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reçu votre consécration, cette loi n'était pas adoptée par d'autres, vòus resteriez avec une velléité impuissante, et vous auriez compromis la question. Elle est plus forte dans la situation actuelle des choses, appuyée qu'elle est sur le principe des libertés de conscience écrit dans la loi. La seule conséquence qu'on puisse tirer de la situation actuelle de cette question, c'est qu'il y a une bonne loi et un mauvais arrêt. (Rires aux extrémités, légers murmures sur quelques bancs du centre.)

« Si j'étais appelé à formuler exactement ma pensée, je déclarerais que, sur la proposition qui vous est faite, il n'y a pas lieu à délibérer, et je motiverais cette opinion sur ce que la législation existante, n'ayant pas mis l'engagement dans les ordres, les vœux monastiques, la disparité de culte, en un mot les empêchemens qui peuvent résulter des canons, au nombre des empêchemens dirimans du mariage, le prêtre qui quitte son ministère doit jouir de tous les avantages que la loi civile accorde indistinctement à tous les citoyens. La loi existe, il n'y a pas lieu à en recommander l'application aux tribunaux, c'est leur devoir de s'y conformer; si on a commencé par mal juger, on finira par bien juger; j'en ai pour garant la manifestation d'opinions que cette matière a provoquée dans cette Chambre. (Mouvement prolongé d'approbation.)

A M. Dupin succéda M. Berryer, qui ne trouvait pas que la question eût encore été bien précisée, même par le préopinant. Laissant de côté la considération tirée du fait de l'existence d'une loi, fait contesté par plusieurs cours royales, par la cour souveraine et par les jurisconsultes les plus éclairés, l'orateur arrivait à la modification de l'art. 6 de l'ancienne Charte. De ce jour, ainsi que l'avait remarqué M. Dupin, un grand changement était intervenu, et M. Berryer ajoutait :

« En changeant la rédaction de l'art. 6 de l'ancienne Charte, vous avez voulu séparer deux choses, constater un fait, et déclarer que l'état n'a aucun rapport avec l'ordre religieux. Je le veux bien, et la proposition actuelle est la conséquence de ce principe. Nous pouvons délibérer sur ce terrain; mais sentez-en bien les conséquences. La ligne de démarcation tracée, l'autorité civile renonce à tous ses droits sur l'autorité religieuse; alors l'église devient indépendante et ne relève plus que d'elle-même. J'accepte la question ainsi posée, et c'est sur ce terrain que la question de M. Portalis doit être débattue; mais si vous accueillez le principe, il faut en accepter les conséquences. Il faut toucher dans la législation, et séparer ce que treize siècles de catholicisme avaient rapproché.

« Il y a peu de jours que, par un amendement, on déclarait le prêtre incapable de participer aux droits politiques pour la formation des conseils généraux; je comprends que du moment où vous refusez les droits civils aux prêtres, ne leur accordant pas les priviléges, vous ne pouvez leur faire subir les charges de la loi. (Sensation.) Dans les premiers temps de la société française, et je ne veux pas remonter à des époques trop éloignées, je m'arrêterai au temps de Louis IX; à cette époque, il y avait liberté entière dans le sein de l'église, au milieu de la société civile.

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« Vous connaissez la pragmatique sanction de saint Louis, renouvelée sous Charles VII, attaquée d'abord par Louis XI, ensuite par le concordat de Léon X et de François ler.

«Si vous adoptez le même principe, nous rentrerons dans cette loi si chère à nos pères, à nos anciens parlemens, dans l'ordre de liberté, dans le système de l'élection.

«Ainsi, laissant de côté tous les débats de palais, je ne chercherai pas s'il y a une loi, si un arrêt a une autorité suffisante, si un autre arrêt n'ébranle pas l'autorité du premier. Il s'agit de décider s'il y aura définitivement en France la conquête de la liberté de l'église. Ši vous prenez la proposition en considération, nous entrons dans une grande carrière, l'église sera indépendante de l'état, elle n'aura qu'à y gagner (M. Dubois de la Loire-Inférieure. Mais elle n'aura plus de salaire.) Cette question sera facile à traiter. Je.demande à ne pas entrer pour le moment dans ce débat que je suis très-prêt à accepter lorsqu'il se présentera dans la discussion du budget. Je m'arrête, j'en ai dit assez pour vous montrer la véritable question, le principe constitutionnel qui doit vous guider sur la prise en considération. Je termine en vous rappelant que l'adoption d'un tel principe a des conséquences que vous ne devez pas perdre de vue. »

La controverse se prolongea encore quelques instans entre M. Dupin et M. Berryer; la prise en considération fut ensuite mise aux voix : une première épreuve resta douteuse; à la seconde, la Chambre l'adopta, et même à une majorité assez forte. La proposition fut donc renvoyée aux bureaux; mais la commission chargée de l'examiner, conclut au rejet par l'organe de M. Dumon, son rapporteur (18 avril), en se fondant sur ce que les empêchemens canoniques au mariage n'étant reconnus par aucune loi, il était inutile de faire une loi pour les écarter. Loin d'admettre la prétendue nécessité d'interpréter une législation mal comprise, la commission était frappée du danger d'introduire des discussions irritantes, pour donner au pays des lois qu'il ne demandait pas.

« Nous n'avons pas, disait le rapporteur, à agiter ici des questions de théorie. Nous n'avons pas à examiner si la prohibition du mariage dės prêtres est contemporaine des premiers âges de l'église, ni à discuter, au nom de la morale et de la politique, les inconvéniens ou les avantages du célibat religieux. Ce sont des thèses d'érudition ou de philosophie. Il s'agit de la pratique et du présent. Or, nous ne pouvons méconnaitre que le célibat obligatoire des prêtres est profondément incorporé dans la discipline catholique, qu'il est une condition nécessaire du sacerdoce pour la piété du prêtre comme pour la vénération des fidèles. Consultons notre histoire deux fois, à de longs intervalles, au milieu des troubles civils, la loi du célibat a été méconnue. L'exemple n'a jamais prévalu; plus fort que les plus doux penchans de la nature, le célibat s'est rétabli, bien moins par l'autorité des lois que par l'empire des traditions religieuses et de l'opinion nationale.

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Il est vrai, et nous nous faisons un devoir de le constater, que la proposition de l'honorable M. Portalis n'a pour objet que les prêtres qui renoncent au service des autels. Il est vrai qu'elle n'empiète nullement sur les droits de la discipline ccclésiastique, et se renferme dans une question

de liberté civile. Mais, quelque soin que nous prissions de limiter ainsi notre résolution, ces límites seraient bientôt franchies. Commentée, agrandie par les espérances des uns, et par les scrupules des autres, cette résolution risquerait d'être prise comme une tentative d'abolir le célibat des prêtres, c'est-à-dire comme une tentative de révolution religieuse. En présence de populations trop nombreuses que l'ignorance livre aux préjugés, ou pourrait pousser au fanatisme, nous convient-il, messieurs, de. fournir un prétexte à de telles suppositions? nous convient-il de donner aux convictions religieuses une raison, même fausse, de nous craindre et de s'éloigner de nous, et aux hostilités hypocrites une occasion, avidement saisie, de nouvelles calomnies? N'est-il pas plus juste et plus politique, tout ensemble, de rassurer d'honorables scrupules, d'oter une arme à de dangereuses inimitiés par des ménagemens qui ne coûtent rien à l'intégrité de nos principes; et tout en maintenant avec fermeté l'indépendance de l'autorité civile, de faire acte de respect envers un culte que la Charte proclame la religion de la majorité des Français ? »

Combattue par ces considérations, dont il résultait d'ail leurs que le Code civil n'interdit pas le mariage des prêtres, la proposition de M. Portalis ne se representa plus dans les délibérations de la Chambre.

Une proposition tendant à ce que les minutes des ordonnances ou décisions royales, soumises par les ministres des divers départemens à la signature de S. M., fussent immédiatement déposées entre les mains du garde-des-sceaux, et à ce que ce ministre demeurât chargé, sous sa responsabilité personnelle, de la publication de celles desdites ordonnances contenant réglemens d'administration publique, créations d'emplois publics, changemens dans les traitemens et allocations, etc., avait été faite par M. Isambert (19 février). Le garde-des-sceaux lui objecta que la loi du 14 frimaire an XII, créatrice du Bulletin des lois, celle du 12 vendémiaire an IV, et les ordonnances de 1817 et 1821, avaient fait tout ce qu'il demandait, quant à la publicité des ordonnances relatives à l'exécution des lois, ainsi que des ordonnances concernant des objets d'intérêt général ou portant création d'emplois. La proposition ne fut pas prise en considération (1 mars).

Une autre proposition, présentée par M. Koechlin (18 février), éprouva le même sort. L'honorable membre voulait qu'il fût accordé aux individus âgés de plus de vingt-un ans, nés en France de parens étrangers, et qui avaient conAnn. hist. pour 1833.

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tinué d'y résider, une année pour remplir les formalités crites par l'art. 9 du Code civil. Il affirmait que dans les départemens du Haut et du Bas-Rhin plusieurs jeunes gens se trouvaient frappés de la déchéance prononcée par l'art: 3 du Code civil, bien qu'ils eussent satisfait à la loi du recrutement, parce qu'ils avaient négligé de faire leur déclaration dans l'année de leur majorité. Mais le garde-des-sceaux répondit que l'art. 9 du Code civil déterminait un délai fatal,· et qu'il ne serait pas juste de relever d'une déchéance encourue certains individus, tandis que d'autres en resteraient frappés. M. Briqueville ajouta que la plupart des jeunes gens nés en France d'un père étranger ne négligeaient de déclarer leur volonté de devenir citoyens français que pour se soustraire au recrutement, et qu'on devait renoncer aux bénéfices lorsqu'on ne voulait pas supporter les charges. Ces motifs entraînèrent le rejet de la proposition (2 mars).

Le discours de la couronne, prononcé à l'ouverture de la session (voyez l'Annuaire de 1832), annonçait la présentation d'un projet de loi sur l'état de siége, et, en effet, ce projet fat communiqué à la Chambre des pairs par le gardedes-sceaux (10 décembre). Dans l'exposé des motifs, le ministre rappela les circonstances qui avaient forcé le gouvernement d'user du droit rigoureux résultant des lois existantes. Il analysa ce droit, auquel, suivant lui, la Charte de 1814 et la Charte de 1830 n'avaient porté aucune atteinte: ensuite il exposa les bases de la législation nouvelle qu'il venait proposer d'y substituer.

Une improbation presque générale accueillit le projet de loi, divisé en deux parties, l'une purement militaire, et l'autre politique. La presse en critiqua vivement l'esprit et les principales dispositions, et le travail de la commission, à laquelle le renvoya la Chambre des pairs, se fit sous une inspiration plutôt hostile que favorable. Dans un rapport longuement développé ( 5 janvier), M. Allent motiva les divers amendemens par lesquels la commission avait cru

devoir restreindre la tendance arbitraire du projet ministé riel ces amendemens s'appliquaient surtout à sa seconde partie, et, en terminant, le rapporteur les résumait ainsi qu'il suit :

« Nous réduisons le droit d'exil à celui de renvoyer chacun dans son domicile.

« Le droit de désarmement est restreint à celui d'enlever les armes et les munitions de l'ennemi ou des rebelles avant le combat ou après victoire.

Le droit de perquisition nocturne est limité à celui de poursuivre, après le coucher du soleil, des e vaincus pendant le jour.

« Ces droits ainsi restreints, nous proposons de ne les accorder que dans l'état de guerre réelle, et pour la durée des hostilités, au général commandant les forces réunies contre l'invasion ou la révolte, qui les exercera sous sa responsabilité. »

D'ailleurs, et malgré les soins consacrés par elle à son travail, la commission ne s'en exagérait pas les avantages, et M. Allent présageait en quelque sorte le destin réservé au projet, dans cette conclusion de son rapport:

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« Quoi qu'il en soit, disait-il, les mesures auxquelles nous réduisons la loi qui vous est proposée n'excèdent pas celles qué pourrait prendre, en vertu du droit où des nécessités de la guerre, un général d'armée dont le courage moral, comme la vaillance, serait égal aux dangers de la patrie; mais la loi peut, en ce cas, fortifier la faiblesse, et tempérer l'exagération ou la témérité.

"« C'est là peut-être l'utilité réelle de la loi: car nos amendemens y détruisent le ressort politique que le gouvernement avait cru possible et utile d'y placeret, nous devons en convenir, le projet amende encourra le reproche d avoir, sans atteindre ce but, restreint les libertés publiques. En effet, la loi, telle que nous la modifions, ne doit satisfaire ni les personnes qui pensent qu'on ne peut donner trop de force au pouvoir, ni celles qui désirent qu'on ne lui accorde rien, pour qu'au jour de l'attaque il se trouve sans résistance ou réduit à tout usurper; ni les amis de la liberté, qui placent exclusivement dans les garanties individuelles. Votre commission, messieurs, croit que les libertés publiques sont également en péril, quand les particuliers demeurent sans protection contre le pouvoir, et quand le eltoyen est plus fort pour attaquer les lois que la cité pour les défendre. C'est dans cet esprit que, sans rejeter la doi proposée, nous avons essayé de réduire les sacrifices qu'elle impose à ce qu'exige la défense du territoire et de l'ordre social.

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«Satisfera-t-elle à toutes les conditions d'une loi générale sur la sédition et sur la guerre civile? Votre commission, messieurs, ne le croit pas. Nous doutons qu'elle offre des moyens suffisans pour prévenir ou réprimer ces séditions dont la capitale et la première de nos villes manufacturières ont offert de si tristes exemples, ni ces guerres civiles que nous avons vues, combinées avec la descente ou l'invasion, favoriser par de funestés diversions la guerre étrangère et les vues politiques de l'ennemi.

Maís votre commission n'avait ni le droit ni le devoir d'essayer la ré

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