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chargé d'en faire le tirage. Les autres articles furent successivement votés, sans provoquer de débats bien sérieux. Plusieurs membres présentèrent des paragraphies additionnels, relatifs à divers objets. Par exemple, on décida que les contributions qui grevaient le terrain dont le propriétaire aurait été exproprié pour cause d'utilité publique continueraient à lui être comptées pendant un an pour former le cens électoral. On décida aussi que les formalités prescrites par le titre II de la loi ne seraient pas applicables aux travaux militaires, ni à ceux de la marine royale. Cette épithète de royale appliquée à la marine, dans la rédaction de M. Charles Dupin, souleva des critiques: on voulait y substituer les expressions de marine nationale ou marine de l'état. M. Charles Dupin défendit ainsi sa rédaction:

« La marine militaire française, dit-il,por'e aujourd'hui le titre honorable de marine royale. Permettez moi de vous dire que, par cette expression, il n'est personne dans la marine, ni moi ni aucun autre, qui crût faire de la marine une propriété du roi. Mais vous êtes sous un régime de monarchie, vous avez un roi constitutionnel; la charte déclare que le roi commande les armées de terre et de mer, la marine est donc commandée par le roi, elle est royale à ce titre. D'ailleurs, la marine militaire, pour être distinguée de la marine marchande, a toujours été désignée sous le nom de marine royale, qui signifie pour nous tous marine de la patrie: voilà pourquoi nous sommes fiers de servir sous son pavillon national!

«Cependant, par votre vote, vous déclareriez que la marine de lé’tat n'est pas royale, c'est-à-dire qu'elle n'est pas, comme force publique, aux ordres complets du gouvernement du roi. Non, messieurs, vous ne pouvez pas le faire. Je persiste dans les termes de mon amendement, et je Je dis, la discussion animée qui s'élève me fait sentir qu'une question de haut intérêt constitutionnel repose au fond d'une question qui serait puérile, si l'on n'y voyait qu'une dispute de mots. »

M. Marchal répliqua que la qualification de marine royale était un anachronisme, en ce sens qu'elle rappelait une époque où la marine, l'armée, et tout ce qui n'était pas propriété privée, se trouvait être la propriété du roi. Dans l'ancienne charte se trouvaient les mots trésor royal que, sur sa remarque, on remplaça dans la nouvelle par ceux de trésor public. D'autres membres insistèrent sur ce qu'on avait toujours employé l'épithète royale pour distinguer la marine de l'état de la marine marchande. Le mi

nistre du commerce prit la parole et dit que l'expression contestée n'était pas un anachronisme, car la royauté n'en était pas un : la France avait un roi, et non une république.

« La Charte, continuait-il, l'a écrit en toutes lettres; la Charte a reconnu un roi et l'a désigné commandant des armées de terre et de mer. Rien n'est plus convenable que de donner à l'une des forces publiques le titre de royale.

« La justice en est-elle moins juste, moins respectable, moins nationale, parce que les cours qui la rendent s'appellent cours royales? Des hommes qui ont prêté serment au roi auraient mauvaise grâce de repousser son nom là où la Charte l'a mis. Quant à nous, ministres d'une monarchie, nous y résisterons de toutes nos forces.

« On a fait, quant au trésor, une citation que je demande la permission d'appeler puérile. Le roi ne commande pas au trésor, mais il commande l'armée de mer comme celle de terre, et je demande que l'on conserve à la marine le titre qu'elle a toujours porté, et que la Charte lui a conservé. »

En définitive l'expression marine royale, mise aux voix, fut adoptée à une très-grande majorité.

Un article ayant pour but d'affranchir l'administration des formalités voulues par le titre II de la loi, toutes les fois que les travaux seraient d'une telle urgence qu'il serait dangereux de se soumettre à ces formalités, fut présenté par M. Mallet. La commission à laquelle le renvoya la chambre, pensa que cet article avait une toute autre portée que celle qu'il semblait avoir, et se trouvait en opposition avec la Charte et l'article 8 du Code civil; que par conséquent son adoption n'était pas possible. Mais, comme le gouvernement avait manifesté par l'organe de ses commissaires le besoin d'obtenir des dispositions spéciales pour les cas d'urgence et de force majeure, la commission présenta une autre rédaction, que la Chambre accucillit, et dont le résultat fut de donner, dans certains cas spécifiés, au préfet ou au maire, le droit d'ordonner l'occupation immédiate des terrains nécessaires à la confection des travaux reconnus urgens.

On procéda au scrutin secret sur l'ensemble de la loi : le dépouillement en fut remarquable; sur 293 votans, il J eut 282 boules blanches et 11 boules noires seulement.

Portée le 9 mars à la chambre des pairs, la loi ne put être discutée avant la fin de la session. La commission,

chargée de son examen, avait fait son rapport le 20 avril; mais la loi étant sortie constitutionnellement du cercle des travaux de la Chambre, dut être l'objet d'une nouvelle présentation: nous la retrouverons dans la session de 1833.

C'est ici le lieu de rappeler quelques propositions et projets de loi, qui, dans l'espace de temps écoulé depuis l'ouverture de la présente session jusqu'à l'époque à laquelle nous sommes parvenus, n'obtinrent pas la sanction des Chambres.

Dans ce nombre doit figurer d'abord une proposition relative à l'amortissement, présentée à la Chambre des députés et développée le même jour ( 4 décembre) par M. Gouin. L'honorable membre pensait que le moyen d'agir efficacement sur la dette, serait d'adopter une spécialité des emprunts et d'y adjoindre un fonds spécial d'amortissement. Le total des fonds consacrés à cet emploi s'élevait, au 1er octobre 1832, à la somme de 91,944,187 francs, et le total des rentes à racheter à celle de 174,196,730 francs. M. Gouin voulait que la dotation de l'amortissement fùt portée de un à deux pour cent; puis, divisant la totalité de la dette en sept séries, ainsi que la totalité des fonds d'amortissement, il établissait par des calculs que la dette actuelle pourrait être liquidée en trente-six ans, en supposant toujours que les circonstances ne rendissent pas de nouveaux emprunts nécessaires. Sur les observations de M. Larabit et de M. Humann, ministre des finances, qui représentèrent, le premier, qu'en affectant à l'amortissement une partie considérable des revenus de l'état, on détruirait pour quelques années l'espoir entretenu par les contribuables de voir leurs charges diminuer, le second, qu'en touchant à l'amortissement on s'exposerait à porter atteinte au crédit du gouvernement, qui pourrait encore être obligé de recourir à la voie des emprunts, la Chambre adopta à une très-grande majorité l'ajournement de la proposition.

Dans la Chambre des pairs, M. le comte Cornudet avait présenté et développé (10-14 décembre) une proposition

sur le régime et la conservation des biens communaux. Prise en considération et renvoyée à une commission chargée de l'examiner, la proposition n'alla pas plus loin, et ne fut l'objet ni d'un rapport, ni conséquemment d'une discussion.

Dès la session précédente, M. Harlé fils avait soumis à la Chambre des députés une proposition sur la négociation des effets publics: le temps lui ayant manqué pour en présenter les développemens, il la reproduisit le 14 décembre, et quelques jours après (18 décembre), il fut admis à faire valoir les motifs qui la lui avaient dictée. Dans le but de réprimer l'agiotage, il proposait de créer une caissé spéciale de dépô's pour recevoir les effets publics à vendre et les fonds destinés à les acheter. Tel était l'objet de l'article 1o : l'article 2 déterminait les moyens d'exécution pour les opérations de la caisse. L'article 3 traitait des marchés réels à terme, et l'article 4 déterminait les peines dont seraient passibles les agens de change en contravention. Le même article portait que les parties civiles auraient le droit de faire, vendre la charge judiciairement. Enfin l'article 5 autorisait les adjudicataires d'emprunts à créer et négocier des promesses d'inscriptions, et les agens de change à prêter leur ministère à la négociation de ces valeurs, sans qu'il fût nécessaire de remplir les formalités prescrites par les articles 1 et 2.

Tout en rendant justice aux intentions de M. Harlé, le ministre des finances fit observer qu'il serait imprudent d'empêcher toute transaction légale et soutint que la proposition, conçue dans un système préventif plutôt que répressif, aurait cet effet. Cependant il ne s'opposa pas à la prise en considération, qui fut prononcée. Le ministre avait déclaré qu'il serait impossible de convertir la proposition en loi, et en même temps exprimé le désir que la commission chargée de l'examiner se pénétrât de ses avantages, et cherchât le moyen d'arriver au même but par une voie différente.

La commission suivit la marche que lui avait tracée le ministre (26 janvier); elle pensa qu'il serait possible d'éta

blir une caisse spéciale, placée sous la direction collective de la compagnie des agens de change et sous sa responsabilité immédiate, dans laquelle tout individu qui voudrait acheter ou vendre des effets publics serait admis à déposer son argent ou son titre. Ce ne serait pas une obligation imposée au public, mais une simple faculté, dont chacun profiterait, lorsqu'il le jugerait à propos.

Plusieurs membres de la commission furent d'avis que cette matière rentrait dans les attributions législatives et qu'une ordonnance royale, dans le cas où l'on aurait la certitude de l'obtenir, n'offrirait jamais ni l'autorité ni la stabilité d'une loi; mais la majorité embrassa au contraire l'opinion que la disposition dont il s'agissait, était de la nature de celles que prévoyait l'article go du Code de commerce. En conséquence, la commission se prononça pour le rejet de la proposition, en émettant le vœu qu'un réglement d'administration public intervînt sans retard et sur les bases indiquées par elle.

28, 29 et 30 janvier. M. Harlé fils, ayant remanié et refondu sa proposition, la commission fut une seconde fois appelée à l'examiner, et conclut encore à son rejet, sur le motif que les articles additionnels avaient pour but des mesures de surveillance et de pénalité, déjà suffisamment établies par le droit commun. Après une discussion générale de peu d'étendue, la Chambre, consultée, décida qu'il n'y avait pas lieu de passer à la délibération des articles.

Un projet de loi destiné à régler les contestations des notaires et commissaires-priseurs, au sujet de la vente des récoltes pendantes par racines, avait été soumis à la Chambre des pairs (10 décembre). Il s'agissait de décider si la vente de ces récoltes ou autres objets adhérens au sol, sans que le sol en fit partie, était une vente d'effets mobiliers. Tranchant dans le sens affirmatif une question longuement controversée, sur laquelle les différentes cours du royaume étaient partagées, le projet de loi portait que les ventes seraient

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