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donc compté sur un accueil particulièrement favorable de la part de l'empereur Joseph II'. Mais celui-ci, connaissait la France et tout particulièrement le monde de la Cour. « Lous XVI, écrivait-il à son frère « Léopold, est un peu faible, mais point un imbé<«< cile. Il a des notions, il a du jugement, mais c'est << une apathie de corps comme d'esprit. Il fait des «< conversations raisonnables, et il n'a aucun goût de «< s'instruire ni curiosité. Enfin le fiat lux n'est pas <«< encore venu; la matière est encore en globe. » Elle devait y rester toujours.

Pour sa sœur Marie-Antoinette, Joseph la jugeait

1. Joseph II, né le 13 mars 1741, succéda à Marie-Thérèse, le 29 novembre 1780; mourut le 20 février 1790.

Marie-Thérèse, née le 13 mai 1717, avait épousé, en 1736, François-Étienne, duc de Lorraine, né le 8 décembre 1708, mort le 18 août 1765. Elle avait eu seize enfants; dix lui survécurent: 1o Marianne, née le 6 octobre 1738, morte le 19 novembre 1789; abbesse.

2° Joseph II, empereur.

3° Marie-Christine, la gouvernante des Pays-Bas.

4o Marie-Élisabeth, née le 16 août 1743, abbesse; morte le 22 septembre 1808.

5° Marie-Amélie, née le 26 février 1746, mariée à Ferdinand, duc de Parme, morte le 11 juillet 1804.

6o Léopold II, né le 5 mai 1747; grand-duc de Toscane le 18 août 1765; empereur d'Autriche le 20 février 1790; mort le 1er mars 1792.

7 Marie-Caroline, née le 13 août 1752, mariée en 1768 au roi Ferdinand de Naples; morte le 8 septembre 1814.

80 Ferdinand, né le 1er juin 1754, gouverneur et capitainegénéral de Lombardie; marié le 15 octobre 1781 à Marie-Béatrix d'Este, fille et héritière du duc de Modène; mort le 21 décembre 1800.

9° Marie-Antoinette, née le 2 novembre 1755, mariée le 2 ma 1770; morte le 16 octobre 1793.

10° Maximilien, né le 8 décembre 1756, prince-électeur de Cologne, évêque de Munster; mort le 17 juillet 1801.

2. 9 juin 1777.

aussi sévèrement que Marie-Thérèse elle-même 1. Lors de son passage à Paris, il avait tout tenté pour réagir contre ses désordres, amenés par l'amour du jeu et de la toilette. Il avait quitté la France profondément surpris de l'attitude de la noblesse, et particulièrement de celle des princes. « Monsieur, écrivait«< il à son frère, est un être indéfinissable; mieux que <«<le roi, il est d'un froid mortel. Madame, laide et «< grossière, n'est pas Piémontaise pour rien, rem<< plie d'intrigues... Le comte d'Artois est un petit << maître dans toutes les formes. Sa femme... est im<«< bécile absolument. » Son étonnement, à propos de de l'insouciance de ces nobles voyageurs qui, tout en se plaignant de leur pays, avaient eu soin de le quitter au plus vite à l'heure de la crise, en abandonnant leur souverain à la merci des événements, fut naturel. D'accord avec son ambassadeur, le comte de Mercy-Argenteau, il se borna donc à des promesses vagues. Comme Mercy, il croyait encore à la

1. Marie-Thérèse à Marie-Antoinette : « Je ne crains pour vous << que trop de dissipation. Jamais vous n'avez aimé la lecture ni << aucune application; cela m'a donné souvent des inquié<< tudes... >>

Elle ajoutait à Mercy-Argenteau: « J'ai toujours trouvé ma « fille légère, sans réflexion, sans goût pour des occupations « solides, susceptible d'attachement pour les personnes qui ont « l'adresse de se faire à ses inclinations et dissipations, et en « même temps très attachée à ses idées, en faisant semblant de << vouloir les abandonner. La faveur qu'elle a accordée et conti<< nue encore à accorder à la princesse de Lamballe, à madame << de Polignac, au comte d'Artois, au prince de Ligne, au duc de « Coigny et à plusieurs autres de cette espèce, et les inconvé<< nients qui en ont été la suite, sont des preuves convaincantes « de son peu de discernement dans le choix de ses favoris et fa<< rites... >>

(Correspondance de Marie-Antoinette.) Arneth.

possibilité d'une entente entre le roi et l'Assemblée nationale. Les événements devaient lui donner tort.

La folle entreprise du marquis de Favras, les compromissions de Mirabeau avec le comte de La Marck et le comte de Mercy, les mouvements insurrectionnels ou populaires du Midi et de l'Ouest, les réformes prescrites par les représentants de la nation, le mécontentement des gens atteints par ces mesures, particulièrement celui des membres du clergé et des officiers, enfin, les divisions qui se manifestaient chaque jour davantage au sein du gouvernement, n'avaient fait qu'aggraver la situation. Chacun avait comme le pressentiment de quelque entreprise ténébreuse.

L'envoi de M. de Breteuil en Suisse, en vue d'y organiser un plan de défense militaire de concert avec le prince de Condé, les voyages de MM. de La Marck, de Fersen et de Bouillé fils, à Bruxelles et à Luxembourg, la réception du maréchal de Broglie 2 par le général de Bender 3, les allées et venues des agents de la Cour, l'arrogance des déserteurs, les violences de leurs journaux, tout dénotait un mouvement général. En effet, il s'était formé tout autour de

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1. De Breteuil (Louis-Auguste Le Tonnelier, baron de), né à Preuilly, en Touraine, en 1753, mort à Paris, le 2 novembre 1807.

2. Victor-François, duc de Broglie, né, le 19 octobre 1718. Capitaine en 1734, maréchal de France, le 16 décembre 1759. Maréchal général des armées du roi. Retiré à Luxembourg, commanda un corps de déserteurs à Valmy, mort à Munster, en 1804.

3. Bender (Blaise-Colomban, baron de), né en 1713, fils d'un artisan. Nommé gouverneur de Luxembourg en 1789, commandant en chef, puis maréchal, fait prisonnier dans Luxembourg, en juin 1795, mort à Prague le 20 novembre 1798.

la France comme un cordon de conspirateurs, dont les centres d'action se trouvaient à Bruxelles, Cologne, Mayence, Worms, Spire, Genève, Chambéry, Nice et Figuières. Si la haine et le désir de vengeance y étaient communs, les plans pour réaliser ces projets criminels ne l'étaient guère. La confusion la plus grande régnait dans les conseils de la Cour et des princes. Toutefois, au milieu de ce conflit d'intérêts, on était à même d'entrevoir deux courants bien distincts. Le premier correspondait à l'idée de l'adaptation en France d'un régime constitutionnel semblable à celui de l'Angleterre. MM. de La Fayette, de Lameth, Barnave et quantité d'autres personnages se montraient assez partisans de cette solution. Le second se rattachait à la fuite de la famille royale, au châtiment exemplaire d'un parlement déclaré infâme et à l'occupation de la France par les troupes des puissances coalisées. Ce beau programme était celui des exaltés,. des princes de Condé, du roi de Suède, des de Bouillé, de M. de Fersen, en un mot de tout ce petit monde de courtisans dont s'entourait habituellement la reine.

Dès le début de la crise, l'exécution de ce dernier plan avait été rêvée par beaucoup de gens. La difficulté était venue du roi, qui se montrait indécis. Le premier projet d'évasion datait, en effet, du 15 octobre 1789. Rédigé par M. de Mirabeau et remis à Monsieur par le comte de La Marck', il servit proba

1. Auguste-Marie-Raymond d'Arenberg, comte de la Marck, né en 1753 à Bruxelles, mort en 1833. Député Grand d'Espagne, maréchal de camp, colonel du régiment d'infanterie allemande, député.--Marié le 23 novembre 1774 à mademoiselle de Cernay; au service d'Autriche en 1793. Son frère (Pierre) devint officier d'ordonnance de Napoléon et pair de France.

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blement de base au complot du marquis de Favras1. Le second, plus sérieux et beaucoup mieux préparé, eut pour principaux organisateurs, de Fersen2, de Bouillé et le roi de Suède. « Les troupes de l'empe«reur fortes de trente à trente-cinq mille hommes, << dit ce dernier *, entreront par la Flandre; douze à << quinze mille Suisses pénétreront par la Franche«< Comté, quinze mille Sardes par le Dauphiné et << vingt mille Espagnols par les Pyrénées. Les princes «< de l'Empire attaqueront l'Alsace. Le roi d'Angle<< terre restera neutre et aura les Antilles comme dé« dommagement. »

Dans cette combinaison, le maréchal général prince de Broglie remplissait les fonctions de ministre de la guerre in partibus à Luxembourg, et le prince de Condé avait la direction d'un corps spécial en formation sur les bords du Rhin. Quant à Gustave III, il se réservait le commandement des troupes de débarquement, composées de seize mille Suédois et de six mille Russes avec Bouillé pour chef d'état-major. A son arrivée en Normandie, il devait être rejoint par les patriotes gentilshommes affiliés au complot. C'était,

(Prosper-Louis), né en 1785, fut sénateur en 1806, et épousa mademoiselle Stéphanie Tascher de la Pagerie.

1 Thomas Mahi, marquis de Favras, né à Blois en 1745, pendu le 19 février 1791. Lieutenant dans les Suisses de la garde de Monsieur. - Forma le projet d'enlever le roi, d'affamer Paris, etc... Les pièces du procès furent soustraites du greffe.

2. Alex. de Fersen, né à Stockholm, colonel du régiment royal Suédois; à la cour de 1783 à 1788, fit tout pour sauver la Reine. Mort assassiné en 1810.

3. François-Claude-Amour, marquis de Bouillé, né le 19 novembre 1739, au château de Cluzel, en Auvergne; mort, le 14 novembre 1800, en Angleterre,

4. Lettre du roi de Suède, du 9 juillet 1790.

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