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Les bienfaits dûs à la constance, à l'opiniâtreté du génie de l'homme ne sont jamais complets. Cette pomme de terre qui devait prémunir les nations contre les atteintes effroyables de la famine, qui devait perpétuellement offrir à la pauvreté une subsistance saine et peu coûteuse, n'a pu, depuis soixante-dix ans, conjurer le spectre de la faim en Irlande, en Pologne, en Ecosse, en Allemagne et même en France où la disette, lors de la révolution, a laissé un souvenir non moins horrible que celui des échafauds.

L'agiotage, cette plaie morale et incurable des vieilles sociétés, l'agiotage qui, à l'exemple des harpies de Virgile, étend sa main sordide et desséchée sur toutes choses; sur le berceau de l'enfant comme sur le cercueil du vieillard; sur la coupe couronnée de fleurs. du riche comme sur la pinte boîteuse du pauvre; sur les atours de la courtisane comme sur les haillons de la mère de famille indigente; l'agiotage, auquel un gouvernement vraiment libéral devrait interdire le trafic de la subsistance des hommes aussi bien que le droit infàme de coter la chair et le sang humain pour la bataille; l'agiotage a étendu ses griffes de tigre et de chacal sur la pomme de terre: il a bâti pour elle des greniers, des vaisseaux qui servent à sa conservation et à son transport, et le prix de l'humble tubercule se réglant sur le prix des céréales, il arrive que lorsque le blé est cher, la pomme de terre l'est également, et par contre, lorsque le blé est à bas prix, la pomme de terre est à la portée de toutes les bourses. Le beau rêve de Parmentier et de Louis XVI s'est ainsi évanoui au soleil des réalités. Heureuses encore les populations qui, manquant après une récolte. peu productive ou presque nulle, des subsistances nécessaires à

contractent l'habitude de la paresse et de la mendicité; le troisième, d'assurer des retraites aux soldats vétérans sans épuiser le trésor public. »

N'est-ce pas là le germe des colonies de Petit-Bourg et de Mettray que nous voyons s'élever et grandir aujourd'hui, et ne nous saura-t-on pas quelque gré d'avoir extrait d'un ouvrage utile, mais oublié, de la fin du dix-huitième siècle, les pensées et les projets, irréalisables alors, de deux amis de l'agriculture, et parconséquent de l'humanité?

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leurs besoins, ne voient pas s'élancer, des rivages de leurs pays, des nefs rapides chargées de pommes de terre, qui vont, sous le pavillon cosmopolite de l'agiotage, porter sur d'autres bords, l'abondance et la sécurité qu'elles volent impudemment à la patrie en deuil.

Pour surcroît de maux, depuis quelques années il s'est produit des taches dans la pomme de terre comme dans le soleil. Une analogie arcane semble exister entre le sublime générateur de la nature et la constitution de l'une des plus humbles plantes qu'il fait naître par la chaleur de ses rayons. Cette affection morbide, que la science n'a pas pu encore expliquer, a été nommée la maladie des pommes de terre. Les Français en ont ri, les esprits forts s'en sont peu alarmés; mais les véritables philosophes, ceux qui ne veulent nier dans leur pieuse sagesse, ni Dieu, ni l'impénétrable mystère de ses décrets, ont gémi de ce déplorable phénomène, qui annonce dans l'ordre physique un renversement pareil à celui qui existe depuis un siècle dans l'ordre moral. La destruction des mondes comme la destruction des sociétés, se révèle longtemps à l'avance par des prodiges inexplicables qui sont en quelque sorte les ambassadeurs de la colère et de la justice de Dieu.

La gratitude publique a décerné, à Antoine Parmentier, une magnifique récompense digne de ses vertus et de son amour pour l'Humanité. On a élevé, il y a quelques années, à Montdidier, sa ville natale, une statue de bronze au Christophe Colomb de la pomme de terre. Le savant agronome est représenté debout, tenant à la main le bouquet de fleurs de patates qu'il présenta à Louis XVI en 1781. Le piédestal ne porte que cette courte inscription: à Antoine Parmentier. Ce laconisme est de bon goût, car il est des noms si vénérables et si grands, que les éloges et les titres pàlissent devant leur immortalité.

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La musique est peut-être, après l'architecture, le plus ancien

des arts. Quelques auteurs prétendent qu'elle tire son origine de l'Égypte, ce berceau de toutes les philosophies, de tous les arts et de toutes les religions.

Les Grecs attribuent l'art de la musique à Mercure, l'inventeur de la lyre; quelques poètes ont prétendu que Cadmus en se sauvant de la cour du roi de Phénicie, avait amené dans la Grèce la musicienne Harmonie. Plutarque donna pour père à la musique Amphion et Apollon. A ces divins inventeurs succédèrent Chiron, Demodocus, Hermès et Orphée. Puis Phocinius et Terpandre, contemporains de Lycurgue, donnèrent des règles à la musique et, selon quelques auteurs, inventèrent les premiers modes. Enfin, Thalès et Thamiris, sont regardés avec raison comme les premiers inventeurs de la musique purement instrumentale. Car la musique vocale, on doit le comprendre facilement, a dù précéder les instruments faits à l'aide de roseaux, du bois, des arêtes de poisson, des cornes de bœuf et des métaux.

Ces grands musiciens vivaient avant Homère, c'est-à-dire plus de quinze cents ans avant l'ère chrétienne. Lasus, Hermionensis, Melnippides, Philoxènes, Thimothée, Phrinnès, Epigonius, Lysandre, Symmicus et Diodore, perfectionnèrent cet art sublime. qui avait atteint chez les Assyriens, chez les Mèdes et chez les Égyptiens un degré dont les modernes n'approcheront peutêtre jamais. Quand on visite en effet les ruines de Memphis, de Suze et d'Ectabatane, on reste confondu de la puissance des instruments qui devaient verser des flots d'harmonie sous les voûtes immenses des temples consacrés aux dieux et des palais destinés aux rois.

Lasus est le premier qui ait écrit sur la musique, du temps de Darius Hystaspes. Epigonius inventa un instrument de quarante cordes qui prit le nom d'Epigonium. Symmicus inventa un instrument de trente-cinq cordes appelé aussi de son nom Simmicum. Diodore perfectionna la flûte en y ajoutant de nouveaux trous; et Thimothée la lyre, en y ajoutant une nouvelle corde, ce qui le fit mettre à l'amende par les Lacédémoniens.

Les instruments chez les anciens se divisaient en instruments à cordes, instruments à vent et instruments qu'on frappe. Les instruments à cordes des anciens étaient lyra, psalterium, trigonium, sambuca, cithara, pectis, magas, barbocton, testudo, simmicum, épandoron; on touchait tous ces instruments avec la main ou avec le plectrum, espèce d'archet.

Les instruments à vent étaient le tibia, fistula, tuba, cornua, litius et les orgues hydrauliques.

Les instruments de percussion étaient appelés tympanum, cymbalum, crepitaculum, tintinnabulum, crotalum, sistrum.

Athénée nous apprend que chez les Mèdes, les Egyptiens et même dans les Républiques grecques, toutes les lois divines et humaines, les exhortations à la vertu, les connaissances de ce qui concernait les dieux et les hommes, la vie et les actions des personnages illustres étaient écrites en vers et chantées publiquement par des chœurs, au son des instruments. Les législateurs et les rois n'avaient pas trouvé de moyen plus efficace pour graver dans l'esprit des hommes les principes de la morale et la connaissance de leurs droits et de leurs devoirs.

Au surplus les écrivains de l'antiquité diffèrent beaucoup entre eux sur la nature, l'objet, l'étendue et les parties de la musique. En général, ils donnent à ce mot un sens beaucoup plus étendu que celui qui lui reste aujourd'hui. Ils comprenaient sous le nom de musique la danse, le chant, la poésie et même la réunion de toutes les sciences et de tous les arts. Hermès définit la musique, la connaissance de l'ordre de toutes choses. C'était aussi le sentiment de Platon et de Pythagore. Le premier disait que tout dans l'univers était musique; et le second affirmait à ses disciples que le meilleur philosophe devait être aussi le meilleur musicien. Selon Hesychius, les Athéniens donnèrent à tous les arts, pris collectivement, le nom de musique.

Les poètes, et après eux quelques philosophes, ont donné cours à cette ingénieuse fiction, que la musique adoucissait les mœurs et désarmait les mauvaises passions. La fable d'Orphée sub

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