux Mercurian étoient Jean qui fut choisi par l'empereur Ferdinand I pour directeur de son fils, l'archiduc Léopold, et Jacques, frère puîné de Jean qui est devenu grand-prévôt de la cathédrale d'Olmutz, archidiacre de Brinn (1) et administrateur de l'évêché d'Olmutz, sous le même archiduc Léopold. Il étoit donc facile à Ch. Jamotte de bien préciser ce qu'il avançoit. Or il dit sans le moindre doute, que le P. Evrard Hercurian, qui fut 4e général de la Compagnie de Jésus, est né à Marcour, dont le souvenir étoit encore vivant puisqu'il n'y avoit qu'environ 60 ans qu'il étoit mort, lorsque le curé Jamotte commença à écrire son livre.

Aujourd'hui, il est vrai, les historiens sont plus d'accord qu'autre

(1) Probablement Brünn, en Moravie, ville de 40,000 habitants, à environ à 22 lieues de Vienne en Autriche.

fois sur la désignation du lieu natal de ce Père. Dans le Dictionnaire d'histoire et de géographie, publié par M. Florimont-Parent de Bruxelles en 1855 et 1854, les auteurs disent positivement qu'il est né à Marcour; mais il faut chercher le mot Marcour pour le trouver; car ces rédacteurs n'ont pas sans doute jugé que ce Père fût digne d'un article spécial ou particulier.

M. Marcellin La Garde, de Sougnez, dans la Biographie Luxembourgeoise qu'il a publiée en 1851 lorsqu'il était professeur à l'Athénée d'Arlon, dit également à l'article Mercurian, que ce jésuite est né au village de Marcourt, canton de La Roche, arrondissement de Marche; mais nous ne sommes pas d'accord sur la date de sa naissance et nous dirons les raisons qui nous font avancer ce fait de six ans.

M. Adolphe Siret, chef de bureau au gouvernement provincial à Namur, dans les Récits historiques belges qu'il a publiés il y a quelques années, cite comme célébrité de Marcour, la naissance du P. Mercurian.

M. le comte de Becdelièvre, dans sa Biographie Liégeoise, a trouvé bon de ne pas faire mention de ce religieux; au moins ne l'avonsnous pas trouvé dans les années 1512 à 1590, entre lesquelles a vécu ce Père. D'où vient cette lacune, où il y a tant d'autres noms dont on pourroit révoquer l'existence en doute ou qui n'ont laissé que leur nom à la postérité ?

On demandera peut-être maintenant si l'on pourroit encore retrouver de cette famille à Marcour. Nous avouons franchement qu'il n'existe plus dans le village de Marcour, ni dans les quatre autres villages de la commune, Marcouray, Devantave, Cielle et Laidprangeleux, aucune personne portant le nom de Mercurian ni celui de de Marcour ou Marcour simplement. Il est à notre connoissance qu'il existe en Belgique deux familles du nom de Marcour, l'une wallonne au village de Halleux près de La Roche, et l'autre Brabançonne qui s'écrit aussi Marcour. Dans cette dernière famille, un membre a été fait prètre il y a deux ou trois ans et est vicaire actuellement à Orp-le-Grand, après l'avoir été à Virginal, entre Braine-leComte et Hal. Est-ce que l'une ou l'autre de ces familles sort de celle des Mercurian ou des De Marcourt, dont nous parlons? Il est présumable que non.

Qu'est donc devenue cette branche de la société? Ce que devienneut les autres. Après avoir paru plus ou moins de temps sur le théâtre du monde et après y avoir joué le rôle que la Divine Providence lui avait assigné, elle s'est éteinte, et a fait comme beaucoup d'autres dont il est parlé même dans un psaume; on ne fait que passer et déjà on n'est plus.

Pour compléter ce que nous avons pu découvrir sur ces deux familles du village de Marcour, nous ajouterons que des membres des De Marcour se sont alliés 1° à un Léonard de Ronzon marié à Marguerite De Marcour qui a eu pour enfants Bénoit Léonard de Rendeux près de Marcour, Anne Marie Léonard, l'épouse d'un Hubert Coppay ou Coppet de Marcour, l'épouse de Jean Guillaume et pour beaux enfants, les enfants de Henri Ancion de Chéoux égalemen

près de Marcour, et Adam Henri Adam, demeurant alors (1709) à Champlon, canton de La Roche et où il y a encore des Adam, et ceux de Martin Gilterre ou Giltaire de Chéoux. Anne Marie Léonard fille de Marguerite De Marcour était mariée à François Etienne de Marcour, dont les enfants des derniers Etienne vivent encore à Marcour et à Marcouray, mais qu'on ne doit pas confondre avec les Dethienne. Peut-être viennent-ils aussi d'une même branche, mais c'est ce qu'il n'est pas nécessaire de montrer ici.

2. Une fille Mercurian, ou Mercurien, comme on a dit aussi en 1660, s'est également alliée à la famille des Paul de Marcour dont l'un, Jean Paul, époux de Catherine Evrard de Masbourg, près de Nassogne, étoit sergent de la Cour de Marcour en 1700, et d'après un manuscrit de cette époque on voit qu'il devint lieutenant-greffier. Les autres membres de ces familles se sont disséminés sans que nous puissions préciser leurs alliances ou leur extinction.

Les De Marcour avoient fait beaucoup de donations pieuses et de fondations religieuses. On trouve entre autres que, le 5 octobre 1638, Jacques De Marcour a donné six stiers d'avoine en rente à l'église de St. Martin de Marcour et six pour la chapelle de St. Thibaud.

Nous nous sommes étendus sur la famille des Mercurian pour ne pas interrompre le court récit que nous allons donner de la vie en général du Père Mercurian et nous pouvons montrer les pièces authentiques à ceux qui seroient tentés de révoquer en doute les faits que nous avons établis. Voyons maintenant l'exposé des actions qui donnent au l'ère Mercurian l'illustration qu'il mérite.

Ce Père naquit à Marcour, village du canton de La Roche, province de Luxembourg en Belgique, en 1514, de parents chrétiens et assez fortunés pour pouvoir donner à leur fils une instruction solide pour le temps. Il reçut au baptême le nom d'Evrard. Aussitot qu'il fut capable de sortir de la maison paternelle et que ses connoissances dans les lettres et la philosophie le lui permirent, ses parents, sur les témoignages de son curé, l'envoyèrent au grand séminaire à Liége. Marcour étoit alors de ce diocèse. Pendant son cours de théologie, il s'appliqua avec tant de piété et de zèle à l'étude que ses supérieurs l'envoyèrent achever son cours à la célèbre Université de Louvain. Il ne nous a pas été donné de pouvoir constater s'il y obtint les grades; on pourroit peut-être voir ce qu'il en est, dans les anciennes archives de l'Alma Mater. Quoi qu'il en soit, il est probable qu'il s'y distingua, puisqu'un canonnicat à Liége lui fut offert à sa sortie de l'Université; mais la modestie et l'humilité de ce saint prêtre ne s'aceommodoient pas d'une si grande distinction et son zèle pour le salut des âmes lui fit préférer une paroisse à la campagne. Il fut nommé curé à Waillet près de Marche. Ce village de 217 habitants du canton de Rochefort, mais doyenné de Marche, n'a rien de remarquable, si ce n'est le château de la famille Van der Straeten-Waillet qui est si recommandable par son amour pour la religion et si bienfaisante envers les pauvres. La cure ne pouvoit donc être considérable et importante que par l'agglomération d'autres endroits dont Waillet étoit le chef-lieu, comme il y en avoit beaucoup en ce temps-là. Ce fut là que Everard Mercurian déploya le zèle qui l'animoit pour conduire des âmes à Dieu.

Nous ne pouvons préciser l'année de son ordination ni celle de son entrée dans l'exercice du ministère pastoral; mais comme il ne resta guère à Waillet, on peut aisément fixer la date de son ordination de prêtrise vers 1537 ou plus tôt, puisqu'il n'étoit àgé alors que de 23 ans. Ainsi on pourroit dire qu'il avoit environ 24 ans lorsqu'il fut promu à la cure de Waillet. Pendant les quelques années qu'il resta curé, nous ne pouvons douter que son ardeur pour étendre la religion catholique ne lui fit faire plusieurs missions ou au moins des prédications dans les environs de sa paroisse. Ainsi Marche, Waba, Humain, Sinsin, Baillonville, Eneilles, Noiseux et son village natal doivent avoir été le théâtre de son zèle et de sa piété. Quant à ce dernier endroit, on ne peut nier qu'il y ait plusieurs fois prèché la parole de Dieu; il devoit cela au curé qui l'avoit initié aux études; il le devoit à ses bons parents et à sa famille si nombreuse et si distinguée, il devoit prouver à l'endroit qui l'avoit vu naître combien il savoit apprécier la glorieuse qualité d'enfant de Dieu qu'il avoit reçue dans le St. Baptême au même lieu. D'ailleurs la preuve de ce que nous disons ici est basée sur le témoignage du respectable Ch. Jamotte, curé de Marcour en 1637 dont nous avons parlé auparavant, et qui dit que le souvenir du P. Everard Mercurian étoit encore de son temps entouré d'honneur et de vénération.

Un compatriote du P. Mercurian.

(La suile à une autre livraison).

LETTRE DE MM. BORDAS-DEMOULIN ET HUET.

A Monsieur le Rédacteur-propriétaire du Journal historique et littéraire.

Monsieur,

Dans votre dernière livraison vous avez eu la bonté d'annoncer les Essais sur la réforme catholique. Nous vous en offrons nos remerciments.

Après avoir cité l'Avertissement, et énuméré les matières traitées, vous ajoutez: << Ce n'est pas une simple réforme que les auteurs proposent, mais une Eglise nouvelle, une Eglise régénérée et toute differente de l'Eglise existante. Aussi n'espèrent-ils rien de la part du clergé et des fidèles qui forment cette dernière; ils comptent sur en nouveau peuple. D'où il faut conclure que l'Eglise actuelle a cessé d'être l'Eglise véritable ou qu'elle ne l'a jamais été. Dans l'un et l'autre cas, c'est donner un dementi à son divin Fondateur, qui a promis d'ètre toujours avec elle et qui a prédit que les puissances des ténèbres ne prévaudroient jamais contre clie. Et dès lors appartient-il à MM. Bordas-Demoulin et Huet de fonder un christianisme quelconque? Si Jésus-Christ s'est trompé ou a trompé ses disciples, il ne peut plus être question d'Eglise... La question n'est pas de savoir si, parmi les abus que les auteurs signalent, il s'en trouve de réels; on sait bien qu'il y en aura toujours, et que c'est un moyen qui ne manquera jamais aux réformateurs. Mais, à notre avis, aucun

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